Imágenes de páginas
PDF
EPUB

minué quoique le public foit fort partagé, deux fortes de perfonnes étant oppofées aux Italiens. Les plus raisonnables font celles qui, ne les entendant pas & ayant la bonne foi d'en convenir, avouent que cela feul les empêche de trouver du plaifir à la comédie italienne; mais comme c'est un fentiment naturel de rapporter tout à foi, ces mêmes perfonnes, ne s'en tenant pas là, voudroient que leur ignorance fût une raifon d'exclufion pour ce fpectacle. Les autres font des critiques qui portent un jugement fondé sur la comparaifon de la comédie italienne avec la comédie françoife, comme fi deux fpectacles, qui n'ont peut-être de commun que le nom, pouvoient fe comparer l'un avec l'autre. Chez les Italiens, les perfonnages font toujours les mêmes, le dialogue n'est ni composé ni préparé; ils fe paffent de mœurs, de caractère & ne font point affujettis aux règles dramatiques. Ils fe contentent de faire un plan pour former les rôles, & aux représentations chaque acteur doit trouver fur-le-champ ce qu'il lui convient de dire : en forte qu'à cet égard les comédies italiennes reffemblent plutôt à des converfations concertées. La vivacité de l'intrigue, les incidens & le jeu font le reste & foutiennent toute l'action; ainfi le degré de perfection de ces trois points fait celui de la comédie italienne: ce qui montre qu'elle n'est comparable qu'avec elle-même, & que

fon genre eft fingulier & n'eft propre qu'à elle. Sur ce fondement on peut estimer la nouvelle comédie italienne de Paris parce qu'elle est peut-être une des meilleures de ce genre, foit par la conftitution des pièces, foit par le talent des acteurs qui font en général affez paffables; ceux qui jouent les principaux rôles font même excellens, & furtout celui qui fait les amans (1) chofe rare, attendu que tout perfonnage qui ne prête point au comique par fon action est toujours froid chez les Italiens. Ce n'eft pas qu'ils n'aient des pièces férieufes, & même des tragédies, dont les rôles font appris, mais on n'en dit rien parce qu'outre qu'elles leur paroiffent moins propres, les arlequinades, qu'ils mêlent dans celles-là, & leur manière de représenter celles-ci, rendent les unes & les autres trop difficiles à définir.

L'ordonnance du Roi, qui permet le rétabliffement des Italiens, les appelle la nouvelle troupe des comédiens italiens de Monfeigneur le duc d'Orléans, & c'est le nom qu'ils prennent dans leurs affiches. Ils font au nombre de onze, fept hommes & quatre

(1) La nouvelle troupe en comptoit deux : Louis-André Riccoboni, dit Lelio (c'est celui-ci fans doute que veut défigner Dubois de Saint-Gelais), & Antoine-Jean-Jacques Balletti, dit Mario, qui étoit qualifié de deuxième amou

reux.

femmes (1), & peuvent être regardés comme un préfent du duc de Parme, qui les a fait choifir dans les meilleures troupes italiennes & les a envoyés à Monfeigneur le duc d'Orléans.

ARTICLE IX.

Toutes les villes de France ont leur gouvernement municipal qui diffère felon les ufages. Celui de Paris eft exercé par un prévôt des marchands & quatre échevins qui décident de toutes les affaires, & font à la tête de ce qu'on appelle le corps de ville. Ils font élus pour deux ans, mais le prévôt des marchands eft ordinairement continué pendant huit années. M. Bignon, confeiller d'État, l'ayant été ce tems-là, on mit à fa place M. Trudaine, auffi confeiller d'État. Ce

(1) Outre Riccoboni & Balletti, les acteurs de la nouvelle Comédie-Italienne étoient: Thomas-Antoine Vifentini, dit Thomaffin (Arlequin); Pierre Alborghetti (Pantalon); Jean Biffoni (Scapin); Francefco Materazzi (le docteur); Jofeph Ragnizi (Scaramouche); HélèneVirginie Balletti, dite Flaminia, femme de L. Riccoboni, première amoureufe; Jeanne-Rose-Guyonne Benozzi, dite Silvia, mariée quatre ans plus tard à Balletti, deuxième amoureufe; Marguerite Rufca, dite Violette, femme de Thomas-Antoine Vifentini, fuivante; enfin Fabio Sticotti & Urfule Aftori, chargés des intermèdes du chant. Prefque tous ces artistes ont laiffé un renom qui eft venu jusqu'à

nous.

[ocr errors]

choix fe fit à l'ordinaire dans l'affemblée de l'Hôtel de ville qui fe tient tous les ans au mois d'août, pour élire deux nouveaux échevins, qui furent MM. de Serre & Huet, marchands (1).

Comme Paris eft divifé en feize quartiers, quelques jours avant la Saint-Roch (2) on adreffe des mandemens aux feize quarteniers pour faire une affemblée chacun dans fon quartier avec les dizainiers, leurs cinquanteniers, & huit perfonnes des plus apparentes du quartier. Ils y doivent appeler des officiers du Roi, s'il s'en trouve dans le même quartier, & des bourgeois ou marchands non mécaniques, pour procéder par ferment au choix de quatre notables bourgeois du même quartier qui font appelés les mandés pour l'élection. Ce choix fe fait de vive voix & l'on en dreffe un procès-verbal qui eft figné de l'officier du

(1) Charles Trudaine, père de l'intendant des finances qui eut une fi grande part à la création des routes royales & dont les fils périrent fur l'échafaud, le lendemain de l'exécution de leur ami André Chénier. Ch. Trudaine habitoit rue du Grand-Chantier. Antoine de Serre eft indiqué par l'Almanach Royal de 1717 comme demeurant rue Saint-Honoré, & Charles-Pierre Huet logeoit rue Bourg-l'Abbé. J'ignore quel étoit le genre de commerce du premier, mais Huet étoit probablement l'associé de Lemaire, fabricant & marchand de porcelaines, dont il eft plufieurs fois question dans la Vie du comte d'Hoym (1, 100, 106; II, 318).

(2) Le 16 août.

C

Roi ou du bourgeois le plus confidérable qui affifte à l'affemblée des quarteniers.

Le jour de faint Roch, qui eft celui de l'élection, on commence par l'ouverture & par la lecture des procès-verbaux des quarteniers, contenant les noms des quatre mandés de tous les quartiers, on les écrit fur autant de billets, & l'on en tire deux au fort pour chaque quartier, lefquels font réservés pour

l'élection.

On choifit encore quatre fcrutateurs. Un premier ou grand scrutateur, qui eft celui qui présente au Roi le fcrutin du prévôt des marchands & des échevins & qui fait la harangue.

Un fcrutateur pour les confeillers de ville, dont dix doivent être officiers de cour fouveraine, préfidens, maîtres des requêtes, maîtres, correcteurs & auditeurs des comptes, fecrétaire du Roi & autres officiers prêtant ferment, & les feize autres de notables bourgeois ou marchands non mécaniques, demeurant & réfidant dans la ville de Paris.

Un fcrutateur pour les quarteniers & un pour les bourgeois. Ces quatre fcrutateurs président dans l'affemblée & reçoivent des fuffrages par fcrutin.

L'affemblée eft compofée de foixante & dix-fept perfonnes qui font autant de voix, favoir du prévôt des marchands & des quatre échevins, de vingt-cinq confeillers de ville,

« AnteriorContinuar »