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fe conduire dans la recherche de l'origine de l'Idolâtrie, des guides plus sûrs que des Philofophes payens.

Les Peres ont pris la chofe du côté de la morale, & ils ont dit avec beaucoup de raifon, que l'Idolâtrie n'est venuë dans le monde, que par la corruption du coeur de l'homme. L'orgueil, l'amour de l'indépendance, le penchant aux plaisirs des fens, font les veritables caufes de fon etablissement, & on ne fçauroit en difconvenir.

M

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(1) Liv. 1. de haref

(2) Jofué

1.

Ais en quel temps commença ce défordre, & par quels degrés arriva-t-il à ce comble d'horreur, qui fera toujours rougir de honte l'humanité? Saint Epiphane croit (1) que Sarug, ayeul de Tharé pere d'Abraham, en fut le premier Auteur; mais l'Ecriture infinue feulement (2) que les 24. ayeuls de ce Patriarche étoient engagés dans le culte des Idoles, fans dire qu'ils en avoient été les inventeurs. Jofeph (3) avance même que ce mal étoit alors fi general, que ce Patriarche fut le premier qui ofa dire qu'il n'y avoit qu'un Dieu, (3) Ant. L. to & que tout l'Univers étoit l'ouvrage de fes mains; & il y a des Peres qui n'ont pas même fait difficulté de dire que ce Patriarche lui-même avoit été Idolâtre; & quoique je fois du fentiment de Jofeph, & des plus fçavans Rabbins qui le nient, (a) il est toujours sûr que l'Idolâtrie étoit repandue de fon vivant, & que Dieu le préferva de cette contagion, ou du moins l'en retira, en le faifant fortir de la Chaldée où il demeuroit.

Il faut donc remonter plus haut. Nemrot eft celui à qui on attribue ordinairement l'origine de l'Idolâtie: on prétend que c'eft lui qui introduifit le culte du feu, qui a duré fi long-temps. (4) La Ville d'Ur étoit ainfi appellée à caufe qu'on y adoroit le feu, & c'eft ce qui a donné lieu à la fable,

(a) Rabbi Maimonides croit cependant qu'il fut Idolâtre jufqu'à l'âge de quarantehuit ans. X

Tome I.

ch..

(4) Hug Victor. in

Gen. C. 1o.

qui dit que le Roi qui regnoit du temps d'Abraham, l'avoit fait jetter dans le feu, parce qu'il s'oppofoit à cette fuperftition, & que Dieu l'en avoit retiré miraculeufement; fable Rabbinique, fondée fur ce qu'il eft dit dans l'Ecriture, que ce Patriarche fortit de Ur des Chaldéens, (a) Mais quelqu'idée que l'Ecriture nous donne de l'infolence de Nemrot, qui fut l'auteur du deffein de la Tour de Babel, deffein qu'on peut regarder comme une efpece de revolte contre le Ciel, il n'eft dit nulle part qu'il ait porté les Chaldéens à adorer des Etres fenfibles.

On n'eft pas mieux fondé à dire que Ninus fut le premier auteur de l'idolâtrie: elle eft plus ancienne que lui, puisqu'il ne vivoit que vers le temps des premiers Juges, comme Ufferius le prouve (b) fans replique, & que l'Ecriture Sainte reproche long-temps auparavant à Tharé & à Nachor le culte des Idoles. On peut dire feulement, pour ne pas s'éloigner du fentiment de faint Jerôme & de faint Cyrille, que ce Fondateur de l'Empire des Affyriens, fut un des premiers qui introduifit cette efpece d'Idolâtrie, qui eut pour objet le culte des grands Hommes, ayant fait bâtir un Temple à l'honneur de fon pere Belus: mais il y avoit une Idolâtrie bien plus ancienne, comme nous le dirons dans un moment.

ARTICLE PREMIER.

Que c'eft dans l'Egypte & dans la Phenicie qu'elle commença.

