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qu'avec une conduite differente. « Enfuite il quitta A N. 1458.

fes habits, & prit la tunique blanche, après avoir juré d'observer les déliberations que le facré collége avoit faites trois jours auparavant. Il s'affit fur l'autel, & y fut adoré de tous les cardinaux qui allerent l'un après l'autre lui baifer les pieds, les mains & la bouche. Auffi-tôt après on annonça au peuple par la fenêtre, que le cardinal de Sienne avoit été élû pape, & qu'il avoit pris le nom de Pie II.

Auffi-tôt que les domeftiques furent informez de l'élection, ils allerent piller la cellule du cardinal de Sienne, fes livres & fa vaiffelle d'argent. L'insolence du menu peuple alla plus avant; les premiers qui entrerent dans cette cellule en abattirent les murailles, & en emporterent les marbres dont elle étoit bâtie, ils pafferent même aux cellules des autres cardinaux, où ils firent les mêmes défordres, n'étant pas bien informez du nom du pape. Ils s'arrêterent long-tems dans celle du cardinal de Genes dont ils confondirent le nom avec celui du cardinal de Sienne, mais quand l'élection fut verifiée, la joye fut univerfelle, pour l'élection du on entendoit par tout retentir le nom de Sienne; le pape. peuple qui peu de tems auparavant avoit pris les armes, les quitta auffi-tôt qu'il apprit que Piccolomini avoit été fait pape. Rome qui quelques momens auparavant sembloit une place de guerre, devint tranquille dans un inftant; & l'on ne vit dans toutes les rues que des tables dreffées & des feux d'artifice.

Le pape fut conduit dans l'églife de faint Pierre, & après être monté fur le grand autel, aux pieds duquel font les tombeaux des faints Apôtres, il s'affit fur le trône qu'on lui avoit préparé, & y fut adoré

LXIX.
Joye dans Rome

des cardinaux, enfuite des évêques, & enfin de tout AN. 1458. le peuple qui vint en foule lui baifer les pieds. Pen

LXX. Hiftoire & caratere de Pie II.

Platin. in Pium II.

384. 385. 386.

dant la nuit on mit des lanternes à toutes les fenêtres, & des flambeaux au haut des tours; on n'entendoit dans toutes les ruës que le bruit des tambours & des trompettes accompagné de cris de joye. Enfin les réjoüiffances furent fi grandes, que les plus âgez avoüoient qu'ils n'en avoient jamais vû de pareilles. Les principaux barons de Rome monterent fur des chevaux blancs, & se rendirent fur le foir au palais avec des flambeaux allumez pour faluer le nouveau pape. Ils étoient en fi grand nombre que les premiers étoient déja arrivez à l'église de faint Pierre, qu'il y en avoit encore un grand nombre au château SaintAnge, d'où ils étoient partis. Cette joye se répandit dans les autres villes d'Italie, fur-tout à Sienne dont les habitans se distinguerent par leur magnificence, quoique les principaux feigneurs de cette république euffent été les ennemis du nouveau pape étant, évêque de leur ville & cardinal.

que ce

Pie II. étoit né à Corsigny petite ville à dix milles de Sienne, où étoit la maifon de fes prédeceffeurs. Son pere fe nommoit Sylvius Piccolomini,& fa mere En. Sylvius, ep. Victoire Forteguerra, d'une bonne famille, qui toutefois n'étoit pas ancienne. Mr. Dupin dit fut à Pienza qu'il vint au monde l'an 1405. dans le territoire de Sienne où fon pere étoit en exil, mais cela n'est pas contraire à ce que l'on vient de dire; parce que Pie II. pour illuftrer le lieu de fa naiffance qui s'appelloit auparavant Corfigny ou Corsignana, l'érigea enfuite en ville épifcopale à laquelle il donna le nom de Pienza,de fon nom de Pie. Victoire Forte

guerra sa mere étant enceinte de lui, avoit fongé qu'elle accouchoit d'un enfant mitré; & comme AN. 1458. c'étoit alors la coutume de dégrader les clercs en leur mettant une mitre de papier fur la tête, elle crut qu'Enée feroit la honte & le deshonneur de fa famille mais la fuite juftifia le contraire. Il fut élevé avec affez de foin, & fit beaucoup de progrès dans les belles lettres. Après avoir fait les études à Sienne il alla en 143 1. au concile de Bafle avec le cardinal Dominique Capranica qu'on appelloit de Fermo, parce qu'il étoit adminiftrateur de cette église. Enée fut fon fecretaire, & n'avoit alors que vingt-fix ans. Enfuite il exerça la même fonction auprès de quelques autres, & du cardinal Albergati qui l'envoya en Écoffe. A fon retour il fut honoré par le concile de Bafle des charges de reférendaire, d'abbréviateur, de chancelier, d'agent genéral, fut envoyé plufieurs fois à Strasbourg, à Francfort, à Conftance, en Savoye, chez les Grifons, & fut pourvû de la prévôté de l'église collegiale de saint Laurent de Milan. Au milieu de fes négociations il publioit toujours quelque ouvrage; ce fut alors qu'il compofa ceux qui étoient favorables au concile de Bafle, & défavantageux au pape Eugene IV. Il changea de fentiment dans la fuite, lorfqu'il fut devenu pape, comme on le voit par la bulle du vingt-quatrième d'Avril 1463. qui eft au commencement du recueil de fes œuvres, & dans laquelle il retracte tout ce qu'il avoit écrit. autrefois en faveur de ce concile, & fait défense d'appeller des jugemens du pape à aucun concile.

