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introduit cette multitude infinie d'Efprits fubordonnés au Sou verain Etre, qu'ils honorent dans des Temples & dans des Chapelles particulieres, & aufquels ils facrifient trois fortes de victimes, un cochon, un poiffon, une piece de volaille. Ils ont porté même la fuperftition jufqu'à élever plusieurs Empereurs au rang des Dieux; & on voit par là que les Chinois, gens d'ailleurs très fpirituels, ne le cedent en rien du côté de la fuperftition & de l'idolatrie, aux autres Peuples, qu'ils fe font toujours fait honneur de meprifer. Cette Secte à rempli la Chine de Devins & d'impofteurs qui impofent au peuple, & quelquefois aux Grands, par des preftiges & des ceremonies magiques, qui ne font que trop capables de les aveugler.

Enfin vers la foixante-cinquième année depuis Jefus-Chrift, l'Empereur Ming-ti donna lieu par une vaine curiofité, à l'introduction d'une Secte encore plus dangereufe : l'hiftoire que je vais en faire en peu de mots, remplira la feconde partie de ce Chapitre, fur la Theogonie des Indes.

Cet Empereur frappé de quelques paroles que Confucius avoit fouvent repetées, fçavoir, que c'etoit dans l'Occident qu'on trouveroit le Saint, envoya dans les Indes des Ambassadeurs pour le chercher, & pour apprendre la Loi qu'il enfeignoit. Ces Envoyés crurent enfin l'avoir trouvé parmi les adorateurs d'une Idole nommée Fo, ou Foé. Ils transporterent à la Chine l'Idole, & avec elle les fables dont les Livres Indiens étoient remplis, leurs fuperftitions, la Metempsycofe, & enfin l'atheisme. Ils rapporterent que dans cette partie de l'Inde que les Chinois appellent Chun-tien-cho, Moyé, femme du Roi, fongea qu'elle avaloit un Elephant. Lorsque le temps de fes couches fut arrivé, l'enfant lui dechira le côté droit, & dès qu'il fut forti du fein de fa mere, il se tint debout, fit fix pas, montrant d'une main le ciel, & de l'autre la terre, & prononça ces mots : Il n'y a que moi dans le ciel & fur la terre, qui merite d'être honoré; on lui donna le nom de Che-Kia, ou Cha-Ka. A l'âge de dix-neuf ans il abandonna fes femmes, fon fils, & tous les foins terreftres, pour fe retirer dans la folitude, & fe mettre fous la conduite de quatre Philofophes. A trente ans il fut tout-à-fait penetré de

la divinité, & devint Fo, ou Pagode, comme s'expriment les Indiens, & ne fongea plus qu'à repandre fa doctrine de tous côtés. Ses preftiges furprirent tout le monde, lui attirerent la veneration de tout le pays, & un nombre infini de Difciples, qui lui fervirent à infecter l'Orient de fes dogmes impies. Les Chinois nomment ces Difciples, Ho-Chang; les Tartares, Lamas, les Siamois Talapoins, & les Japonois Bonzes; car cette Secte s'eft repandue chez tous les peuples que je viens de nommer.

Cependant Fo parvenu à l'âge de 79. ans, affembla quelques-uns de fes Difciples, & après leur avoir expliqué fa doctrine, il mourut; & ils publierent cent fables fur cette mort. Comme la Metempsycofe faifoit le principal article de cette doctrine, ils dirent que leur Maître étoit né huit mille fois, & qu'il avoit paru dans le monde, tantôt fous la figure d'un Singe, tantôt fous celle d'un Dragon, d'un Elephant, &c. C'étoit apparemment pour établir le culte de cette pretenduë Divinité, fous le fymbole de ces differens animaux, qui veritablement devinrent l'objet du culte des Indiens.

