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voulez-vous foumettre aux François : Vous vous

AN, 1458. » repentirez bien-tôt de leur avoir donné entrée en Italie. Vous verrez le collége des cardinaux rempli de François ; ils s'y rendront fi puiffans, qu'il n'y aura plus de papes que de leur nation. Vous voulez donc donner des fers à votre patrie? A quoi fongez-vous de vouloir établir vicaire de JESUS-CHRIST, un homme comme l'archevêque de Roüen? Eft-ce avoir de la confcience, & le moindre fentiment de pieté & de juftice? N'est-ce pas. manquer de prudence & de jugement? N'avezvous pas dit plufieurs fois que l'églife de Dieu feroit ruinée, fi elle étoit gouvernée par ce cardinal, & que vous aimeriez mieux mourir que de → consentir à son élection ? Pourquoi donc avez-vous »fi-tôt changé de fentiment? Eft-ce que dans un instant, de démon qu'il étoit, il eft devenu un ange? ou vous-même d'ange de lumiere,êtes-vous de- venu ange des tenébres? Il faut que ce changement le foit fait en vous, puifque vous approuvez l'avarice & l'ambition de cet homme. Qu'eft devenu l'amour que vous aviez pour votre patrie que → vous préferiez autrefois à toutes les nations de la terre? J'aurois crû que vous ne l'auriez jamais abandonné, quand même vous auriez vû vos plus chers amis fe révolter contre elle. Vous m'avez bien trompé, ou plûtôt vous vous trompez vousmême, & vous trompez votre patrie, si vous ne fortez de cette erreur. «<

XLII.

Le cardinal de

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...

:

Le cardinal de Pavie fut fi touché de ces paroles, Pavie fe départ de qu'il ne put s'empêcher de répandre des larmes : & après quelques foupirs: Vous me rendez confus,

Parchevêque de

Rouen.

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AN. 1458.

dit-il, mais que puis-je faire ? j'ai donné ma parole, fi j'y manque, je passerai pour un homme fans foi. Hé bien, reprit Piccolomini, aimez-vous mieux trahir votre patrie que le cardinal de Rouen?« Ces paroles acheverent de convaincre le cardinal de Pavie, & il promit de fe départir de la brigue des François. Celui de Sainte Marie la Neuve ayant appris les brigues qu'on faifoit pour le cardinal de Roüen, qu'il haïffoit extrémement, & n'efperant pas d'être élevé au fouverain pontificat, fit affembler tous les -cardinaux Italiens, à la réserve de Profper Colonne, dans la chambre du cardinal de Genes. Après leur avoir fait entendre les maux que l'on avoit à craindre, fi l'on élifoit le cardinal de Roüen, il les exhorta à faire paroître de la fermeté, à s'attacher plûtôt au bien de l'église & de l'Italie, qu'à leurs interêts particuliers, & leur propofa Enée Piccolomini cardinal de Sienne, qui étant Italien & homme de Neuve propofe mérite, étoit plus capable qu'aucun autre de remplir cette place. De fept cardinaux qui étoient préfens, il n'y eut que Piccolomini qui combattit cette propofition, fe confefsant absolument indigne d'un rang fi élevé.

Peu de tems après on commença la messe, & quand elle fut achevée on alla au scrutin. On mit un calice d'or fur l'autel, & les cardinaux de Rimini, de Roüen & Colonne s'en approcherent pour examiner fi tout fe paffoit dans l'ordre. Les autres cardinaux prirent leurs places, & fe leverent les uns après les autres fuivant leur rang d'ancienneté, pour aller mettre dans le calice le bulletin fur lequel ils avoient écrit le nom de celui à qui ils donnoient Tome XXIII.

G

LXIV.
Le cardinal de
Sainte Marie la

Enée Piccolomini

leur voix. Piccolomini y étant allé à son tour, le ∙AN. 1458. cardinal de Roüen qui fçavoit bien qu'il lui étoit contraire, ne put s'empêcher de lui dire: Souvenezvous de moi dans cette occafion. Ce qui marquoir fon imprudence, puifque dans ce moment on ne pouvoit changer ce qui étoit écrit. Piccolomini ne lui répondit que ces paroles: Quoi ! vous vous adresfez à moi qui ne fuis qu'un petit ver de terre. Enfuite il reprit fa place. Le fcrutin étant achevé, on mit la table au milieu de la chambre,& les trois carOn procede au dinaux qui étoient auprès de l'autel, prirent le calice, & le renverferent fur cette table. En même tems on lut tout haut les noms de ceux qui étoient écrits dans les bulletins, afin qu'il n'y eût point de tromperie; & l'on trouva que le cardinal de Sienne avoit neuf voix, celui de Rouen fix, & les autres beaucoup moins.

