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ne, Agamemnon, & la plupart des Heros de la Toifon d'or ou du liege de Troye, eurent des Temples & des Autels dans la plupart des Villes de la Grece. La Laconie honoroit Hyacinthe, & Timomarchus qui combattit pour les Lacedemoniens contre le Peuple d'Amycles, fans parler d'Agamemnon, de Menelas, de Paris & de Déiphobe. Les Messeniens offroient de l'encens & des facrifices à Polycaon, à sa femme Meffene, à leur fils Triopas, & au celebre Machaon fils d'Efculape. Les Arcadiens accorderent les honneurs divins à Califto, à fon fils Arcas, à Ariftée qui avoit quitté l'Ifle de Cos où il étoit né, pour venir en Arcadie apprendre ce peuple l'art d'élever les abeilles. Le peuple d'Argos ho noroit Perfée, Lyncée, Hypermneftre, Io, Apis. Les Acarnaniens reveroient Amphiloque, & confultoient fes Oracles. Le peuple d'Athenes avoit rempli cette celebre Ville des Temples de Cecrops, de fes filles, Agraule, Herfe & Pan drofe; de Celeus & de Triptoleme fon fils, d'Erechteus & de fes filles. On y trouvoit auffi les Temples d'Egée, de Thefée, de Dedale, de Perdix fon neveu, d'Androgée, d'Alcmene, d'Eaque, d'Iolaus, ce fameux compagnon des travaux d'Hercule, de Codrus, & d'une infinité d'autres. A Delphes on voyoit celui de Neoptoleme; à Megare, celui d'Alcathoüs; chez les Oropiens celui d'Amphiaraüs; Thebes étoit celebre, non-feulement par le culte de Bacchus, de Semelé,. de Cadmus, d'Hermione, mais auffi de toute cette illuftre famille ainfi Ino & Melicerte y eurent leurs Temples & leurs Autels, auffi bien qu'Hercule, Iolaus & Amphiaraus. Dans l'Elide les femmes facrifioient une fois par an à Hippo damie, fille de Pelops. Telefphore étoit honoré à Pergame Damia ou Lamia l'étoit à Epidaure, Nemesis à Rhamnus, Sanctus, ou Sangus chez les Sabins, Adramus & Palicus en Sicile, Coronis à Sicyone, Théagene chez les Thafiens Borée en Thrace, Pater-Curis chez les Volfques, Tellenus à Aquilée, Tanaïs en Armenie, Ferentina à Ferentum, Ta→ gès en Etrurie, aujourd'hui la Tofcane; Feronia, dans plufieurs lieux d'Italie, Marica à Minturne, les Graces, à Orchomene, les Mufes, dans la Piérie & à Lesbos, & Amphiloque à Oropos. La Theffalie facrifioit à Pelée, à Chi

ron, à Achille. L'Ifle de Tenedos à Tenès, celle de Chios à Aristée & à Drimachus, celle de Samos à Lyfandre, celle de Naxe à Ariadne, les Egineres à Eaque, ceux de Salamine au fameux Ajax, fils de Telamon, l'Ifle de Crete, à Europe, à Idomenée, à Molon, & à Minos. On voyoit en Afrique les Temples de plufieurs Rois. Les Maures honoroient Juba; ceux de Cyrene, Battus; les Carthaginois, Didon, Amilcar, &c. LesThraces, Orphée, & leur Légiflateur Zamolxis.

On ne finiroit pas fi l'on vouloit parcourir tous les autres lieux celebres par le culte de quelque Divinité particuliere, puifque toute la terre étoit remplie de Temples & d'Autels élevés non-feulement aux grands Dieux, mais auffi aux Indigetes, (a) & que chaque Peuple & chaque Ville, generalement parlant, avoit mis au rang des Dieux ou des Heros, fes Fondateurs & fes Conquerans. Si l'on croit avoir besoin de preuves, pour tout ce que je viens dire dans ce dernier article, on n'a qu'à lire Paufanias, qui parle des Temples confacrés à tous ces Heros, Strabon, & parmi les modernes, Meurfius dans fon excellent Traité des Fêtes de la Grece ; le (1) Liv. 2. premier Livre de Voffius, & Rofin. (1)

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Enfin, fi l'on joint à tant de Dieux, les Génies & les Junons qui étoient comme les anges gardiens de chaque homme & de chaque femme, on n'aura pas de peine à croire ce que dit Pline, que le nombre des Dieux excedoit celui des hommes (b), ni ce que rapporte Varron, qui fait monter ce nombre à trente mille.