C'EST fans doute dans la famille de Cham qu'il faut cher cher la veritable origine de l'Idolâtrie. Les enfans infortunés d'un pere maudit, oublierent les premiers les fages confeils de Noé; & fuivant le penchant de leur cœur, & s'abandonnant à leurs paffions, ils chercherent des objets fenfibles, pour leur offrir un culte fuperftitieux. Comme les deux fils de Cham, Chanaan & M fraïm, s'établirent, l'un dans la Phenicie, & l'autre dans l'Egypte, c'eft dans ces deux Royaumes que l'Idolâtrie prit naiffance. Je crois qu'elle commença

(a) Voyez S. Jerôme, Queft. Hebraiques fur la Genese.

(6) Cet Auteur place le regne de Belus l'an du monde 2682, & celui de Ninus

en 1687..

plus tard dans les pays peuplés par les defcendans de Sem & de Japhet.

(2) De Falfa. Rel. liv. 2.

8.

(3) Collat. C. 21.

L'Egypte & la Phenicie font donc les premiers berceaux de l'Idolâtrie; c'est le sentiment d'Eusebe, (1) qui avoit fort) Prepar. Evang. ch. 6. examiné cette matiere; de Lactance, (2) & de Caffian, (3) & 9. dont le premier en rapporte l'origine à Chanaam, & le fecond à Cham fon pere; c'est ce qu'ont penfé fur ce fujet plufieurs Rabbins, qui croyent même que ces deux Patriarches étoient Idolâtres avant le Deluge. Voffius (a) dit qu'il eft hors de doute que l'Idolâtrie a commencé dans la famille de Cham, & par conféquent dans l'Egypte. Ce Auteur ajoute que tous les Anciens en conviennent; & fans parler de Diodore, & de plufieurs autres, il fuffit de citer Lucien, (4) qui dit formellement que les Egyptiens font les premiers qui ont honoré les Syria. Dieux, & leur ont rendu un culte folemnel. Herodote, au commencement de fon Hiftoire, (5) n'eft pas auffi précis là- (5)Chap. 4 deffus que Lucien, mais ce qu'il en dit, revient à peu-près au même. Les Egyptiens, au rapport de ce fçavant Hiftorien, font les premiers qui connurent les noms des douze grands Dieux, & c'est d'eux que les Grecs les ont appris. Ce même Auteur affure la même chose en plufieurs endroits, & particulierement dans le cinquantiéme chapitre du fecond Livre, ainsi qu'on le verra dans la fuite.

L'Egypte a toujours été regardée comme le centre de l'Idolâtrie, c'eft l'idée que l'Ecriture en donne en plufieurs endroits. Là regnoient la Magie, la Divination, les Augures, l'Interprétation des fonges, malheureux fruits d'un culte fuperftitieux. Dès le temps même de Moyfe, l'Idolâtrie y étoit à fon plus haut point, ce qui fuppofe une grande ancienneté; car enfin un fyftême complet de Religion ne s'établit qu'avec beaucoup de temps. Moyfe même ne femble avoir donné un fi grand nombre de préceptes aux Juifs, que pour les oppofer en tout aux ceremonies Egyptiennes. Ce qui regarde les Sacrifices, l'ufage des viandes, & la Police, ne fut établi que pour les éloigner des pratiques de ce Peuple idolâtre. Voilà fans doute le pays où commença l'Idolâtrie: de-là elle passa dans la Phenicie, fi même elle n'y commença pas (a) Remarques fur le Traité de Maimonides, touchant l'Idolâtrie.

(4) De Dea

igine Idol.

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en même temps (a) ; & de la Phenicie elle fe répandit en Orient, dans les lieux où habitoient les defcendans de Sem, dans la Chaldée, la Mefopotamie, & les lieux voifins ; & dans l'Occident où s'étoit établie la pofterité de Japhet c'est-à-dire, dans l'Afie mineure, dans la Grece & dans les Ifles. C'eft le chemin qu'Eusebe & les autres anciens Peres lui font prendre ; & il ne faut pas écouter les Grecs, quand ils difent que l'Idolâtrie commença, ou dans l'Ifle de Crete fous le regne de Meliffus, ou à Athenes fous Cecrops, ou en Phrygie, puifqu'ils ne connoiffoient pas les veritables Antiquités, & qu'il eft fûr que leur Religion & leurs ceremonies étoient venues d'Egypte & de Phenicie avec les Colonies qui leur arriverent de ces anciens Royaumes, comme tous les Sçavans en conviennent, & comme Herodote le dit formellement.

