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Contemplant de nos Ports l'enceinte abandonnée,
Croit déjà voir la France à fes pieds enchaînée,
Il croit que déformais, fur l'empire des eaux,
Lui feul fera tonner l'airain de ses vaiffeaux
Qu'aux éclats de fa foudre, ou foibles ou captives,
Nos flottes n'oferont s'éloigner de leurs rives.
Que dis-je ? à fon orgueil tant de fois démenti,
Le pavillon François femble être anéanti;
Et l'affreux Léopard, refpirant les ravages,
Déjà gronde & rugit autour de nos rivages.

Cependant, quel génie ou quels puiffans efforts R'ouvrent nos arfenaux & repeuplent nos ports? Déjà, dans les chantiers de la France indignée, J'entends gémir au loin la fcie & la coignée : Ces chênes & ces pins qui bravoient, dans les airs, Et la fureur des vents & le froid des hyvers, Qui, touchans de leur cime à la voûte du Monde, Plongcoient jufqu'aux Enfers leur racine profonde; Ces coloffes du Nord, par la terre enfantés, Sur un autre élément tout-à-coup transportés, Fendent le fein des Mers; & les & les vagues

dociles

S'abaiffent fous le poids de ces châteaux mobiles.

Quelles mains à l'Etat ont donné ces fecours? C'est vous, Mortels heureux, mais enviés toujours, Vous, que de noirs crayons peignent dans l'abondance, Vous abreuvans des pleurs verfés par l'indigence. C'est vous, Miniftres faints, Pontifes révérés, De l'Autel & du Trône appuis chers & facrés. C'eft toi, vafte Cité, qui fidèle à tes Princes, Dans les tems malheureux fers d'exemple aux Provinces: Tu ranimes leur zèle; & les fleuves Français,

Unis par leur amour, rivaux par leurs bienfaits

Vont porter, en roulant leurs ondes fortunées,
De plus nobles tributs aux deux Mers étonnées.

Généreux Citoyens, que ne puis-je, en ces vers, A la postérité tracer vos noms divers!

Je laiffe à nos Héros, je laiffe à la victoire,

Le foin de les infcrire aux faftes de la Gloire.

Qu'ils doivent leur fplendeur aux fuccès des guerriers! Que le Lys refleuriffe à côté des lauriers!

Enfans de Mars, comblez une attente fi belle: Oui, c'est à la valeur à couronner le zèle. Partez, nouveaux Jasons ; &, traversans les flots, Allez venger la Grece, allez punir Colchos.

Pour ravir la Toifon par un monftre gardée,
Vous n'aurez pas l'appui des charmes de Médée:
Il faut du Léopard affronter le courroux;
Il faut, fans l'affoupir, l'abbattre fous vos coups.
Allez; & que bientôt nos mains reconnoiffantes
Puiffent orner de fleurs vos poupes triomphantes.

De l'Empire des Lys, toi, Miniftre éclairé, Du Vaiffeau de l'Etat le Pilote affuré, Sage CHOISEUIL, pourfui, ferston Maître & la France. J'ignore quels deffeins occupent ta prudence: Ma Mufe n'ira point, par un zèle indiscret, Du cabinet des Rois pénétrer le fecret; Mais à tes foins actifs la politique unie, Les vertus de ton cœur, le feu de ton génie L'Aftre prédominant de tes heureux deftins; Tout annonce aujourd'hui des triomphes certains. C'est par ton entremife, & fous ton Ministère, Que vont marcher unis les François & l'Ibère. Ils naiffent, ces beaux jours, ces jours trop attendus, Où l'ayeul des BOURBONS dit qu'on ne verroit plus Entre l'Espagne & nous les Monts des Pyrénées; Où les deux Nations l'une à l'autre enchaînées,

Dans un même intérêt confondant tous leurs vœux;
Du fang & de l'amour refferreroient les nœuds.
Puiffe enfin la Tamife, après ces tems d'orage,
Entrer dans les Traités de la Seine & du Tage!
Puiffé-je voir tes foins confacrés par la paix ;
Et l'Univers heureux jouir de tes bienfaits.

ÉPITRE

A

MINETTE.

CESSEZ vos jeux, Minette, & m’éc outcz.

Je hais en vous l'abus de mes bontés.
Toujours mutine, étourdie & légère,
Minette, enfin, me deviendra moins chère,
Votre air prévient; mais pourquoi cachez-vous
Un cœur cruel, fous des dehors fi doux?
Pourquoi, fur-tout, ces pattes veloutées,
Mais, en deffous, de griffes ergotées,
Tirant leurs traits de leurs petits carquois,
De coups fubtils frappent-elles mes doigts ?
Vous déchirez la main qui vous carcffe.
Je ne veux plus que ma lâche foibleffe
Nourriffe en vous ces fentimens ingrats.
Vous me direz (car que ne dit-on pas
Pour déguifer un naturel infàme?
Souvent l'efprit eft le vernis de l'âme,
Il en devient l'apologiste ; mais

L'efprit eft faux, quand le cœur eft mauvais.)

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