Je ne prétends pas dire qu'il n'y ait eu de tout temps dans prefque tous les pays du monde, quelqu'un qui ait rejetté dans le fond du cœur ces Divinités ridicules, du moins pour la plûpart. Je fçais que Dieu fe conferva quelques ferviteurs parmi les Nations les plus Idolâtres; que Salem eut fon Melchifedech, les Iduméens leur Job, les Chaldéens leur Abraham; mais à cela près, on doit croire que toute la terre étoit couverte des tenebres de l'Idolâtrie; qu'il n'y eut que le peuple

(a) Confultez pour tous ces Indigetes & leur culte, Paufanias, & Strabon, & parmiles modernes Meurfius, Græcia Feriata, & Voffius, de Idol. Liv. 1.

(b) Major calitum populus etiam quam hominum intelligi poteft, cum finguli quoque ex femetipfis totidem Deos faciant, Junones, Geniofque adaptando fibi. Pline, Liv. 2.

Juif

Juif dans un coin du monde, qui conferva l'idée & le culte du vrai Dieu; encore ce même Peuple trop ingrat & toujours charnel, malgré les bienfaits visibles qu'il recevoit de fon Dieu, & les défenses continuelles des Prophétes, ne se laissa que trop fouvent entraîner au fatal penchant qu'il avoit pour l'Idolâtrie.

On pourroit oppofer à ce que je viens de rapporter des progrès de l'Idolâtrie, que toutes les fauffes Divinités des Payens, n'étoient que differens attributs du vrai Dieu; qu'ils adoroient, par exemple, fa juftice dans Themis, fa puiffance fouveraine dans Jupiter, fon éloquence dans Mercure, fa fageffe dans Pallas, ainfi des autres; mais ils n'en feroient pas pour cela plus excufables, ayant ainfi diftribué & partagé entre plufieurs Dieux, les perfections d'un Etre qui eft un par effence. On peut penfer la même chofe des Poëtes & des Philofophes, qui croyoient que Dieu étoit l'ame de ce vafte univers, qui lui donnoit le mouvement & la vie.

Spiritus intus alit, totamque infufa per artus
Mens agitat molem, & magno fe corpore mifcet.

Deum namque ire per omnes

Terrasque, tractufque maris, cœlumque profondum (1).

(1) Eneid.

L. 6.

Acad. L. 4.

(3) Voyez Diog. Laerce.

C'étoit le fentiment favori des Stoïciens, au rapport de Ciceron (2): chacun donna à cette ame univerfelle du monde, (2) Quek. le nom de quelque Divinité. Strabon disoit que c'étoit Jupiter; felon Denys d'Halicarnaffe, c'étoit Saturne; Macrobe vouloit que ce fût le Soleil; Apulée, la Lune: d'autres Pan, ou Junon, ou Minerve; ou plûtôt felon le fentiment de Zenon (3), c'étoit cette même ame du monde, qui prenoit tous ces differens noms, fuivant les differens rapports de fa puiffance qu'elle s'appelloit Dios, parce que c'eft par elle que tout fe fait ; Athena, parce que fon empire eft dans les Cieux; Hera, ou Junon, parce qu'elle préfide à l'air; (4) C'étoit Poseidon ou Neptune, parce qu'elle réfide dans l'eau; Vul- ment de Varcain, parce qu'elle habite dans le feu (4). Reconnoître & ron. adorer, comme une Divinité, cette ame univerfelle, qui Aug. De Civ. est une portion du monde, étendue comme le corps qu'elle Dei. L. 27. C, Tome I. Bb

auffi le fenti

23.

Voyez S.

(1) L. r.

ne,

anime, c'est à la verité une efpece d'Idolâtrie plus rafinée
que celle du peuple; mais c'eft toujours rendre à une chose
materielle les hommages qui ne font dûs qu'à Dieu; ou plu
tôt c'étoit un atheisme femblable à celui de Straton, de Pli-
de Spinofa, & de la plupart des Lettrés Chinois.
Mais après avoir prouvé que l'Idolâtrie n'étoit parvenue
que par degrés au point d'abfurdité où on vient de la voir,
il faut dire en peu de mots de quelle maniere le culte qu'on
rendoit aux faux Dieux, monta jufqu'au comble de l'abo-
mination.

