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dans de Seth. Moyfe dit bien à la verité, (a) que du commerce des Anges, c'eft-à-dire, des fucceffeurs de Seth, avec les filles des hommes, par où l'on doit entendre celles qui defcendoient de Cain, nâquirent les Nephilim, qui tomberent dans les plus grands défordres, comme leur nom même le fignifie; mais il ne dit nulle part qu'ils devinrent des Athées. Or que peut-on fçavoir de ces premiers hommes, que ce que ce faint Ecrivain en a raconté?

Quoiqu'il en foit des commencemens de l'Idolâtrie, il eft sûr que la connoiffance & le culte du vrai Dieu furent réunis dans la famille de Noé, qui refta feule fur la terre après le Deluge. Ce faint Patriarche rendre graces pour à Dieu de l'avoir confervé, lui offrit des facrifices folemnels de tous les animaux purs qui étoient fortis de l'Arche ; & fans doute qu'il ne manqua pas de recommander à ses enfans & à fes petits - fils, de conferver avec refpect le culte que Dieu lui avoit prefcrit lui-même. Ainfi avant la divifion des langues, & pendant que les fils & les petits-fils de ce Patriarche ne compofoient qu'une famille, & qu'un peuple, ił y a toute apparence que la pureté de ce culte ne fut point alterée. Noé vivoit encore, il étoit le chef de ce peuple. Sem, Cham, & Japhet, témoins eux-mêmes de la vengeance de Dieu fur leurs contemporains, vivant au milieu de leurs familles, auroient-ils fouffert que leurs enfans euffent abandonné ce même culte? On ne lit rien dans l'antiquité qui puiffe nous porter à le croire. Il y a donc toute forte d'apparence que ce ne fut qu'après la difperfion de ce peuple, que commença l'Idolâtrie; & pendant que dans quelques familles, furtout dans celle d'où fortit Abraham, on conferva plus long-tems la veritable Religion, les autres l'abandonnerent pour adorer de vaines Idoles, que leur ignorance, ou plûtôt la corruption de leur cœur, avoit formées.

Cependant Noé furvêcut à l'introduction de ce défordre, & ne put étouffer entierement le fatal penchant qu'avoit l'homme, à chercher des objets fenfibles pour leur rendre fes hommages; & de fon vivant même ( car il ne moutur

(a) Voyez ce qui a été dit sur ce fujet dans le Livre précedent, pag. 113i fuivantes.

qu'environ le temps de la naiffance d'Abraham) l'Idolâtrie étoit fort répanduë fur la terre.

Il n'eft pas aifé de dire précisément ni par qui, ni en quel temps, ni par quel objet elle commença; l'Ecriture Sainte n'en parle qu'en paffant, & par occafion. La premiere fois qu'elle en fait mention, c'est au fujet du fils de Zelpha, Servante de Lia. D'abord que cet enfant fut né, Lia prononça ces deux mots, Ba-Gad, & elle lui donna le nom de Gad. Selden dit (1) que les Hebreux interprétoient ce mot par (1) De Diis celui d'Aftre favorable, (2) & que Gad en Arabe fignifie la Syris, bonne fortune. Saint Auguftin prétend que Lia parla en Tob. cette occafion à la maniere des Idolâtres, & qu'elle invoqua l'Aftre favorable à la naiffance de fon fils. Certe aut Lia propterea locuta eft, quod adhuc Gentilitatis confuetudinem retinebat. (3) Le même terme de Gad fe trouve dans Ifaïe; la (3) In Gen. Vulgate le traduit par celui de fortune: Qui ponitis fortuna Q.91. menfam, (4) & les Septante par celui de Démon, duperior, qui peut fignifier tous les Dieux en general.

que

10.

31.

(2) Mazal.

(4) PL. 65.

