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zele, l'y jettoit, avec quelques pieces de monnoye, ou de métal qui n'avoit pas encore paffé par le creufet. Lorfque l'édifice étoit achevé, la confécration s'en faifoit auffi avec de grandes ceremonies, & c'étoit le Pontife, ou en fon abfence, quelqu'un de fon College, qui y préfidoit.

Tacite (1) parlant du rétablissement du Capitole, nous a (1) Hift. L. 2. confervé la formule, & les autres ceremonies de la confécration du lieu deftiné à bâtir un Temple. Vefpafien, dit-il, ayant chargé L. Veftinus du foin de rétablir le Capitole, ce Chevalier Romain confulta les Arufpices, & il apprit d'eux qu'il falloit commencer par tranfporter dans des marais les reftes du vieux Temple, & en bâtir un nouveau fur les mêmes fondemens. L'onzième jour avant les Kalendes de Juiller, le Ciel étant ferain, tout l'efpace deftiné pour l'édifice fut ceint de rubans & de couronnes. Ceux des Soldats dont le nom étoit de bon augure, entrerent dans cette enceinte avec des rameaux à la main; puis vinrent les Veftales, accompagnées de jeunes garçons, & de jeunes filles, dont les peres & meres vivoient encore, qui laverent tout ce lieu avec de l'eau de fontaine, de lac, ou de fleuve. Alors Helvidius Prifcus Préteur, précedé de Plaute Elien Pontife, acheva d'expier l'enceinte par le facrifice d'une vache, & de quelques taureaux, qu'il offroit à Jupiter, à Junon, à Minerve, & aux Dieux Patrons de l'Empire; & les pria de faire en forte que le Bâtiment que la pieté des hommes avoit commencé pour leur demeure, fût heufement achevé. Les autres Magiftrats, qui affiftoient à cette ceremonie, les Prêtres, le Sénat, les Chevaliers, & le Peuple, pleins d'ardeur & de joye, fe mirent remuer une pierre d'une groffeur énorme, pour la traîner au lieu où elle devoit être mise en œuvre. Enfin, on jetta dans les fondemens plufieurs petites monnoyes d'or, & d'autres pieces de métal, comme nous venons de le dire.

à

De ces Temples, il y en avoit quelques-uns qui ne devoient pas être bâtis dans l'enceinte des Villes, mais hors les murs; comme ceux de Mars, de Vulcain, & de Venus, › pour les raifons qu'en apporte Vitruve. (2) Quand on veut, dit cet (2) Liv. 2. Auteur, bâtir des Temples aux Dieux, fur-tout à ceux qui font les Patrons de la Ville, fi c'eft à Jupiter, à Junon,

Tome 1.

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C. 2.

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» ou à Minerve, il faut les placer aux lieux les plus élevés,
d'où l'on puiffe voir la plus grande partie des murs de la
Ville. Si c'eft à Mercure, on doit les mettre à l'endroit
» où se tient le marché, ou la foire, ainsi qu'on l'observe
» pour ceux d'Ifis & de Serapis. Ceux d'Apollon, ou de
Bacchus doivent être près du Theatre. Ceux d'Hercule,
lorfqu'il n'y a ni Gymnase, ni Amphitheatre, doivent être
placés près du Cirque. Ceux de Mars hors de la Ville, &
dans les champs; comme ceux de Venus, aux portes de
la Ville. On trouve, c'est toujours le même Auteur qui
parle, dans les écrits des Arufpices Etrufques, qu'on a
» coutume de mettre les Temples de Venus, de Vulcain,
& de Mars, hors des murs, de peur que fi Venus étoit
dans l'interieur de la Ville-même, cela ne fût une occa-
> fion de débauche pour les jeunes gens, & pour les meres
de famille. Vulcain devoit être auffi en dehors, pour éloi-
→gner
des maifons la crainte des incendies. Mars étant hors
des murs, il n'y aura point de deffention entre le peuple;
» & de plus, il fera là comme un rampart pour garantir les
murailles de la Ville des périls de la guerre. Les Temples
de Cerès étoient auffi hors des Villes, en des lieux où on
n'alloit guere que pour lui offrir des facrifices, afin que la
pureté n'en fût point fouillée ». Cependant ces diftinctions
ne furent pas toujours obfervées exactement.