par

Les Chinois ayant reçu cette Idole, lui éleverent une infinité de Temples, & fa Secte, quoique toujours profcrite par le Tribunal des Rites, a fait dans le pays des progrès infinis, fous la direction des Bonzes, les gens du monde les plus meprifables, les plus fuperftitieux, & les plus ignorans. Enfin pour abbreger ce qu'on trouve très au long au commencement du troifiéme Tome de l'Hiftoire de la Chine, le P. du Halde, la doctrine de Fo fe divife en exterieure & en interieure : la premiere, remplie de fuperftitions groffieres, eft enfeignée par le plus grand nombre des Bonzes. La feconde eft refervée aux plus fçavans, & elle confifte à dire que le vuide eft le principe & la fin de toutes chofes ; que c'eft du néant que nos premiers Peres ont tiré leur origine, & qu'ils y font retournés après leur mort; que le vuide eft ce qui conftitue notre être & notre substance, & que c'eft de ce néant, & du mêlange des élemens., que font forties toutes les productions, qui y retournent dans la fuite enfin que tous les êtres ne different les uns des autres, que par leurs figures & leurs qualités; & ils prétendent

luft. p. 187.

que c'eft ainfi que leur Maître mourant, expliqua fa doctrine, c'est-à-dire, fon athéifme, à fes Difciples favoris.

Je dirai peu de chofes des Theogonies des autres peuples, parce qu'elles paroiffent peu fyftêmatiques. Par exemple, dans les Indes Orientales les Brachmanes ont une Tradition de leur Dieu Vichnou, metamorphofé en Tortue, & ils difent pour l'expliquer, que par la chute d'une montagne le monde commençoit à s'ébranler, & à s'enfoncer peu à peu vers l'abysme, où il auroit peri fi leur Dieu bienfaisant ne fe für metamorphofé en Tortue pour le foutenir.

Les Chinois, dont nous venons de parler, ont reçu cette Tradition, & ils l'appliquent, ainfi que le remarque le Pere (1) Ch. Il- Kirker (1), à leur Dragon volant, qu'ils difent être né d'une Tortue, & être devenu le foutien de l'univers appuyé fur lui. Les Troglodytes avoient apparemment parmi eux la même fable, puisqu'ils avoient un grand refpect pour la Tortue, & qu'ils avoient en horreur les Helinophages leur voifins, ainfi nommés parce qu'ils fe nourrissoient de la chair de Tortue.

J

CHAPITRE VIII.

Theogonie des Bramines des Indes.

E ne dois pas oublier la Theogonie de ces Prêtres des Indes que nous nommons Bramines ou Brachmanes (a). Ils ont pris ce nom de Brahma, qui felon la doctrine des Indiens, eft le premier des trois Etres que Dieu a créés, & par le moyen duquel enfuite il a formé le monde. Ce Brahma compofa & laiffa aux Indiens, difent leurs Bramines, les Herb. Bibliot. quatre Livres qu'ils appellent Beth ou Bed (2), dans lesquels toutes les fciences & toutes les ceremonies religieufes font comprises; & voilà pourquoi les Indiens reprefentent ce Dieu avec quatre têtes.

(2) Voyez

Or. p. 212.

Le mot Brahma, dans la Langue Indienne, fignifie celui

(a) Ce font les mêmes que les Grecs nommoient Gymnofophiftes. Pythagore avoit étudié leur doctrine & leurs mœurs.

qui

qui penetre toutes chofes. Les Bramines compofent la premiere & la plus refpectable Tribu des Indiens, & font uniquement deftinés au culte de leur Dieu, & aux ceremonies de la Religion. Un celebre Bramine, nommé Behergir, communiqua aux Mahometans, dont il embraffa la Religion, l'Amberthkend, Livre qui contient les Dogmes des Indiens.

