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& qu'il expoferoit volontiers fa vie pour les peuples AN. 1459. que Dieu lui avoit confiez.

CI.

Le pape écrit aux

Mantouë.

Comm. Pii L 1.2

Le premier foin du fouverain pontife après l'ouverture de cette affemblée fur d'écrire à l'empeprinces, & les ex- reur, au roi de France, aux ducs de Savoye & de horte à venir à Baviere, aux Venitiens, aux Florentins & à d'autres, pour les exhorter à venir eux-mêmes à Mantouc, ou du moins à y envoyer leurs ambassadeurs. Sur ces entrefaites on vit arriver les députez de Thomas prince du Peloponefe, un des frères du défunt empereur des Grecs Constantin, & qui avoit privé fon aurre frere Demetrius d'une grande partie de fes états, & mis en fuite les Turcs. Ils venoient pour demander au pape du secours, affurant à sa sainteté qu'avec trois cens hommes ils chafferoient les Turcs Gobelin. Perfona. de l'Ifthme. Comme ce qu'ils demandoient n'étoit pas de conféquence, on le leur accorda fans peine. Ils partirent avec ces trois cens hommes d'infanterie, & s'emparerent d'abord de la ville de Patra; mais la divifion s'étant mife parmi eux, ils furent auffi-tôt difperfez ce qui fut un mauvais préfage pour la Chalcond. bift, des fuite. Quant au prince Demetrius, il fe retira à LaPhranz. 1.3.6.12. cedémone, & fut obligé de fe foumettre à Mahomet qui prit fa fille pour la mettre au nombre de fes femmes. Thomas fon frere ayant tout perdu, s'en alla dans l'ifle de Corfe, & de-là il vint trouver le pape. L'affemblée de Mantouë augmentoit tous les jours fieurs ambaffa par l'arrivée de plufieurs ambaffadeurs. On Y vit deurs à Mantoué. ceux des illes de Chypre, de Rhodes & de Lefbos, d'Albanie, de l'Epire, de la Bofnie, & de tous les confins de l'Illyrie qui venoient demander du fecours. Mais il n'y eut que les peuples de Ragufe qui

Turcs, liv. 9.

CII.

Arrivée de plu

promirent d'affifter tous ces états contre les Turcs, fuivant leurs facultez. Quoique le roi de Bohême eut AN.. 1459. fecretement fait alliance avec Mahomet, il ne laissa pas auffi d'envoyer les ambaffadeurs à Mantouë; le prince étant allé peu de temps auparavant trouver Matthias roi d'Hongrie, l'engagea fous l'apparence de belles promeffes à le fecourir contre les Turcs, à Leunclau. lib. 15. permettre que fon fils entrât dans Synderone bourg très-bien fortifié fur les bords du Danube. Mais quelques mois après il livra la place à Mahomet, moyennant une fomme d'argent confiderable; ce qui chagrina plus les Hongrois que la prife de Conftantinople, parce que ce bourg étoit le paffage de la Rafcie en Valachie, par lequel on pouvoit aisément porter la guerre chez les infidéles.

Sur une difpute qui s'éleva dans cette affemblée entre les ambassadeurs des rois, & ceux des ducs, les uns ne voulant pas céder le pas aux autres, & chacun prétendant s'attribuer les premieres places, le pape fit un decret par lequel il ordonnoit que les prefféances ne feroient aucun tort à ceux qui fe. roient dans un rang plus bas, & que ceux qui feroient dans les premieres places ne fe prévaudroient point contre les autres: mais ce réglement ne rétablit pas la prix. L'ordre épiscopal souffroit auffi avec beaucoup de peine de voir qu'on leur préferoit les notaires apoftoliques qui étoient placez entre les évêques, fuivant la coutume de la cour Romaine. Le pa-pe eut égard aux plaintes qu'on lui en fit,& fans écouter les remontrances des notaires qui prétendoient que la prefféance dont ils joüiffoient étoit une loi facrée à laquelle on ne pouvoit apporter aucun chan

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Dispute entre les

ambaffadeurs fur:

la

prefléance.

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gement fans fcandale; il jugea que c'étoit un abus AN. 1459. & non pas une coutume, que les notaires fuffent mêlez avec les évêques, & défendit ce mélange par une bulle datée de Mantouë le trente-uniéme de May, à 2. P. II. conftit. laquelle tout le monde applaudit. Les notaires malgre eux fe foumirent à cette loi. Cette bulle préceda le decret touchant la prefféance, qui ne fut rendu que le quinziéme du mois d'Août.

Extat bulla tom.

CIV. Premiere féance

Mantouë.

Collect, concil. P. Labbe. tom. 13.