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On ne peut rien ajouter au refpect que les Idolâtres avoient pour leurs Temples. Si nous en croyons Arien, il étoit défendu de s'y moucher & d'y cracher; & Dion ajoute que quelquefois on y montoit à genoux. Ils étoient un lieu d'afyle pour les coupables & pour les débiteurs, comme nous le dirons dans le Chapitre fuivant. Enfin, dans les calamités publiques, les femmes fe profternoient dans les lieux facrés, & en balayoient le pavé avec leurs cheveux. Il est arrivé cependant quelquefois, que les malheurs publics ne ceffant pas, le peuple perdoit tout le refpect dû aux Temples, & s'emportoit jufqu'à jetter des pierres contre les murailles, (In Calig, comme pour les lapider; ainfi qu'on le voit dans Suetone. (1) Quoique communément les hommes & les femmes entraffent dans les Temples, il y en avoit dont l'entrée étoit

défendue aux hommes, comme celui de Diane à Rome, dans la rue nommée Vicus Patricius, ainfi que Plutarque nous l'apprend, quoiqu'ils puffent entrer dans les autres Temples de cette Déeffe; on croit que la raifon de cette défense venoit de ce qu'une femme qui prioit dans ce Temple, y avoit reçu le plus fanglant affront.

Après avoir donné une idée abregée des Temples des Payens, je crois qu'il ne fera pas hors de propos de faire une description particuliere de quelques-uns des plus célebres. On jugera par là à quel point on avoit porté la magnificence & la profusion.

Temple de Belus.

(1) AIR. liv. 10.

Si ce Temple étoit le plus ancien de tous ceux du Paganifime, comme on n'en fçauroit douter, il étoit auffi le plus fingulier par fa ftructure. Berofe, au rapport de Jofeph (1), en attribue la conftruction à Belus, qui y fut lui-même adoré après fa mort. Mais il eft certain que fi le Belus de cet Hif torien eft le même que Nemrod, comme il est bien vrai-femblable, fon deffein ne fut pas de bâtir un Temple, mais d'élever une tour, qui pût le mettre à couvert lui & fon peuple, des inondations, s'il en arrivoit de femblables au Deluge. On fçait de quelle maniere Dieu arrêta ce deffein infenfé. L'ouvrage demeura en l'état où il étoit au moment de la confufion des langues, & fut deftiné dans la fuite à fervir de Temple à Belus, qui après fa mort merita les honneurs divins. Cette fameufe tour, qu'on appelle vulgairement la Tour de Babel, formoit dans fa bafe un quarré, dont chaque côté contenoit un stade de longueur, (a) ce qui lui donnoit un demi-mille de circuit. Tout l'ouvrage étoit compofé de huit tours bâties l'une fur l'autre, & qui alloient toujours en diminuant. Quelques Auteurs, comme le remarque M. Prideaux, (2) trompés par la Verfion Latine d'Herodote, pré- (2) Hift. des tendent que chacune de ces tours ait été haute d'un ftade, Juifs, tom. 1 ce qui monteroit à un mille de hauteur pour le tout; mais p. 181. le texte Grec ne porte rien de femblable, & il n'y eft fait

(a) Le ftade étoit une efpace de fix vingt toifes.

liv. 1. Strab.

aucune mention de la hauteur de cet édifice. (a) Strabon qui a fait auffi la defcription de ce Temple, ne lui donne qu'un ftade de haut, & un de chaque côté. Le fçavant Editeur de l'impreffion de l'Ouvrage de M. Prideaux faite à Trevoux, dit qu'en fuivant la mesure des ftades qui étoient en ufage du temps d'Herodote, le feul des Anciens qui parle pour avoir vu cet édifice, il ne devoit avoir que 69. toifes de haut, ou environ, c'eft-à-dire un peu plus d'une fois la hauteur des tours de l'Eglife de Paris; ce qui n'eft pas fi exceffif, vû la magnificence de quelques bâtimens de l'Europe. Le même Editeur remarque encore, que comme cet ouvrage n'étoit fait que de briques, que des hommes por(1) Herod. toient fur leur dos, comme nous l'apprenons des anciens, (1) liv. 16. Diod ainfi que l'Ecriture-Sainte le dit de la tour de Babel, fa confde Sic. liv. 2. truction n'a rien qui doive furprendre ; & quoiqu'il fût plus haut de cent dix-neuf pieds que la grande Pyramide, comme elle étoit bâtie, ou du moins couverte de pierres d'une longueur exceffive, qu'il falloit guinder à une fi prodigieufe hauteur, elle doit avoir été infiniment plus difficile à conftruire. Quoi qu'il en foit, nous apprenons d'Herodote qu'on montoit au haut de ce bâtiment par un degré qui alloit en tournant, & qui étoit en dehors. Ces huit tours compofoient comme autant d'étages, dont chacun avoit foixante & quinze pieds de haut, & on y avoit pratiqué plufieurs grandes chambres foutenues par des pilliers, & de plus petites, où fe repofoient ceux qui y montoient. La plus élevée étoit la plus ornée, & celle en même-temps pour laquelle on avoit le plus de veneration. C'est dans cette chambre qu'étoient, felon Herodote, un lit fuperbe, & une table d'or maffif, fans aucune ftatuë.

