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&

Cette protection devint ordinaire fous les empereurs chrétiens ils prêtoient à l'églife leur puiffance coactive pour l'exécution de fes jugemens. Ainfi après qu'Arius eut été condamné au concile de Nicée l'empereur Conftantin l'envoya en exil, & condamna fes écrits au feu, défendant à toute perfonne de les cacher fous peine de la vie; & Neftorius fut traité de même par l'empereur Théodofe. C'est le fecond état de la jurifdiction eccléfiaftique, où elle commença à être appuyée par la féculiére.

IV:
.Protection des
princes.
Liv. XI. n. 24.

Liv. XXVI. n. 34

L. 7. Cod. de epifc.

Ce fut particuliérement pour autorifer les arbitrages des évêques; dont l'utilité étoit reconnue de tout le monde. L'empereur Honorius étant à Milan en 398, déclara que ceux qui confentiroient de plaider Hift. lib. xx. n. 35. devant l'évêque, n'en feroient point empêchés : mais qu'il les jugeroit comme arbitre volontaire, en matiére civile feulement. Et par une autre loi de l'an 408, il ordonne que la fentence arbitrale de l'évêque fera exécutée fans appel, comme celles du préfet du prétoire ; & que l'exécution s'en fera par les officiers des juges; preuve que les évêques n'en avoient point de femblables.

On ne contraignoit perfonne de procéder devant l'évêque, même contre les clercs. C'est ce que porte une loi de l'empereur Marcien, da

aud. 1. 8. cod.

Liv. 33. de epifc. L

29. §. 1. cp. aud.

tée de 456, où il dit: que fi celui qui pourfuit un clerc de C. P. ne veut L. 25. de epifc.&c. pas fubir le jugement de l'archevêque, il ne pourra pourfuivre ailleurs 1. 29. §. 4.de epifc. que devant le préfet du prétoire. En général, les clercs comme les laïques étoient foumis à la jurifdiction des juges féculiers: feulement il étoit défendu de les tirer du fervice de leur églife, en les pourfuivant dans une autre province; il falloit s'adreffer aux juges des lieux de leur réfidence, fuivant la maxime générale, que le demandeur fuit la jurifdiction du défendeur. C'eft ce que porte une loi de l'empereur Léon, & c'est à quoi fe réduifoit le privilége clérical. Dès le milieu du cin quiéme fiécle, on fe plaignoit que les évêques vouloient étendre leur jurifdiction. C'est pourquoi l'empereur Valentinien III étant à Rome, fit une loi datée du quinziéme d'Avril 452, qui déclare: que l'évêque n'a pouvoir de juger, même les clercs, que de leur confentement, & en vertu d'un compromis. Parce qu'il eft certain que les évêques & les prêtres n'ont point de tribunal établi par les loix, & ne peuvent con noître que les caufes de religion, fuivant les conftitutions d'Arcade & d'Honorius. Les clercs font obligés de répondre devant les juges, foit pour le civil, foit pour le criminel: feulement les évêques & les prêtres auront le privilége de fe défendre par procureur en matiére criminelle.

L'empereur Juftinien recueillit & confirma dans fon code la plupart de ces loix; & y en ajouta de femblables, une entr'autres où il dit: Mennas, patriarche de Conftantinople, nous a prié de donner aux clercs ce privilége; que fi quelqu'un a contr'eux une affaire pécuniaire, il s'adreffe d'abord à l'évêque dont ce clerc dépend, fans le traduire aux tribunaux féculiers, fi ce n'eft que la caufe foit trop difficile pour être décidée par l'évêque: enforte toutefois que le clerc ne foit point détourné de fon miniftére. Que fi le clerc eft pourfuivi pour crime, il faut

Cod. Theod. p 566.Novel. Valent, tit. 22.

"Hift. liv. XXVIII,

n. 39.

Nov. 83,

Luc. XII. 14.

Jo. XVIII, 36.

De vera relig.

jufqu'à refufer d'être arbitre entre deux freres pour le partage d'une fucceffion; difant, Qui m'a établi pour vous juger? Il eft vrai qu'il eft roi; mais fon royaume, comme il a dit lui-même, n'eft pas de ce monde, il est d'un ordre plus élevé. Il ne veut régner que fur les cœurs, par la crainte filiale de fes fujets, le refpect & l'amour qu'ils lui portent. Il ne veut que les rendre meilleurs, il n'exige d'eux autre tribut que des louanges, des actions de graces, l'adoration en efprit & en vérité. Tel eft le royaume de J. C.

Pour l'établir, il n'a employé que des moyens convenables à la no bleffe de fa fin. Il n'a rien fait par force, dit S. Augustin, mais tout par perfuafion; & pour perfuader, il n'a pas employé, comme les philofophes, de longs raifonnemens, dont peu d'hommes font fufceptibles; mais des miracles, qui font à la portée de tout le monde, pro pres à attirer l'attention & à fonder l'autorité. Il a communiqué à fes difciples ce pouvoir de faire des miracles, & d'en communiquer le pouvoir à d'autres autant de tems qu'il a jugé convenable pour établir fuffilamment l'autorité de fon églife.

