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AVERTISSEMENT.

MONSIEUR Rouffeau, par une fingularité toujours foutenue & toujours plus inconcevable, femble vouloir anéantir les Lettres & les Arts qu'il honore. Il étoit facile d'entrevoir, dans fa Lettre fur les Spectacles, fa maniere de penfer à l'égard de la Poéfie: il vient enfin de la développer dans fon Traité de l'Education. Il s'y fert des expressions les plus méprifantes, tant fur la frivolité prétendue de ce talent, que fur l'inutilité de ceux qui le cultivent. Je n'ai point balancé à relever l'aviliffement, où l'on femble vouloir plonger la partie la plus brillante de la Littérature, Du moins imité-je en cela

M. Racine, qui défendit le Théâtre contre Meffieurs de Port - Royal qu'il eftimoit;

dont il avoit été l'élève, & dont il devint l'ami.

ODE

SUR LA POÉSIE,

COMPARÉE

A LA PHILOSOPHIE.

A

ce front où des Dieux éclate la nobleffe, A ces brillans lauriers qui, de fleurs enlâcés, Couronnent les replis de tes cheveux treffés, Oui, je te reconnois: c'eft toi-même, ô Déeffe! O Poéfie! ô toi! Fille des Immortels,

Sous l'ombrage des Lys quel motif te ramène ? Viens-tu redemander aux Peuples de la Seine L'encens que leur mépris refuse à tes Autels?

Mufe, chere à mon cœur & toujours adorée, Commande! mes efprits vont s'élancer vers toi. Que ton rayon célefte étincelle fur moi; Arme mes foibles mains de ta Lyre facrée :

C'en eft fait; & mon fang, à flots précipités,
Comme un torrent fougueux dans mes veines bouillonne.
Tu m'inspires, Déeffe; & déjà ma voix tonne:
Elle tonne fur vous, Profanes !... Ecoutez!

Du fein des Elémens confondus en tumulte Quel pouvoir a foudain tiré ce globe affreux? Il roule épouvanté, fous un cicl ténébreux; Mais le jour luit, enfin, fur cette maffe inculte. Je n'y découvre encor que d'immenfes forêts, Repaire obfcur où l'homme, errant avec la brute, Va fe nourrir du gland, que fa faim lui difpute, Et fe défaltérer fur le bord des marais.

Il rampe, fe replie &, dans la fange impuré, Laiffe pour monument du plus honteux affront, La trace de fes mains, l'empreinte de fon front. Reconnoîtrai-je en lui le Roi de la Nature? Lui-même a méconnu fon Empire nouveau. D'un limon trop épais fon âme enveloppée De fes grands attributs n'eft point encor frappée ; Et le maître du Monde en eft le vil fardeau.

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Quelle eft cette beauté farouche, échevelée ? C'eft fa compagne: en proye aux flâmes de l'amour Elle erre, vagabonde, & la nuit & le jour : J'entends mugir fa voix fourde, inarticulée. Cent Rivaux, entraînés par une aveugle ardeur Se preffent au tour d'elle: à ces accens bifarres, Ces Tigres vont changer, dans leurs luttes barbares, Le plaifir en combat & l'amour en fureur!

Vous, qui de vos leçons nous vantez la fageffe, Philofophies fi fiers, Mortels fi dédaigneux, Eft-ce par vos travaux que l'Homme plus heureux De fes fauvages mœurs adoucit la rudeffe? Vîntes-vous, attendris fur le fort des humains, Organes infpirés de l'Arbitre fuprême,

Démontrer l'Homme, à l'Homme ignoré de lui-même? Du fceptre de la terre ornâtes-vous les mains?

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Non: mais fous le Portique & de Rome & d'Atliene On vit plus d'un Sophifte, imprudent novateur, Vouloir, pour dégrader & l'Homme & fon Autour, Dans fes brûlans foyers éteindre l'âme humaine. Tome II.

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