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v. 6.

objet de leur adoration, des hommes femblables à eux. Il eft bien plus vraisemblable qu'ils chercherent des êtres fenfibles, qui portaffent le caractere de la Divinité, dont ils n'avoient pas entierement perdu l'idée, & qui en fût le fymbole plus expreffif. Or rien n'étoit plus capable de les féduireque les Aftres, & le Soleil fur-tout: fa beauté, le vif éclat de fa lumiere, la rapidité de fa course, exultavit ut gigas ad currendam viam ; (1) fa regula- (1) Pf. 18, rité à éclairer tour à tour toute la terre, & à porter partout la lumiere & la fécondité, caracteres effentiels de la Divinité, qui eft elle-même la lumiere & la fource de tout ce qui eft; tout cela n'étoit que trop capable de faire croire à des hommes groffiers, qu'il n'y avoit point d'autre Dieu que le Soleil, & que cet Aftre brillant étoit le trône de la Divinité In Sole pofuit Tabernaculum fuum. (2) Dieu avoit établi fa demeure dans le Ciel; Calum Cæli Domino, (3) & ils ne voyoient rien qui portât plus de marques de la Divinité que le So

leil.

On ne fçauroit donc douter de l'antiquité du culte du Soleil & des autres Aftres; & s'il falloit joindre l'autorité à des raifons furnaturelles, j'aurois pour moi non-feulement plufieurs grands Hommes qui ont été de ce fentiment, mais auffi prefque tous les Rabbins, & fur tout le fçavant Maimonides, qui dans fon Traité fur l'origine de l'Idolâtrie, croit que c'eft par-là qu'elle commença, même avant le Deluge.

Dans l'ignorance où étoient les hommes fur la nature du vrai Dieu, dit ce fçavant Rabbin, rien n'a du les frapper davantage que la vue du Soleil & des autres Aftres. Les hommes n'ont jamais perdu ce principe, que la Divinité renferme effentiellement le beau; & n'ayant pas affez de lumieres pour s'élever jusqu'à l'idée d'une substance immaterielle & invifible, ils ne trouverent rien de plus admirable dans la nature que le Soleil & les Aftres. La reconnoiffance affez naturelle aux hommes, lorfqu'ils reçoivent quelque bien, les fortifia encore dans la même pensée. Ils ne pouvoient douter que le vinum cultum, & ejufmodi funt corpora cæleftia, fcilicet Sol & Luna, & Stellæ. Divus Thomas, Opufc. de Symbolo Apoft.

(3) Hefiode dit prefque mot à mot la même chofe, is uniρTaтa d'úμaтa vαill, qui fupremas habuitat domos : & Ariftote, 1. 1. De Calo, ch. 3. dit que tous les Peuples conviennent que les Dieux habitent dans le Ciel,

(2) Ib. v. 5.

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Soleil ne fût la fource de la fécondité; que c'étoit à sa cha leur que devoit fe rapporter la fertilité de la terre, qui fans fes rayons qui l'échauffent, ne feroit qu'une maffe fterile,, fans arbres & fans fruits. Les revolutions & les mouvemens reguliers des Spheres céleftes, les perfuaderent bien-tôt que les Aftres étoient animés; & cette erreur n'a eu que trop de partifans. Cette opinion devint même celle des Sçavans & des Philofophes, fur-tout des (Platoniciens & de Platon leur maître. Ce fut dans cette philofophie que Philon Juif prit ce dogme, que les Aftres font des ames incorruptibles & immor telles. (1) C'eft fur les principes de cette même doctrine, qu'O. rigene s'éforça d'établir la même opinion. (2) Saint Auguftin femble balancer fur ce fujet; mais il fe retracte dans la fuite.. (3) Il y a bien de l'apparence que c'étoit auffi le fentiment d'Ariftote; car fi quelques-uns de fes Commentateurs difent qu'il donnoit feulement aux Aftres des Intelligences pour les conduire, il y en a qui prétendent qu'il regardoit ces Intelligences, comme les formes internes & effentielles de ces mê mes. Aftres..