L'Egypte & la Phenicie font donc les deux pays où l'Idolâtrie a pris naiffance. Je n'oferois décider fi elle commença du vivant même de Cham, mais il eft für du moins qu'elle. fut fort répandue four le regne de Misraïm sọn fils.

ARTICLE II.

Quel fut le premier objet de l'Idolâtric.

Si après avoir trouvé l'époque la plus probable de l'Idō-lâtrie, & découvert les lieux où elle a commencé, nous voulons maintenant fçavoir quel en fut le premier objet, il faut obferver la même méthode, & rapporter les differentes (1) L. de opinions des Sçavans. Si nous en croyons le celebre Voffius (1), la plus ancienne Idolâtrie a été celle des deux Principes. Les hommes ayant vû le monde rempli de biens & de maux, & ne pouvant s'imaginer qu'un Etre qui eft effentiellement bon, pût être l'auteur du mal, inventerent deux Divinités égales en puissance & éternelles. Ils crurent que tout le bien venoit du bon Principe, & que le mauvais faifoit tout

(a) Plufieurs Sçavans foutiennent que l'Idolâtrie commença dans la Phenicie, & que de là elle fe repandit en Egypte. Il eft bien difficile de contefter un fait fi an cien. On accorde tout, en difant comme je le fais, qu'elle commença peut être en même temps dans ces deux pays, peuplés l'un & l'autre par la même famille.

le mal qu'il pouvoir faire; que celui-ci voyant que le bon Principe vouloit créer un monde, avoit traverfé fon deffein autant qu'il avoit pû; qu'il y avoit eu à ce fujet une guerre très-vive entre ces deux Etres, & que c'est ce qui avoit retardé cette création, jufques-au moment où le bon Principe. avoit eu le deffus: que le mauvais pour s'en venger, y avoit répandu toutes fortes de maux & de miferes. Ce fçavant Auteur ajoûte qu'on ne peut pas fixer au jufte l'époque de cette erreur, ni dire quel en fut le premier auteur; mais il pense avec raifon qu'elle eft très ancienne.

Plutarque (1) fait une longue énumeration de ceux qui (1) Insidel'ont enfeignée, non feulement parmi les Grecs, mais chez les Barbares même ; & certes cette opinion étoit bien ancienne chez les Perfes, continue Voffius, puifque le fameux Zoroastre l'y trouva établie. Car quoiqu'on ne fçache pas qui étoit ce Zoroaftre, ni le temps auquel il a vêcu, on fçait bien qu'il est très-ancien, & il y a apparence que c'eft Mifraïm lui-même, fils de Cham, qui fut appellé après fa mort. Zoroaftre, comme qui diroit Aftre-vivant, parce qu'il avoit porté les Egyptiens à rendre aux Aftres un culte religieux.

.

On peut remarquer ici en paffant qu'un fçavant Anglois (2), (2) Thomas qui connoiffoit mieux que Voffius la Religion des anciens Hyde, Religion des anPerfes, a bien éclairci ce qui regarde Zoroaftre. ; il s'ap- ciens Perfes, pelloit Zeratucht ou Zerducht, & vivoit du temps de Da- c.1-2. &c... rius, fils d'Hyftafpès. Ce grand homme, bien loin d'avoir introduit l'Idolâtrie chez cet ancien Peuple, employa tous. fes foins pour la detruire, & ramena les plus raifonnables à la connoiffance d'un feul Principe, Créateur du ciel & de, la terre, ainfi que Sem & Abraham leurs premiers Patriar ches, le leur avoient enfeigné. Mais parce que le Sabifme (a),. c'est-à-dire, le culte des Aftres & des Planetes, étoit la Religion dominante, il fut obligé d'ufer de quelque temperament; & pour ne pas effaroucher les efprits, il prefcrivit à L'égard du Soleil & du feu, qui eft le principe de la fecondité, une espece de culte fubordonné, & quelques ceremo nies purement civiles, telles qu'elles le pratiquent encore.

(a) Ce mot veut dire Copia, & Sabaite, Copiarius, comme qui diroit celui qui adore la milice. Voyez Hyde, loc. cit.

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