Arri. liv. 7.

Jufqu'au temps de Nabuchodonofor ce Temple ne contenoit que la tour, & les chambres dont on vient de parler, & qui étoient autant de chapelles particulieres; mais ce Mo(2) Apud narque, au rapport de Berofe, (2) lui donna beaucoup plus Jof. Ant. liv. d'étendue par les édifices qu'il fit bâtir tout autour, avec un mur qui les enfermoit, & des portes d'airain, à la construction defquelles la mer du même métal, & les autres uften

10.

(a) Herodote dit feulement que ce bâtiment avoit un ftade de longueur, fur un ftade de largeur..

(1) Herod.

ciles du Temple de Jerufalem avoient été employés. Ce Tem ple fubfiftoit encore du temps de Xerxès, (1) qui au retour de fa malheureuse expédition dans la Grece, le fit démolir, 1.1. Arrien 1.7. après en avoir pillé les immenfes richeffes, parmi lesquelles étoient des ftatues d'or maffif, dont il y en avoit une, au rapport de Diodore de Sicile, (2) qui étoit de quarante pieds (2) Liv. 21 de haut, & qui pouvoit bien être celle que Nabuchodonofor avoit confacrée dans la plaine de Dura. L'Ecriture, à la verité, donne à ce Coloffe 90. pieds de haut; mais on doit l'entendre de la ftatue & de fon pied-d'eftal pris ensemble.

Il y avoit auffi dans le même Temple plufieurs Idoles d'or maffif, & un grand nombre de vases facrés du même métal dont le poids, felon le même Diodore, alloit à 5030. talens; ce qui joint à la ftatue, montoit à des fommes immenfes. C'étoit au refte, du Temple aggrandi par Nabuchodonofor, qu'Herodote, qui l'avoit vû, fait la defcription dans fon premier Livre; (3) & fon autorité doit l'emporter fur celle de (1) Pag. 181. Diodore de Sicile, qui n'en parloit que fur quelques rela- & suiv. tions. Herodote dit à la verité que dans une Chapelle baffe de ce Temple, étoit une grande ftatue d'or de Jupiter, c'est-à-dire de Belus; mais il n'en donne ni le poids ni la mefure, fe contentant de dire que la ftatue, avec une table d'or, un trône, & un marche - pied, étoient tous enfemble eftimés par les Babyloniens, huit cens talens. Le même Auteur ajoute que hors de cette Chapelle étoit auffi un Autel d'or, & un autre plus grand fur lequel on immoloit des animaux d'un âge parfait, parce qu'il n'étoit pas permis d'en offrir de pareils fur l'Autel d'or, mais feulement de ceux qui tettoient encore; & qu'on brûloit fur le grand Autel chaque année le poids de cent mille talens d'encens. Enfin, il fait mention d'une autre ftatue d'or maffif, qu'il n'avoit pas vûe, & qu'on lui dit être haute de douze coudées, c'est-à-dire, de dix-huit pieds. C'eft fans doute de la même que parle Diodore, quoiqu'il lui donne 40. pieds de hauteur, en quoi il eft plus croyable, fi c'étoit celle de Nabuchodonofor, comme il y a toute forte d'apparence.

Quoiqu'il en foit, j'ai dit d'après Herodote, que dans la plus haute tour il y avoit un lit magnifique, & cet Auteur

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