Prince; mais en attendant mieux, Reçoi de mes effais cette offrande fincere; S'ils font de quelque fruit, que j'en loüerai les Dieux ! Sous plus d'une riante image, Les devoirs des Rois font tracez; J'ofe en dire beaucoup; Si ce n'en eft affez, Quelque jour ton exemple en dira davantage. D'ailleurs, ne vas pas négliger, D'autres points que j'adreffe à tous tant que nous fommes; Rien d'humain ne t'eft étranger; Les grands Rois fe font des grands Hom mes. Travaille donc à l'homme; & quand il fera fait, Le Roi viendra bien aifément s'y joindre; Quels hommes choifis vont t'aider A confommer en toi cet important Ouvra ge! Le vrai va t'être offert; fonge à le regarder, Songe à l'aimer, & fur fon témoignage Fonde en ton cœur de folides vertus: Car, lorfque des Leçons aura difparu l'âge a Peut-être que ce vrai ne fe montrera plus. Ce mot eft effrayant. Qu'y faire! c'est l'usage: Tous les Rois font flattez. Prince, pour l'A venir, Contre les accidents fonge à te bien munir. ON dit qu'un jour certaine Belle, Car je choisis tout exprès la Beauté, Vous êtes belle, il faut rendre juftice, Que fert ce vermillon? demandez-moi quoi pour Vous alterez ainfi vos graces naturelles ? Ce fouris moins marqué feroit plus gracieux. Tous avis que la Belle approuve & fonge à suivre, Quand un grand monde la vient voir : Elle fe leve, & quitte le miroir. Le cercle feducteur de loüanges l'enivre. On loija le faux teint, le regard, le fouris ; Rien n'y manquoit; tout étoit grace Tant fut dit, que la Belle oublia les avis Qu'elle devoit à fa fidelle glace. PRI Rince, vous voyez bien que la Belle, c'est vous; Que le Miroir, c'eft plus d'un Sage Qui par d'heureux confeils veille à former pour nous Un Roi parfait. Dieu beniffe l'ouvrage. Quand les Flateurs viendront, faites-vous un devoir De rappeller toûjours les avis du Miroir vij DISCOURS SUR LA FABLE. L me femble que pour les Ouvrages Id'efprit, fes intérests. Quand un Auteur réüssit à certain point dans quelque genre, ce Public le comble d'éloges, & en cela it a raifon; l'Auteur qui réüffit n'eft bien payé que par cet acceuil: mais on ne s'en tient pas aux fimples applaudiffemens ; & fur tout après la mort de l'Auteur (car les grandes réputations font presque toûjours pofthumes) on ne fe contente plus de l'élever au deffus de ceux qui l'ont précédé; on exclud d'avance des honneurs qu'on lui décerne les Ecrivains qui pourroient les mériter après lui. On déclare hautement que. perfonne ne fçauroit deformais attein dre à fa perfection: ceux qui l'entreprendroient font déja qualifiez de téméraires ; & on ne réserve que du mépris pour une émulation qui pourroit quelquefois être heureufe. Cette difpofition du Public n'est que Trop propre à effrayer d'heureux génies appellez par la nature au même genre, mais qui, découragez par cette exclufion imprudente, le détournent d'une carriere où ils ne voyent plus de lauriers pour eux. Ils font contraints de s'ou vrir de nouvelles routes, où ils ne marcheront pas fi heureufement; & c'eft le Public qui en les intimidant, s'eft privé lui-même de ce qu'ils auroient fait de meilleur. ! Si cependant quelque Auteur ofe cé der à fon goût, & qu'il ait le courage de fe préfenter dans un genre où quelqu'autre a déja enlevé l'approbation générale, le Public, qui ne devroit être, que fon Juge, devient en quelque façon fa partie il fe croit interreflé à ne point démentir cet applaudiffement exclufif qu'il a donné au premier Ecri |