Imágenes de páginas
PDF
EPUB

cette direction durant quelques années. Enfuite M. Petit, fecrétaire du Roi, l'exerça jufques en 1696, qu'elle fut érigée en charge. Elle paffa alors à M. de Launay, qui fut préféré à tous ceux qui s'étoient présentés, parce que fa capacité étant connue du Roi auquel il étoit attaché depuis vingt ans, Sa Majesté crut que perfonne ne s'en acquitteroit mieux: ce qui a paru par la beauté de toutes les pièces qui fe frappent, de même que par les changemens & par les embelliffemens que ce directeur a faits à la monnoie des médailles, qui eft devenue un lieu nouveau & une des curiofités de Paris. Les poinçons & les carrés du Roi ne fe voyoient point auparavant,.au lieu qu'ils font préfentement à découvert dans un grand cabinet, comme on l'a déjà dit, enfermés dans des armoires à panneau de glace qui laiffent la liberté de les regarder fans crainte que le toucher ou l'haleine en gâtent le poli, ce qui arrive ordinairement. Ces poinçons & ces carrés font en fi grand nombre, & d'un travail fi parfait, qu'ils reviennent à plus de deux millions

auffi

numifmate, Dron, de racheter pour le compte du Roi les médailles infolentes » qui s'y trouvoient & qui avoient trait à la conquête de la Hollande. « M. l'abbé Bizot, dit Baudelot de Dairval, a des talens pour la curiofité qui font incompréhensibles: on peut dire qu'il en est une fource inépuisable & que perfonne ne connoit mieux les médailles modernes que lui. »

eft-ce une rareté unique en Europe, & qui ne fait pas moins l'admiration des étrangers que le lieu même. Ce n'eft que depuis que M. de Launay eft directeur de la monnoie des médailles que les jetons d'or & d'argent ont un cordon fur la tranche, comme les espèces d'or & d'argent dont le volume ne permet pas d'y mettre les mots : Domine falvum fac Regem. La machine avec laquelle on marque ce cordon, ainfi que cette légende, eft la même dans toutes les monnoies; elle a été inventée par M. Castaing, ingénieur du Roi, & a commencé à fervir en 1685 (1). Elle eft fi facile qu'un feul homme peut marquer en un jour vingt mille flans (c'est le nom des pièces d'or, d'argent & de bronze qui font ajustées & prêtes à être frappées).

Il n'y a qu'une feule monnoie des médailles en France. Par l'article XXVII de l'édit du mois de juin 1696, & par plufieurs arrêts du confeil en conféquence, concernant la création & les privilèges de la charge de confeiller du Roi, directeur de la monnoie des médailles & garde des poinçons & carrés de Sa Majesté, Il eft fait défenfe à tous ou

(1) Au bout de deux fiècles ce procédé eft encore en ufage dans certains pays & notamment en Italie. L'abbé de Fontenay (Dictionnaire des artistes) dit que Castaing fut magnifiquement récompenfé par Louis XIV; néanmoins fon nom ne figure pas dans le Dictionnaire des bienfaits du Roi (Bibl. nat. Manufcrits).

S

"vriers graveurs, monnoyeurs, & à toutes autres perfonnes de quelque qualité & condition qu'elles puiffent être, d'avoir ni tenir "aucuns moulins, laminoirs, coupoirs, preffes, "balanciers, & autres femblables machines,

en quelque lieu & fous quelque prétexte "que ce foit, à la réserve des hôtels des mon"noies, & du lieu deftiné pour la fabrication "des médailles & jetons, dans les galeries du “Louvre, à peine d'être punis comme faux"monnoyeurs, comme auffi de frapper ni "preffer en quelque lieu ni de quelque ma"nière que ce foit, même aux balanciers qui "font à l'hôtel des monnoies de Paris, & "aux autres hôtels des monnaies de France,

ni à aucunes machines de moulins ou au"tres, aucunes médailles, jetons, deffus de "montres & de tabatières, & autres pièces de plaifir, d'or, d'argent, ou d'autre matière, à peine, contre les ouvriers fondeurs & fabricateurs, de confifcation des outils & matière, de mille livres d'amende contre chacun des contrevenans, & de plus grande peine, s'il y échet; & à tous marchands ou autres d'acheter, vendre ni débiter aucunes "fortes de médailles, tant de dévotion qu'au

66

tres, de quelque matière que ce puiffe “être, autres que celles qui auront été fabriquées dans le lieu destiné pour cette fa"brication, à peine d'être puni comme fauteurs & adhérans des fabricateurs. "

Il s'eft frappé deux fuites complètes de médailles, depuis que M. de Launay a cette direction; la première eft cette belle Hiftoire métallique de Louis XIV dont il a été parlé dans l'article de l'Académie des infcriptions (1). Elle eft du volume & de la beauté du grand bronze. L'autre fuite eft celle des Rois de France, depuis Pharamond jufques à Louis XIV inclufivement; elle comprend leurs portraits avec des revers historiques qui marquent leur ordre numéral, les années de leur naiffance, de leur fucceffion, de leur mort, un événement principal de chaque règne, leur race & le degré de parenté de chaque roi avec fon fucceffeur. Cette fuite, contenant la fucceffion chronologique de foixante & cinq rois, pendant le cours de treize cents ans, eft entièrement due à M. de Launay, qui n'a épargné ni foins, ni recherches, ni dépense, afin qu'il n'y ait rien à y défirer.

ARTICLE XXIII.

Chaque nation a fon goût qu'on pourroit définir l'agrément qu'elle attache à certaines manières qui lui font propres, ou qu'elle affecte, & elle y eft fi fidèle qu'elle n'y renonce jamais. C'eft de quoi les comédiens

(1) Voyez p. 115.

italiens ont donné une preuve. Ils ont été touchés de la déclamation françoise dans le tragique, toute différente qu'ils la trouvent de celle des autres nations, au point de déclarer que la perfection à laquelle elle étoit portée leur faifoit abandonner le deffein de jouer des tragédies; c'eft ce que l'on lit dans la préface du Nouveau théâtre italien, compofé par un d'entre eux, nommé Riccoboni, & dans la troupe Lelio (1), homme d'efprit, né avec tous les talens propres à fon métier, & à qui il ne manque peut-être que certaines grâces de contenance, que les mœurs étrangères ne donnent point, pour être le premier comédien de l'Europe: Abbandono intieramente ancora l'intenzione di recitar tragedie, dalla commune opinione aficurato, che non potrei riuscirne, troppo prevenuto quefto publico dalla tragica declamazione Francefe, particolare di questa virtuofa Nazione, non effendo un tal modo praticato ne dagli Inglefi, ne dagli Spagnuoli, od Alemani, e che io fteffo, comico italiano tanto ignaro di queft ufo, approvo, e lodo, dilletandomene a fegno, che qual ora menvado alla representazione d'una tragedia, forpreso dalla magnificenza del abito tragico da fignori Comici Francefi ufitato, e dalla ftrana impreffione, che fa in me il loro declamare, ufcendo io dalla memoria de noftri tempi, inganno me fleo, e mi dò quafi ad intendere di vedere, e

(1) Voyez p. 31.

« AnteriorContinuar »