(6) Ibid

La feconde fois qu'il eft parlé d'Idolâtrie dans la Genese, c'eft lorfque Jacob fortit de la maifon de Laban, & Rachel enleva fecrettement les Theraphims de fon pere. La Vulgate a traduit ce mot par celui d'Idoles: Rachel furata eft Idola patris fui: (5) & cette Version se juftifie par les paroles mê- (s) Gen mes de Laban, qui se plaignant à Jacob, lui dit : Pourquoi avez-vous dérobé mes Dieux? Cur furatus es Deos meos? (6) Ces paffages marquent bien à la verité que l'Idolâtrie regnoit du temps de Jacob, ce qu'on ne fçauroit contefter. Elle étoit de même beaucoup plus ancienne que lui, puifque la Ville de Ur en Chaldée, où demeuroient fes Ancêtres, étoit une Ville idolâtre, qu'Abraham fon pere abandonna; mais ils ne nous apprennent pas l'époque de fon établissement dans le monde.

L'Auteur du Livre de la Sageffe nous propofe deux ou trois fources de l'Idolâtrie. La premiere eft le regret & l'amour d'un pere qui a perdu fon fils dans un âge peu avarcé. Pour fe consoler de fa mort, il fait faire la figure de cet enfant, & lui rend dans fa famille les honneurs divins. De fa famille ce culte fe repand dans la Ville, & d'un Dieu parti

13. v. 13.

(1) Sap. C. culier, on en fait bien-tôt une Divinité publique. (a) La feconde fut la beauté de l'Ouvrage d'un Sculpteur; on crut que (2) Id. C. la Divinité habitoit dans des Statues fi bien faites. (2) La

15. v. 8.

II.

troifiéme, qui revient au même, eft lorsqu'un Ouvrier en argille, a fait une Statue bien proportionnée, & l'a confacrée comme une Divinité: Et cum labore vano Deum fingit de eo(3) Calvin. Inft. L. 1. C. dem luto, &c. (3) Calvin, pour s'autorifer à rejetter le Livre de la Sageffe, a prétendu que l'Auteur s'étoit groffierement trompé fur l'origine de l'Idolâtrie; mais c'eft qu'il n'a pas voulu voir que celui qui a compofé ce Livre, n'a jamais eu deffein de traiter dogmatiquement de l'origine du culte des faux Dieux, & qu'il n'a voulu que donner en paffant quelques exemples de cette efpece d'Idolâtrie, qui porta les Anciens à adorer des Statuës, & à rendre à des hommes morts, les honneurs divins.

Ce n'est donc point dans les Livres Saints, que nous pourrons apprendre la veritable époque de l'établiffement de l'Idolâtrie, & nous n'avons dans l'Antiquité aucun Auteur qui merite d'être suivi fur cette matiere. Voici ce qu'il en faut penfer.

Dieu s'étoit trop manifefté aux Patriarches, comme on l'a déja dit, pour qu'ils puffent le méconnoître,& le laiffer ignorer à leur pofterité. Ainfi les premiers defcendans de Noé conferverent la pureté du culte, dont Dieu leur avoit lui-même dicté les Loix. Ce culte fe perpetua non-feulement dans la branche d'Abraham, il fe trouva même quelquefois dans les pays les plus addonnés à l'idolâtrie des hommes qui adoroient Dieu en efprit & en verité. Melchifedech Roi de Salem, Jethro beau-pere de Moyfe, & Job, ne font peut-être pas les feuls qui conferverent la connoiffance du vrai Dieu.

Cette Religion, pure dans fes commencemens, fouffrit de grandes altérations dans la fuite, mais il n'eft pas poffible de marquer les veritables époques des changements qui y furent faits. On fçait feulement en general, que l'ignorance, & encore plus les paffions y cauferent un mêlange qui

& illum qui

(a) Acerbo enim luctu dolens pater, cito fibi rapti filii fecit imaginem, Tunc quafi homo mortuus fuerat, nunc tanquam Deum colore c e cœpit. Deinde inter·weniente tempore.... hic error tanquam lex cuftoditus eft, &c. Sap. 15.7.15, &16.

corrompit tout. Dès-lors l'idée de Dieu s'obfcurcit: on fit entrer fes Ouvrages en concurrence avec lui; & par un renversement bien étrange, mais trop réel, au lieu que la beauté des Créatures devoit élever l'homme à la connoiffance du Créateur, elle fit oublier celui qui les avoit formées, & leur attira le culte qui lui étoit dû.