Felix V. voulut l'avoir pour fecretaire; & l'empereur Frederic l'appella en 1442.pour exercer le même

emploi auprès de fa majesté Imperiale, qui l'honora AN. 1458. de la couronne poëtique, & l'employa en differentes ambassades, à Rome, à Milan, à Naples, en Boheme & ailleurs. Le pape Eugene IV. dont il avoit combattu les interêts dans fes écrits, fit néanmoins beaucoup d'eftime de fon génie;& le pape Nicolas V. lui confera l'évêché de Triefte qu'il quitta quelque tems après pour celui de Sienne. Le même pape fe fervit de lui en qualité de nonce dans l'Autriche, la Hongrie, la Moravie, la Boheme & la Silefie, où il réüffit très-bien, & fit des merveilles dans les diétes de Ratisbonne & de Francfort qu'il fit affembler pour former une ligue contre les Turcs. La mort de Nicolas V. fit échoüer ce projet. Callixte III. qui fut fon fucceffeur, arrêta à Rome l'évêque de Sienne qui vouloit s'en retourner en Allemagne, & le fit cardinal en 1456. Enfin lorfque ce pape fut mort, on le choifit pour remplir fa place, comme on vient de le rapporter. Nous avons les œuvres en un volume imprimé à Bafle en 1551. Le recueil de fes lettres a été auffi imprimé à Nuremberg, à Louvain & à Lyon. Son fecretaire Jean Gobelin Perfona a écrit fon hif toire en douze livres, ou, felon les meilleurs critiques, a prêté fon nom à ce pape, que lui-même l'a compofée. Elle a été imprimée à Rome in-4°. en 1584. & 1589. & à Francfort in fol. en 1614.

LXXI.

Divers fentimens

lection du pape.

Quoique fon élection ne fût pas également apdes princes fur l'éprouvée de tous les princes, toutefois ils en parurent à l'extérieur affez contens. Ferdinand roi de Naples en témoigna beaucoup de joie ; Alphonfe fon prédeceffeur&fon pere ayant été intimes amis du cardinal de Sienne. Quoique François Sforce duc de Mi

lan

lan eût defiré qu'un autre eût été élevé à cette dignité, il ne laiffa pas d'ordonner des réjoüiffances publi- AN. 1458. ques dans tous fes états au fujet de cette élection. Le duc de Modene qui avoit de l'obligation à Piccolomini, parce qu'il s'étoit employé auprès de l'empereur Frederic pour lui faire donner l'inveftiture de ce duché, ne voulut pas fe montrer ingrat de ses bienfaits, afin qu'il lui continuât fa protection dans un tems où il étoit plus en état de lui faire de bien. Il fit faire un feu d'artifice à Ferrare, enfuite un tournois magnifique, & n'oublia rien pour marquer fa joye & fa reconnoiffance. Les marquis de Mantouë, de Monferrat & de Saluces qui étoient aufli amis du pape firent leur devoir en cette occafion. Les Ve nitiens & les Florentins ne furent pas contens, parce qu'ils étoient anciens ennemis des Siennois; & ils furent fi peu maîtres de leur reffentiment, que G quelqu'un de Sienne leur difoit dans les rues en les faluant, Dieu vous conferve, ils répondoient par des injures. Ils ne laifferent pas toutefois d'envoyer des ambassadeurs à Rome pour féliciter le nouveau pape. L'empereur Frederic qui avoit fait donner à Piccolomini le chapeau de cardinal, apprit son élection avec plaifir. Le roi d'Espagne en reffentit auffi beaucoup de joye. Mais ceux de France, d'Ecoffe, de Dannemarck, de Pologne, de Hongrie & de Chypre n'en parurent pas fort fatisfaits.

LXXII.
Mort du cardinal

Dans le tems qu'on faifoit les obféques du pape Callixte, le cardinal Dominique Capranica mourut. Capranica de FerIl fut beaucoup eftimé pour fon érudition, pour fon mo. experience dans les affaires, & pour fes mœurs ; on penfa même à lui pour le faire fucceder à Callixte,

Tome XXIII.

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