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Eufebe (4) eft celui qui s'explique le plus clairement fur cet article. Que les premiers & les plus anciens des hommes, dit-il, ne fongeaffent à élever ni Temples, ni Idoles, n'y ayant alors ni peinture, ni art de poterie, ni fculpture même, ni maçonnerie où architecture, je crois que tout homme qui penfe, l'apperçoit très-clairement: mais que par-deffus tout cela, on ne parlât pas même de ces Dieux » & de ces Heros fi renommés depuis, & qu'il n'y eût alors ni Jupiter, ni Saturne, ni Neptune, ni Junon, ni. Mi» nerve, ni Bacchus, ni aucun autre Dieu mâle ou femelle, » tels qu'il s'en eft trouvé dans la fuite par milliers, & chez » les Grecs, & chez les Barbares; bien plus, qu'il n'y ait > eu aucun Demon, ni bon ni mauvais, que les hommes » reveraffent; mais que l'on n'adora feulement les Aftres, appellés 9, de 9, courir,. comme les Grecs le difent > eux-mêmes : enfin, que les Aftres ne fuffent pas honorés alors

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(1) Lib: De Somniis.

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(2) Dans fes. Livres intitulés, iei A'pxŵv.

3) Retract. C. 7. (4) Prep. Evang. 1. a. c. 9.

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comme ils le font, par des facrifices d'animaux, ni par les cultes depuis. inventés, ce n'eft point un fait attefté par » nous feuls, mais un témoignage que nous rendent les » Payens eux-mêmes.

Je pourrois joindre ici l'autorité des Auteurs profanes qui ont été de même avis; mais je me contente, 1o. du témoignage de Diodore de Sicile, (1) qui dit que : « Les pre (1) Liv. 17: miers hommes frappés de la beauté de l'Univers, de l'éclat & de l'ordre qui y brillent de toutes parts, ne douterent point qu'il n'y eût quelque Divinité qui y préfidât; & ils adorerent le Soleil & la Lune, fous les noms d'Ofiris & d'Ifis. Par où ce fçavant Auteur fait entendre que le culte des Aftres fut le premier objet de l'Idolâtrie, & que ce fut en Egypte qu'elle commença.

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2o. De celui de Platon, fi toutefois il eft l'Auteur du Dia logue intitulé, Epinomis, où il eft dit: Les premiers hommes qui habiterent la Grece, felon ma conjecture, ne reconnoffoient point d'autres Dieux, que ceux qui font encore aujourd'hui les Dieux des Barbares, fçavoir le Soleil, la Lune, la Terre, les Aftres & le Ciel. Je pourrois ajouter que c'est auffi le fentiment de Sanchonathon, comme on l'a vû. dans le fragment que j'en ai raporté.

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Mais rien ne prouve tant l'antiquité de cette efpece d'I dolâtrie, que le foin que prenoit Moyfe de la profcrire : Prenez garde, difoit-il aux Ifraëlites, qu'élevant vos yeux au Ciel, & y voyant le Soleil & la Lune, & tous les Aftres, vous ne tombiez dans l'illufion & dans l'erreur, » & que vous ne rendiez un culte d'adoration à des créatu→ »res que le Seigneur votre Dieu a faites pour le service de > toutes les Nations qui font fous le Ciel : Ne fortè eleves oculos tuos in Calos, & videns Solem, & Lunam, & Stellas...... & impulfus adores atque colas ea. (2) Surquoi R. Levi Ben Gerfon remarque, que Moyfe parle du Soleil avant les au- c. 4.v. 10, tres Aftres, parce que fa beauté & fon utilité font plus propres à féduire, que celle de la Lune & des Etoiles.

Comme c'étoit après la fortie d'Egypte, & pendant que le Peuple Juif étoit dans le Defert, que Dieu dicta ce Précepte de la Loi aux Juifs, il y a tout lieu de croire que

(2) Deur

c'étoit pour leur faire oublier les fuperftitions Egyptiennes fur ce fujet, & les empêcher de fe laiffer furprendre à celles des autres Peuples, parmi lefquels ils alloient bien-tôt se trouver; car ce culte étoit dès-lors repandu partout, comme nous le ferons voir dans un moment: & c'eft pour cela que Job pour marquer fon innocence, dit: «Si j'ai regardé le So» leil dans fon éclat, & la Lune lorfqu'elle étoit la plus claire ; fi mon cœur a reffenti une fecrette joye, & fi j'ai porté ma main à la bouche pour la baiser; ce qui est le » comble de l'iniquité, & le renoncement du Dieu trèshaut: Si vidi Solem cùm fulgeret, & Lunam incedentem clarè, & lætatum eft in abfcondito cor meum, quæ eft iniquitas ma7.26. 27. &c. xima, & negatio contra Deum altiffimum. (1)

(1) Job. 31.