Une chofe bien digne de remarque, c'est que quelque altération qu'ait fouffert le culte primitif, le fond en a toujours été le même. Parcourez toutes les Religions du monde, & vous trouverez que ce font prefque par tout les mêmes Miniftres des Autels, le même caractere de Sacrifices, les mêmes obfervations légales, ainsi qu'on le verra lorfque je parlerai du Sacerdoce & des Victimes: en forte qu'il femble qu'on peut dire du culte en general, ce que Procope de Gaze dit des Purifications en particulier, lorfqu'il compa re celles qui étoient prefcrites par la Loy de Moyfe, avec celles qui étoient pratiquées dans le Paganisme. Car la feule différence qu'il y trouve, c'est que les purifications Judaïques étoient plus parfaites, & fans aucun mélange de fuperftition, pendant que celles des Payens en étoient infectées.

La dépendance qu'a l'ame de l'homme, avec les fens & l'imagination, ne lui permettant pas de voir Dieu autrement qu'en énigme, comme dit faint Paul, (1) fait qu'on n'a pû nous le (1) I. Cor. faire connoître que fous des images fenfibles; images qui C.13.v. 12. étoient autant de fymboles capables de nous élever jufqu'à lui, du moins autant que le comporte l'état de l'homme, comme le Portrait nous remet celui dont il eft la peinture. Ces Symboles furent multipliés dans la fuite à l'infini, & jetterent fur la Religion une obfcurité impénetrable.

Les Egyptiens porterent plus loin que les autres Nations cette fcience Symbolique & Hieroglyphique; mais on n'oseroit affurer qu'ils en furent les inventeurs. Il eft sûr du moins que dans toutes les Religions que nous connoiffons dans les Indes Orientales & Occidentales, il n'y en a pas une dont la Theologie ne foit remplie de pareils Symboles. Si nous nous en rapportons à Diodore de Sicile, (2) les Cretois qui se (2) Liv. 5 vantoient que la plupart des Dieux étoient nés chez eux, glorifioient en même temps d'être les premiers qui leur

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fe

Les Payens fur

I'Idolâtrie.

avoient établi un culte, des facrifices, des myfteres, lefquels. s'étoient repandus de chez eux, chez tous les autres Peuples.

Quoiqu'il en foit, les Philofophes, fur-tout les Platoniciens tâchoient d'établir, au fujet de l'origine de l'Idolâtrie, un Systême particulier, qui feroit très - capable, s'il étoit bien prouvé, d'en diminuer l'abfurdité. Ils foutenoient que l'idée que les Sages de l'antiquité s'étoient formée de Dieu, étoit celle d'un Etre fuperieur à tout ce qui exifte; d'un Esprit repandu dans l'Univers, qui anime tout, qui eft le principe de toute generation, & qui donne la fécondité à tous les Étres; d'une flame vive, pure, & toujours active; d'une intelligence infiniment fage, dont la Providence veille fans ceffe à tout & s'étend fur tout; en un mot, d'un Etre auquel, à raison de fa fuperiorité, ils avoient donné des noms différents; mais qui portoient toujours le caractere de ce domaine Souverain, qui ne convient qu'au Maître abfolu, & à celui de qui tout émane.

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Sentimens Porphyre, après Theophrafte, s'efforça même de prouver l'origine de que la Religon dans fes commencemens, étoit fondée sur des pratiques très-pures, & fur des idées bien différentes de celles qui regnoient de fon temps. Il prétend que dans les commencemens on n'adoroit aucune figure fenfible; qu'on n'of froit aucun facrifice fanglant, & que les noms, & les genealogies de cette foule de Dieux qu'on connoiffoit de fon temps, n'étoient pas même alors inventés. On rendoit, disoit-il, au premier Principe de toutes chofes des hommages purs, on lui préfentoit des herbes & des fruits, & on faifoit des libations de liqueurs, pour reconnoître par-là fon fouverain do

maine.

Tel étoit, felon lui, le Paganisme, & la Religion des Sçavans; celle que l'on combattoit avec tant de fuccès, n'étoit que celle du peuple & des ignorans. Ainfi cet habile Philofophe prétendoit par un fyfteme rafiné, excufer l'Idolâtrie; mais on ne prit pas le change. On lui foutint qu'on n'avoit jamais trouvé nulle part, excepté parmi les Patriarches, & chez les Juifs, une Religion telle qu'il la dépeignoit, & que l'Idolâtrie la plus groffiere, étoit le fyftême dominant. Il faut

pour

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