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profeffion du Mahometifme; que l'Albanie eût été perdue fans l'argent qu'on avoit envoyé à Scanderberg. Voilà, dit Enée, l'ufage que le pape a fait de ces grandes fommes qui font le fujet des plaintes des Allemands. Convenoit-il, de laiffer le Turc fouler aux pieds le nom Chrétien; & le faint pere n'y pouvant fuffire feul, tous les autres n'étoient-ils pas obligez d'y contribuer & d'y fournir à la défense de la cause commune?

Quant au fecond chef de plaintes, que le pape violoit le concordat dans les élections des évêques, Enée répond aux Allemands; que le fouverain pontife n'étoit pas obligé par ce concordat de confirmer toutes fortes d'élections, mais celles-là feules qui avoient été faites canoniquement; qu'il n'en avoit refufé aucune qui fût canonique; & que s'il y avoit eu quelques évêques de recufez, c'étoit, ou parce qu'ils n'avoient pas été élûs dans les formes, ou parce qu'ils n'étoient pas des fujets qui convinffent aux églifes aufquelles on les avoit nommez.Que pour ce qui regarde les referves & les provisions des autres benefices, le pape ne fçait pas qu'il s'y foit rien paffé contre le concordat; que quoique fon autorité fût très-libre, toutefois à caufe de fon amour pour la paix, de l'amitié qu'il porte à l'empereur & à la nation Allemande, il ne fouffriroit jamais qu'on violât aucun article du concordat; que quand même il y auroit quelque chofe à reprendre en la maniere dont s'étoit conduit le faint fiége, il ne convenoit ni aux évêques, ni à toute autre perfonne de vouloir ufer d'autorité préferablement au chef de l'églife, ou de méprifer fes ordres à la deftruction de

AN. 1457.

Eneas Sylvius,

epift. 371.

S. Antonin. tit. 22. cap. 14. in fine.

Bofius, tom. 2.

la hierarchie ecclésiastique, à la confusion du corps AN. 1457, mystique de Jesus-Christ, & à la perte des ames, qu'il falloit plûtôt avoir recours au faint fiége, lui exposer fes griefs, le prier d'appliquer le remede au mal, s'il y en avoit, & que l'églife romaine n'auroit pas manqué de déferer aux défirs de fes enfans pour ce qui regarde leur falut.

XXXIII.

Sylvius pour la de

faint fiége,

L'on trouve plufieurs lettres du même pape & Ecrits d'Encas d'Aneas Sylvius à differentes perfonnes fur le même fenfe des droits du fujet ; & particulierement de ce dernier à Martin Meyer jurifconfulte & chancelier de l'archevêque de Mayence. Ces lettres rapportant en termes exprès les conditions du concordat, font voir qu'on accufoit fans raison le pape de l'avoir violé: ce qu'Enée expofe encore plus amplement dans un traité qu'il adreffa l'année suivante au même Meyer, touchant les mœurs de la nation Allemande, & l'autorité du faint fiége, de fes bienfaits envers les princes tant eccléfiaftiques que féculiers, & de fa puissance. Il tâche d'y refuter les objections que les Allemands tiroient des conciles de Conftance & de Bafle. Il y parle d'une pragmatique fanction établie par quelques princes prélats d'Allemagne contre l'intention de l'empereur, à ce qu'il dit, afin d'abaiffer l'autorité Reproches qu'il du faint fiége. Il reproche à la nation d'avoir refolu fair aux Allemands. de ne point porter d'argent à Rome, d'en exclure les appellations, d'avoir décidé qu'il falloit renvoyer les élections des prélats aux métropolitains, de réserver les collations des benéfices aux ordinaires, & de défendre l'exaction des annates. Il s'applique à montrer que c'est une ingratitude énorme de la fille envers la mere, ce qui caufe beaucoup de dommage,

XXXIV.

non

A N. 1457.

Ext. tom. 2. rerum
German.edit.Frek.

non seulement au faint fiége, mais à toute la religion chrétienne, & ce qui ôte la plenitude de puiffance au fouverain pontife qu'on veut rendre pauvre & fans nulle autorité. Les Allemands ne manquerent pas de repliquer. On trouve une réponse d'un certain Jacques Wimphile pour la défense de la nation. Jean évêque de Wirtzbourg fut un des plus oppofez au pape, il contraignit même les nonces à n. Sylvius. epifti fe fauver & à prendre la fuite, comme le souverain 387. pontife s'en plaignit en écrivant à Thierry archevêque de Mayence qui s'interreffoit beaucoup pour cet évêque.