Comme dans les premiers temps, la plupart des Peuples ne connoiffoient ni villes ni maifons, & n'habitoient que dans des huttes, ou fous des tentes portatives, & qu'ils erroient dans differens endroits, pour chercher des établissemens folides, il ne leur étoit ni facile ni convenable de conftruire des Temples & de faire des Idoles; & c'est ce qui les obligea d'abord à choisir pour l'exercice de leur Religion, les cavernes, les bois, & les montagnes, les Prêtres & les Legiflateurs ayant regardé ces lieux retirés, comme très propres à rendre les myfteres de la Religion plus refpectables. Pline s'explique clairement fur cette matiere. Les arbres, dit-il, & les champs furent autrefois les Temples des Dieux. Arbores fuere Numinum Templa, prifcoque ritu fimplicia rura. Voila ce qui donna lieu à la confecration des bois, dont l'usage n'a ceffé qu'avec l'Idolâtrie.

Il faut remarquer, en premier lieu, que lorsqu'on vint à bâtir des Temples, on n'abolit pas l'ufage des bois facrés & qu'on en planta fouvent autour. Secondement, que ces premiers Temples n'avoient point d'Idoles. L'Architecture fut inventée avant que l'art de faire des figures fût connu. Herodote (1) & Lucien (2) nous l'apprennent des Egyp(2) De Dea tiens & des Scythes. Si nous en croyons Plutarque après (3) Voyez S. Varron (3), les Romains furent 170. ans fans Statues ni Aug. De Civ. Idoles, & même Numa Pompilius les avoit profcrites par une Loy également fage & judicieuse: auffi quand on trouva les Livres de ce Prince, qui avoient été long-temps perdus, on les fit brûler, parce qu'ils condamnoient apparemment. une coutume trop univerfelle alors, pour être abolie; à moins

Syria.

Ia 4. C. 31.

qu'on ne veuille dire qu'on les fit brûler comme des Livres apocryphes & fuppofés. Silius Italicus dit de même, que le Temple de Jupiter Ammon étoit fans aucune Idole, & que le feu éternel qu'on y confervoit, repréfentoit la Divinité qui y étoit adorée. Enfin, pour ne pas ennuyer par un trop grand nombre de citations, Tertullien nous apprend que de, fon temps même il y avoit plufieurs Temples fans aucune Statue; & c'eft ce que veut dire l'Auteur du Livre de la Sageffe en parlant des Idoles: Neque enim erant ab initio neque erunt in perpetuum.

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Il faut remarquer en troifiéme lieu, qu'avant que l'art de faire des Statues fût inventé, on rendit un culte religieux à des pierres informes, à des colomnes, & autres chofes de cette nature; c'est ce que nous apprenons de plufieurs Auteurs. Sanchoniathon dit que les plus anciennes Statues n'étoient que des pierres brutes, qu'il appelle Batilia; & ce mot vient apparemment de Bethel, nom que Jacob donna. à la pierre qu'il éleva comme un Autel après fon combat, avec l'Ange (1). Paufanias parle des Statues d'Hercule & (1) Gen. 28. de Cupidon, qui n'étoient que deux maffes de pierre. Ce même Auteur ajoute qu'on voyoit en un même endroit trente pierres quarrées, aufquelles on donnoit les noms d'autant de Divinités. Les Scythes, au rapport d'Herodote (2), (2) L. 4; adoroient une épée qui représentoit le Dieu Mars. D'autres Peuples, felon Juftin, rendoient leur culte à une lance ; & c'est de-là qu'eft venue la coutume de donner des lances aux Statues des Dieux. Ab origine rerum pro Diis immortalibus haftas coluerunt; ob cujus Religionis memoriam, adhuc Deorum fimulachris hafta adduntur. L. 43. Le fameux Sceptre d'Agamemnon dont parle Homere, fut adoré par le Peuple de Cheronée, comme un fymbole de Jupiter. Enfin Arnobe nous apprend, que les Perfes adoroient le feu & les fleuves; les Arabes, une pierre informe; les Thefpiens, un rameau; les Cariens, du bois ; ceux de Peffinunte, un caillou ; les Romains, la lance de Romulus ; & les Samiens, un puits. Videtis temporibus prifcis Perfas fluvios coluiffe, memoralia ut indicant fcripta ; informem Arabas lapidem, acinacem Scythia nationes, ramum pro Cynthia Thefpios: lignum Cariis

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