Tout ayant été ainfi reglé, on indiqua la prede l'affemblée de miere féance de cette affemblée au neuviéme de Septembre, comme on le voit dans les lettres du pape à Jean de Carvajal fon légat en Hongrie, datées de la veille. La raifon qu'en rend fa fainteté, eft que prefque tous les ambaffadeurs des princes chrétiens étoient arrivez, qu'on attendoit inceffamment les ducs de Milan & de Modene qui avoient promis d'arriver vers le milieu du mois, que dans peu l'on verroit les ambassadeurs de France, d'Angleterre & de Bretagne. Cependant quelques - uns manquerent. Philippe duc de Bourgogne ne pouvant s'y trouver en perfonne, quoiqu'il l'eût promis, envoïa en fa place le duc de Cleves fils de fa fœur, avec un celebre cortege de feigneurs. Le pape envoïa au-devant de lui deux cardinaux qui d'abord refuferent, prétendant c'étoit abaisser leur dignité, qui égaloiť, difoient-ils, celle des rois. Mais le faint pere le r aïant remontré que l'empereur qui n'étoit pas moins qu'eux, alloit fouvent lui-même au-devant des ducs & des marquis, ils fe rendirent. Cet ambassadeur arduc de Bourgogne riva donc accompagné de ces deux cardinaux, & fut eft reçu à l'affein- admis dans l'affemblée. Il prit féance, & dit que le duc de Bourgogne loüoit fort les grands deffeins

CV. L'ambaffadeur du

blée.

que

du

du pape; mais qu'il en croyoit l'exécution impoffible, parce qu'on avoit befoin de grandes forces AN. 1459. pour faire la guerre à un ennemi auffi puiffant que le Turc; que l'Allemagne, la France & l'Angleterre étoient divifées, & qu'il falloit les réünir avant que de penser à cette guerre.

CVI. Demandes du pa

Quelques fpécieufes que fuffent les raifons du duc de Cléves, elles n'arrêterent point le zéle du pape. pe pour la guerre Il répondit qu'il étoit vrai qu'on avoit fait rarement

la

contre les Turcs

Comment. Pii IL

guerre en Orient fans les François qui s'étoient toujours diftinguez dans les faintes entreprises pour la religion, qu'il travailleroit à établir une paix folide entre eux & les Anglois : qu'il n'étoit pas fi aifé de pacifier l'Allemagne; que cette affaire demandoit du tems; mais qu'il ne défefperoit pas d'y réüffir, pour peu qu'on fût bien intentionné ; que fi l'on differoit davantage, la Hongrie périroit entiérement; que les Turcs une fois maîtres de ce royaume ne trouveroient plus d'obstacles pour entrer en Allemagne, de-là en Italie, en France & en Espagne, comme autrefois les Barbares avoient fait; que les fe- 16.3. cours qu'on demandoit ne pouvoient pas épuifer les princes; qu'on exigeoit d'eux feulement que chacun contribuât à compofer une armée de cinquante à foixante mille hommes; qu'un plus grand nombre feroit inutile; que les rois pourroient prendre avec eux l'argent nécessaire pour l'entretien & la folde des troupes d'Hongrie, d'Allemagne, de Boheme & de Pologne, qui fous la conduite du légat du faint fiége défendroient la Hongrie & les provinces voisines, jufqu'à ce qu'on eût raffemblé toutes les forces. Que le duc de Bourgogne étant un des plus puiffans Tome XXIII,

L

princes, devoit y contribuer davantage, qu'il avoit AN. 1459. fait vou d'aller à cette guerre en perfonne, & que c'étoit une occasion favorable pour lui, de tirer vengeance des Turcs qui avoient retenu fi long-tems fon pere en prifon. Toutes ces raifons du pape n'ébranlerent pas le duc de Cléves, qui fçavoit bien que le duc de Bourgogne n'étoit pas difpofé à contribuer aux frais de cette guerre. Mais sa sainteté fit de fi fortes inftances, qu'enfin le duc promit deux mille hommes d'infanterie & autant de cavalerie, qui feroient entretenus aux dépens de ce prince autant de tems que dureroit la guerre qu'on alloit entreprendre.

CVII. Arrivée des ducs

dene a Mantouë.

Papienfis epift. 25.

Peu de jours après l'arrivée du duc de Cléves, Milan & de Mo. François Sforce duc de Milan fe rendit à Mantouë, & les deux cardinaux allerent au-devant de lui. Le célebre François Philelphe gendre d'Emanuel Chryfolorele harangua avec tant d'éloquence, que le pape furnomma cet orateur la Mufe d'Athénes. Le duc fut loüé fur fon courage, fur fon zéle à défendre la foi; & il méritoit ces éloges, ayant toutes les qualitez qui font un grand prince. Borfe duc de Modene Bergem lib. 15. arrêté par une maladie,envoya à Mantouë fon frère, Them.de ferit. qui promit au nom du duc trois cens mille écus d'or. Baul. Jou.in clog. Les ambaffadeurs de Florence,de Sienne & de Boulogne, firent auffi leurs offres de même que les Genois; mais ceux-ci ne promirent qu'en fecret, ayant des ménagemens à garder avec le roi de France, auquel ils s'étoient foumis depuis peu. Ferdinand roi de Naples offrit plus que les autres, & s'engagea même par vou à cette guerre. Les ambaffadeurs de Cafimir roi de Pologne s'y trouverent avec beaucoup,

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