Quelque zele qu'eût Æneas Sylvius à faire l'apologie du faint pere, on ne peut nier cependant qu'il ne fe gliffât de grands abus dans l'emploi de l'argent deftiné à la guerre contre les Turcs. Le roi de Caftille en réserva la motié dont il fe fervit dans la guerre contre ceux de Grenade, qu'il contraignit dans cette année à lui payer un tribut à des conditions. honteufes.Chriftiern roi deDannemark en fitautant, & leurra le nonce Martin, fous prétexte d'employer les levées contre les schifmatiques qui étoient aux confins de ses royaumes. S.Antonin reproche auffi à la France d'avoir fait la même chofe dans le befoin où fe trouvoit Charles VII. de continuer la guerre contre les Anglois: ce qui n'eft pas vraisemblable, puifque ni Meyer qui n'étoit point du tout favora ble a la nation Françoise, ni Æneas Sylvius lui-même qui ne lui vouloit pas beaucoup de bien à cause des affaires de Naples, n'ont rien dit de cette accufation. Tout ce qu'on trouve dans ce dernier auteur est, que le cardinal d'Avignon équipa vingt-quaTome XXIII. Ꭰ

S. Antonin tit. 22. cap. 108. §. 1

lib. 4. in princip.

tre galeres de l'argent levé fur la France; mais que AN, 1457. Jean fils de René roi de Sicile employa ces galeres. Comment. Pii IL contre Ferdinand roi de Naples. Un autre auteur Aut anorym apud ajoûte que ce cardinal voulant exiger en France les décimes pour la guerre fainte,fuivant l'ancienne valeur des benéfices, & non felon la taxe du tems, le roi ne le lui voulut jamais permettre.

Meyer. lib. 16.

XXXV.

Le pape travaille

à réconcilier l'em

Hongrie.

Eneas Sylvius, epift. 282.

239.

Cependant on continuoit toujours les levées de ces décimes; & parce qu'il étoit de la derniere impereur & le roi de portance,pour défendre la Hongrie contre les Turcs,. d'appaifer les anciennes querelles qui fembloient fe renouveller entre l'empereur Frederic & Ladislas roi de Hongrie & de Bohême; le pape fe fattant qu'on pourroit aisément vaincre les Turcs, fi ces deux princes étoient unis & joignoient leurs armées, en Id. ep. 229.& écrivit exprès au cardinal de faint Ange fon-légat en Allemagne,afin de s'unir avec Louis de Baviere, & de l'engager à être le médiateur de cette réconciliation ; & le chargea en même tems de donner de la part de fa fainteté la benédiction au mariage que le même Ladiflas devoit contracter à Prague avec Magdelaine fille de France, & pour lequel ce roi avoit. déja envoyé une celebre ambaffade en France, afin d'y aller prendre la princeffe fon épouse.Le roi Charles VII. reçut les ambaffadeurs de Ladiflas à Tours & leur fit des honneurs extraordinaires. Le jeune prince de fon côté, âgé feulement de dix-huit ans,. & l'un des plus accomplis, qu'il y eut alors en Europe, partit de Vienne & arriva à Prague pour y faire les préparatifs de fes nôces, qui toutefois ne furent pas accomplies.

XXXVI.

Le roi de Hon

Il étoit fur le point de faire fon entrée dans cette

AN. 1457.

grie va à Prague pour épouser Mag. delaine de France. Bobem. cap. 69.

Eneas Sylu bist.

Bonfin. l. 3. dec.86

capitale,lorfque Rocquefane,qui faifoit les fonctions d'archevêque fans en avoir obtenu les bulles, vint au-devant de lui avec un grand nombre de Huffites qui l'escortoient, pour féliciter fa majefté fur fon heureux retour dans fon royaume. Ladiflas qui haïffoit les herétiques, reçut l'archevêque avec un air très-froid, & qui lui fit affez connoître qu'il lui étoit défagréable. Peut-être même que fans Pogebrac qui Monfrelet vol 3: gouvernoit ce royaume en fouverain, & avec lequel Ladiflas avoit interêt de fe ménager, ce jeune prince n'eût pas feulement regardé l'archevêque: au lieu qu'il reçut avec bonté & d'un air affable les prêtres catholiques, & qu'il ne put s'empêcher de dire en les voïant: Voici les miniftres du Dieu que je fers, je les reconnois pour être à lui. Roquefane témoin de cette réception avec fes Huffites, diffimuloit à peine le chagrin qu'il en concevoit, & il en auguroit dèslors qu'on ne feroit aimé du prince qu'autant qu'on feroit attaché à la religion orthodoxe,& à la créance de fes ayeuls.

XXXVI: Mort du jeune

Ladiflas roi de Hon& de Bohême:

grie

Bonfin l. 3. dec. 8. En. Sylv. hift. Bolem. cap. 69.70.

C'étoit en effet le deffein de Ladiflas, & pour y réüffir il prit avec le même légat les mefures & les plus prudentes & les plus chrétiennes qu'on avoit lieu d'attendre de leur fageffe & de leur religion. Mais la mort du jeune roi interrompit ces grands 71. projets. Ce prince fut empoisonné & mourut fur la fin de Novembre, n'étant âgé que de dix-huit ans. On l'enterra dans le chœur de l'églife métropolitaine de Prague dans le tombeau de l'empereur Charles IV. fon bifayeul. Cette mort fur imputée aux deux chefs de la faction des Huffites, ou à chacun en particulier à Rocquefane dans la vûë d'affermir sa

ap: 67.

Michou. l. 4

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Eneas de morib

& cond. German,

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