Cette autorité eft le fondement de la jurifdiction eccléfiaftique, qui confifte à conferver la faine doctrine & les bonnes moeurs. La doctrine se conferve en établiffant des docteurs pour la perpétuer dans tous les fiécles, & en réprimant ceux qui la voudroient altérer. Or Teglife a toujours exercé ce droit, enfeignant la doctrine qu'elle a reçue de J. C. & ordonnant des évêques qui en font les principaux docteurs ; & qui pour leur aider ont ordonné, outre les prêtres, des diacres & d'autres miniftres inférieurs tout cela malgré l'oppofition des infidèles, & pendant les plus cruelles perfécutions. Saint Paul dans fes chaînes ne laiffoit pas d'enfeigner; & la parole de Dieu, comme il dit lui-même, n'étoit pas enchaînée. Il fçavoit auffi réprimer & châtier les faux docteurs, comme Hymenée & Alexandre, qu'il livra à Hier.fcript. in Luc. Satan à caufe de leurs blafphêmes; & l'apôtre faint Jean dépofa le prê. tre qui avoit fabriqué l'histoire des voyages de faint Paul & de fainte Thècle.

Ti Tim. 1. 201

Comme, dans le gouvernement temporel, le premier acte de jurifdiction eft l'inftitution des magiftrats, des juges & des miniftres de jufti ce: ainfi l'ordination des évêques & des clercs eft le premier acte & le plus important du gouvernement eccléfiaftique. Auffi avez vous vu dans toute cette hiftoire, avec quelle attention & quelle circonfpection on ordonnoit les évêques pendant les neuf ou dix premiers fiécles j'en ai marqué le détail au fecond difcours, où j'ai relevé cette Cypr. epift. 67. parole de faint Cyprien, qu'un évêque ordonné canoniquement eft établi le jugement de Dieu. L'évêque une fois établi ordonnoit les prêtres & les autres clercs, mais avec le confentement de fon clergé & de fon peuple; & toujours pour un titre certain, c'est-à-dire pour fervir dans une certaine églife: d'où eft venue la collation des bénéfices, depuis le partage des revenus eccléfiaftiques.

ad Hifp.

par

L'autre partie de la jurifdiction, qui tend à la confervation des bonnes mœurs, s'exerce principalement par l'adminiftration de la péniten

ce: où le prêtre prend connoiffance des péchés comme juge, pour fça-
voir s'il les doit remettre ou les retenir, lier ou délier le pécheur.
Voyez encore ce que j'en ai dit au fecond difcours, où j'ai montré que
l'églife n'impofoit que des peines médecinales, & à ceux qui les accep-
toient volontairement: fe contentant de prier pour les indociles & les
endurcis, qu'elle fe trouvoit quelquefois obligée à retrancher de fon
corps, de peur
de peuils n'infectaffent les autres. J'ai marqué dans le
troifiéme difcours deux abus très - nuifibles à la pénitence, la multi-
plication exceffive des peines canoniques, & les pénitences forcées.
Or je vous renvoie à ces difcours fur l'hiftoire, pour éviter les re-
dites.

Une autre partie de la jurifdiction eccléfiaftique, qu'il falloit peutêtre placer la premiére, c'est le droit de faire des loix & des réglemens, droit effentiel à toute fociété. Ainfi les apôtres, en fondant les églifes, leur donnérent des règles de difcipline, qui furent long-tems confervées par la fimple tradition, & enfuite écrites fous le nom de canons des apôtres & de conftitutions apoftoliques. Les conciles qui fe tenoient fréquemment, faifoient auffi de tems en tems quelques réglemens; & c'est ce que nous appellons les canons, du mot grec qui fignifie règle.

Comme un des devoirs des évêques étoit de conferver l'union & la charité entre les fidèles, ils avoient grand foin d'appaifer les querelles, de terminer ou prévenir les différends: du moins ils exhortoient ceux qui leur étoient foumis, à les régler entr'eux à l'amiable, fans plaider devant les juges ordinaires qui étoient païens. Saint Paul en fait un grand reproche aux Corinthiens; & dit, que les plus méprifables d'entr'eux ne font que trop bons pour juger leurs affaires temporelles tant ils doivent faire peu de cas de ces fortes d'affaires; & prendre garde de ne pas fcandalifer les Païens, en plaidant pour de petits intérêts comme les autres hommes. Vous avez déja tort, continue l'Apôtre, d'avoir des procès que ne fouffrez-vous plutôt l'injuftice & la fraude? & làdeffus il leur fait une puiffante exhortation touchant le défintéreffement & l'éloignement de l'avarice. Ainfi quand Jefus-Chrift refufa d'être arbitre entre les deux freres, il en prit occafion d'inftruire le peuple fur le mépris des biens temporels.

:

Or quoique, felon S. Paul, les moindres des laïques puffent être pris pour arbitres de leurs freres, c'étoit toutefois l'évêque qu'ils choififfoient ordinairement, comme leur pere commun; & l'on voit la forme de ces jugemens charitables dans le livre des conftitutions apoftoliques, écrit avant la fin des perfécutions. L'évêque étoit affis au milieu des prêtres; comme un magiftrat affifté de les confeillers : les diacres étoient debout, comme fervant d'appariteurs, ou miniftres de juftice: les parties fe préfentoient en perfonne, & s'expliquoient par leur bouche, L'affaire étoit examinée fimplement & de bonne foi, fans formalités rigoureufes, & décidée fuivant la loi de Dieu, c'eft-à-dire, les fainLes écritures. Le juge avoit égard à la qualité des parties, principale ment à leurs mœurs, pour ne donner lieu ni à la calomnie ni à la chi

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