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Surquoi il eft bon de faire ici quatre remarques. La pre miere, que c'étoit donc là l'Idolâtrie de fon fiécle, & en même temps la feule; car certainement s'il y en avoit eu d'au tres, il s'en feroit également juftifié.

La feconde, qu'adorer le Soleil, c'étoit abfolument le reconnoître pour le fouverain Dieu, fans en reconnoître d'autre, abnegassem Deum dejuper; ou, comme dit la Vulgate, negatio contra Deum altiffimum.

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La troifiéme, que nous apprenons par ce paffage, nonfeulement l'antiquité du culte du Soleil, puifque Job vivoit avant Moyfe, (a) mais auffi qu'on reconnoiffoit la divinité de cet Aftre en portant fa main à sa bouche; & cette coutume fe pratiquoit même à l'égard des autres Dieux, comme nous l'apprennent plufieurs Auteurs. Minucius Felix fe mocquoit de Cecilius, qui baifoit fa main en paffant devant la Statue de Serapis Cæcilius fimulachro Serapidis denotato, ut vulgus fuperftitiofus folet, manum ori admovens, ofculum labiis impref(2) Dial. fit. (2) Apulée au contraire reproche à un impie, qu'il n'aInt. Octavius. voit aucun refpect pour les Dieux, & qu'il paffoit devant leurs Temples fans porter fa main à fa bouche pour les faluer: Nulli Deo ad hoc avi fupplicavit, nullum Templum frequentavit: Si Fanum aliquod prætereat, nefas habet adorandi grazia, (3) Apul manum labiis admovere. (3)

(a) C'eft le fentiment de Bede. Voyez là-deffus les Interpretes; car il n'eft pas éceffaire d'entrer ici dans cette difcution,

La quatrième enfin, que c'étoit dans la vûe de reconnoître la divinité du Soleil, que les Payens pour prier, fe tournoient vers le lever de cet Aftre, & que leurs Temples étoient tous dirigés du côté de l'Orient, pendant que les Juifs, pour ne pas les imiter, avoient toujours leur Sanctuaire du côté de l'Occident. Les premiers Chrétiens avoient aussi accoutumé de tourner leurs Eglifes vers le Levant, non pour adorer¡ l'Aftre qui nous éclaire, mais pour rendre leurs hommages au Soleil de Juftice, qui repând la lumiere fur l'efprit, & échauffe par fa grace le cœur de ceux qui l'adorent. (a)

Les Auteurs ne s'accordent pas fur le lieu où a commencé le culte du Soleil: il y en a qui prétendent que c'eft en Chaldée, fondés fur ce que cet ancien Peuple s'eft addonué de tout temps à l'Aftronomie, & qu'il avoit le premier obfervé le mouvement des Aftres; comme s'il falloit pour admirer le Soleil & connoître fes vertus, des Obfervations aftronomiques, & qu'il ne fuffit pas d'ouvrir les yeux, pour être frappé de fon éclat & de fa beauté. Il y a bien plus d'apparence que c'eft dans l'Egypte, que j'ai prouvé, il y a un moment, avoir été le berceau de l'Idolâtrie, que l'on comà adorer le Soleil fous le nom d'Ofiris.

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De l'Epgypte le culte du Soleil se repandit dans les pays voifins, ou pour mieux dire, dans tout le monde, puifque cet Aftre a été la Divinité de toutes les Nations, même les plus barbares. Je n'entreprends pas de prouver ici en détail une verité fi connue; je ne dirois rien qu'on ne puiffe lire dans Voffius, dans le Pere Thomaffin, qui n'a fait que le copier, & dans plufieurs autres. Il fuffit de dire que les Ammonites l'adorerent fous le nom de Moloch, à qui ils facrifioient des enfans; les Pheniciens, fous celui d'Adonis, ou de Thammus; les Chaldéens, fous ceux de Belus, ou de Baal, ou de Baal-Semen, qui veut dire, le Seigneur du Ciel; les Arabes leurs voifins, qui au rapport de Strabon (1) & de Stephanus, (2) lui offroient chaque jour de l'encens & d'autres parfums, l'appelloient Adonée. Les Moabites, Beelphegor;

(a) Voyez faint Clement d'Alexandrie, Strom. 70. contra Valent. Chapitre

3. &C.

(1) Liv. ro

(2) Liv. 9.

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