LXV.

fcrutin pour l'élection d'un pape.

Mais comme aucun n'avoit le nombre fuffifant, tous les cardinaux reprirent leurs places, pour voir fi à l'acceffit ils pourroient s'accorder, ce qui donna quelque efperance au cardinal de Roüen, quoique dans la fuite il n'en tira aucun avantage. Ils gardoient tous un profond filence; les plus jeunes attendant que les anciens parlaffent. Enfin le vicechancelier fe leva, & dit qu'il donnoit sa voix à Piccolomini; ce qui fut un coup de foudre pour le cardinal de Rouen. Le filence recommença encore pendant quelque tems, les cardinaux ne faifant connoître leurs pensées que par le mouvement de leurs yeux. Ceux qui avoient quelque prétention, voyant qu'on alloit élire Piccolomini,fortirent fous differens prétextes. Dans le même tems Jacques cardinal de

AN. 1458.

faint Anastase se déclara encore pour lui:ce qui con-
fterna beaucoup ceux du parti contraire, parce qu'il
ne lui falloit plus qu'une voix. Profper Colonne
voulant avoir la gloire de le faire pape, fe leva pour
lui donner la fienne. Mais les cardinaux de Nice &
de Rouen l'arrêterent,lui reprochant qu'il leur man-
quoit de parole, parce qu'il avoit déja donné fa
voix au cardinal de Rouen. Ce reproche ne lui fit pas
changer d'avis, il dit hautement qu'il fe déclaroit
pour Piccolomini, & en même tems tous les autres
le saluerent en qualité de pape. Ils reprirent ensuite Pie 11.
leurs places, & confirmerent fon élection d'un com-
mun confentement. Piccolomini qui n'avoit que
cinquante-trois ans, fut ainfi élû le vingt-feptiéme
du mois d'Août de cette même année, & prit le nom

de Pie II.

CC

Saint pere,

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LXVI.
Enée Piccolomini

cardinal de Sienne

eft élû pape, & prend le nom de

LXVI. Difcours que lui

farion.

Quelques momens après le cardinal Beffarion prenant la parole tant pour lui que pour les autres par- fait le cardinal Bef tifans du cardinal de Rouen, s'adreffa au nouveau pape, & lui parla en ces termes: nous reffentons tous une joye parfaite de votre « exaltation; & il eft aifé de voir par le choix qu'on vient de faire de votre perfonne, que c'est le SaintEsprit qui préside dans tous les conclaves, & qui « conduit les fentimens des cardinaux fuivant le but qu'il s'eft proposé dans le gouvernement de fon « église. Si d'abord nous avons eu des pensées différentes, c'étoit dans la crainte que vous ne puiffiez réfifter aux fatigues qui accompagnent cette dignité, ayant une fanté peu affurée,& étant souvent incommodé de la goutte. Il nous fembloit que dans les périls dont l'église eft menacée pendant la guerre

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AN. 1458.

LXVIII. Réponse du pape

à ce difcours,

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qu'on va faire aux infidéles, il falloit en la place que vous allez remplir, un homme plus jeune, plus agiffant, & qui pût, fans s'incomnioder, s'expofer à de grands voyages. Ce ne font que vos infirmitez qui nous ont empêché de vous donner nos fuffrages; mais puifque Dieu en a difpofé con» tre nos fentimens, il donnera à votre fainteté les forces néceffaires pour bien remplir tous les devoirs de cette charge: & comme nous n'avons manqué que par ignorance, nous tâcherons par - notre fidelité, & par l'exactitude de nos fervices, de réparer la faute que nous avons faite en voulant vous préferer le cardinal de Roüen.

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Le nouveau pape répondit: Vous avez jugé plus favorablement de ma perfonne que moi-mê» me, puifque vous ne trouvez en moi d'autre défaut celui de ma mauvaise santé & de ma gouque -te. Je me connois tout-à fait indigne du rang » auquel on vient de m'élever, & je puis vous affu»rer que je l'aurois refufé, fi je n'avois craint de condamner le jugement de ceux qui m'ont donné leurs voix, & de m'attirer la colere du ciel qui a fait déclarer pour moi les deux tiers du facré collége. Quoique je veüille me conformer à la vocation divine, je ne laiffe pas d'approuver le procedé de ceux qui ont nommé le cardinal de Rouen,puif, qu'après avoir fuivi, en donnant leurs voix, les » mouvemens secrets de leur confcience, ils n'ont pas laiffé de confirmer mon élection, lorsqu'ils l'ont regardée comme l'ouvrage du Saint-Elprit. Je vous traiterai tous également comme mes freres, puisque vous avez tous fait votre devoir, quoi

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