Le Pere Kirker qui a fait graver la figure du Dieu Brahma, s'eft affez étendu fur la Mythologie des Indiens à ce fujet (1). Les Dieux des Bramines, dit ce fçavant Jefuite, font Brahma, Vefne ou Vichnou, & Butzen, & ils font les Chefs de tous les autres Dieux, dont le nombre va jufqu'à trente-trois millions; mais tous les hommes font fortis de Brahma, & ce Dieu a produit autant de mondes qu'il y a de parties dans fon corps. Le premier de ces mondes, qui eft au-deffus du ciel, eft forti de fon cerveau; le fecond, de ses yeux; le troifiéme, de fa bouche; le quatriéme de l'oreille gauche; le cinquième, du palais & de la langue; le fixiéme, du cœur ; le feptiéme, du ventre; le huitiéme, des parties que la pudeur empêche de nommer; le neuviéme, de la cuiffe gauche ; le dixiéme, des genoux; l'onziéme, du talon; le douzième, des doigts du pied droit; le treiziéme, de la plante du pied gauche; & le quatorziéme enfin, de l'air qui l'environnoit dans le temps de ces productions. Si on demande aux Bramines les raifons d'une Theologie fi impertinente, ils répondent que les differentes qualités des hommes y ont donné lieu. Les Sages & les Sçavans, defignent le monde forti du cerveau de Brahma; les gourmands, viennent de fon ventre; ainfi des autres. De-là, l'attention que ces Prêtres ont à la phyfionomie & aux qualités perfonnelles, prétendant par-là deviner à quel monde chacun appartient.

Lorfqu'on eft une fois livré à la fuperftition, il n'y a point d'égarément où l'on ne puiffe tomber. Ces mêmes Bramines ont imaginé fept mers; une d'eau, une de lait, une de fromage caillé, une quatrième de beurre, une cinquiéme de sel, une sixiéme de fucre, & enfin une feptiéme de vin; & chacune de ces mers a fes Paradis particuliers, dont les uns font pour les fages & les gens d'efprit, & les autres pour les fenfuels & les voluptueux; avec cette différence que le Tome I. R

(1) Ch. Illuft.

du même Au

premier de ces Paradis, qui nous unit intimement à la Divinité, n'a befoin d'aucune autre forte de délices; au lieu que les autres font remplis de tous les plaifirs que l'on peut imaginer.

Il paroît par ce que je viens de dire, que ces Indiens fuivent l'ancienne doctrine des Egyptiens, que l'Auteur que je (1) Voyez viens de citer nomme pois, ou Métamorphofe Divine. (1) Oedip. Egypt. On ne parle pas ici des autres revêries des Indiens fur la formation du monde, qu'ils croient être un Ouvrage filé par une araignée, & qui fera détruit lorfque l'ouvrage rentrera dans le ventre de cet infecte, parce que cela regarde plus la Cofmogonie que la Theogonie, qui doit être le principal objet de ce Chapitre.

teur.

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CHAPITRE IX.

Theogonie des Ameriquains.

N ne doit pas s'imaginer que les Sauvages de l'Amerique, peuples errants & vagabons, se foient jamais appliqués à former un fyftême de Religion. On trouve cependant parmi quelques-uns d'eux des traditions, qui peuvent former une efpece de Theogonie. Voici, felon le Pere Laf (2) Meurs fiteau, (2) comment les Iroquois, qui font parmi ces Sauvages. des Sauvages, une des plus confiderables Nations, racontent l'origine du de l'Edition in monde. Dans le commencement, il y avoit, difent-ils, fix

T. 1. pag. 43.

quarto,

hommes (les Peuples du Perou & du Brefil conviennent d'un
pareil nombre :) comme il n'y avoit point alors de terre, ces
hommes étoient portés dans les airs au gré des vents. N'ayant
point de femmes, ils voyoient bien que leur efpece alloit fi-
nir; mais ayant appris qu'il y en avoit une dans le Ciel, il
fut refolu que l'un d'eux, nommé le Loup, s'y transporte-
roit. L'entreprise étoit difficile & dangereufe; mais les oiseaux
ly éleverent fur leurs ailes. Lorfqu'il y fut arrivé, il atten-
dit que cette femme fortît à fon ordinaire, pour
aller puifer
de l'eau. L'ayant apperçuë, il lui fit quelque préfent & la fé-
duifit. Le Maître du Ciel s'en étant apperçu, la chaffa ; &

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