s'en convaincre il n'y a qu'à lire les Anciens , & sur-tout Parmi tant de Temples, Vitruve en admiroir sur-tout qua- (1) Voyez Temple étoit sans colonnes au dehors , pour laisser plus de place & de liberté aux cérémonies religieuses qui fe prati- L. 9.p.365. quoient dans les Sacrifices ; mais Philon dans la suite y ajoûta on Portique magnifique. Le quatriéme étoit le Temple de Jupiter Olympien à Athenes, d'ordre Corinthien. If avoir été commencé d'abord par les soins de Pisistrate ; mais les troubles qui suivirent fa mort, laisserent pendant près de trois cens ans l'ouvrage imparfait, jusqu'à ce qu'enfin Antiochus Epiphane Roi de Syrie , se chargea de faire la dépense nécessaire pour achever la Nef, qui étoit fort vafte, & pour les colonnes du Portique. Cossutius , Citoyen Romain, habile Architecte, fut choisi pour exécuter ce grand ouvrage ; & il y réussit fi bien, qu'il y eut peu d'édifices qui l'égalassent en grandeur & en magnificence. Pour suivre le dessein que je me suis proposé, je choisis deux de ces Temples , celui de Jupiter Olympien, & celui d'Apollon à Delphes , qui étoient les deux plus magnifiques. Le premier , selon Pausanias (2), & la Statue de Jupiter (2) In Eliac. qu'on y admiroit, étoient le fruit des dépouilles que les Herod. L. 8. c. 65. & Strab. Eléens avoient remportées sur les Pisans:& leurs Alliés , lorf qu'ils faccagerent la ville de Pise. Ce Temple, dont Libon originaire du pays avoit été l'Architecte, étoit d'ordre. Dorique, & tout environné de colonnes par dehors, ensorte que la place où il étoit bâti, formoit un superbe Peristyle. On avoit enployé à cet édifice des pierres du pays, mais qui étoient d'une nature & d'une beauté finguliere. La hauteur de ce Temple, depuis le rez de chaussée jusqu'à la couverture, étoit de soixante & huit pieds, fa largeur de quatre-vingt quinze, & sa longueur de deux cens trente. La couverture étoit non de tuiles , mais d'un beau marbre tiré du Mont Pentelique, & taillé en tuiles. Du milieu de la voute pendoit une. Victoire de bronze doré, & au-dessous de cette Statue étoit un bouclier d'or, sur lequel on voyoit la tête de Meduse ; & aux deux extremités de la même voûte étoient ausfi. suspenduës deux chaudieres dorées. Par dehors, au-dessus des colonnes, regnoit autour du Temple un cordon, auquel étoient attachés vingt & un boucliers dorés, consacrés à Jupiter par Mummius, après le sac de Corinthe. Sur le fronton de devant étoit représenté avec un art infini, le combat de Pelops avec @nomaüs , & Jupiter au milieu. Enomaüs & sa femme Sterope, une des filles d’Atlas , le char à quatre chevaux, & Myrtil l'Ecuyer de ce Prince, étoient à la droite du Dieu; Pelops , Hippodamie, & l’Ecuyer avec ses chevaux , occupoient la gauche. Toutes ces figures étoient d'un Peonien, originaire de Thrace. Le fronton de derriere, ouvrage d'Alcamene, le meilleur Statuaire de son temps , après Phidias , représentoit le combat des Centaures, & des Lapithes , à l'occasion des nôces de Pirithous. Une grande partie des travaux d'Hercule étoit sculptée dans l'interieur de cet édifice ; & sur les portes qui étoient toutes d'airain , on remarquoit entre autres chofes, la chasse du Sanglier d'Erymanthe, & les explois du même Hercule contre Diomede: Roi de Thrace, contre Geryon, &c. Enfin, car on ne peut pas tout détailler, il y avoit deux rangs de colonnes qui soutenoiens deux galeries fort exhaussées, sous lesquelles on passoit pour arriver au Trône de Jupiter. Ce Trône & la Statue du Dieu étoient le chef-d'ouyre de Phidias, & l'Antiquité n'offroit rien de fi magnifique, ni d'aussi parfait. La Statue d'une immense hauteur , étoit d'or & d'yvoire, fi artistement mêlés qu'on ne pouvoit la regarder sans être frappé d'étonnement. Ce Dieu portoit sur sa tête une couronne qui imitoit parfaitement la feuille d'olivier, & tenoit à la main droite une Victoire, aussi d'or & d'yvoire, & de la gauche un Sceptre d'une extrême délicatesse, & où reluisoient toutes sortes de métaux, qui loûtenoit une Aigle. La chaussure & le manteau du Dieu étoient d'or, & sur le manteau étoient gravés toutes sortes d'animaux & de fleurs. Le Trône étoit tout brillant d'or & de pierres précieuses. L'yvoire & l’ébene , les animaux qui y étoient représentés , & plusieurs autres ornemens y faisoient par leur mêlange, une agréable varieté. Aux quatre coins de ce Trône étoient quaere Viđoires , qui sembloient se donner la main pour danser , fans parler de deux autres qui étoient aux pieds de Jupiter. Les pieds du Trône , du côté du devant, étoient ornés. de Sphinx , qui arrachoient de tendres enfans du sein des Thebaïdes ; & au-dessous on voyoit Apollon & Diane qui tuoient à coups de fleches les enfans de Niobé. Quatre traverses qui étoient aux pieds du même Trône, & qui alloient d'un bout à l'autre, étoient ornées d'une infinité de figures d'une extrême beauté ; sur une étoient représentés sept vainqueurs aux jeux Olympiques ; on voyoit sur une autre Hercule prêt à combattre contre les Amazones, & le nombre des combattans de part & d'autre étoit de vingt-neuf. Outre les pieds du Trône, il y avoit encore des colonnes qui le soutenoient. Enfin une grande balustrade, peinte & ornée de figures, enfermoit tout l'ouvrage. Panenus, habile Peintre de ce temps-là, y avoit représenté avec un art infini, Atlas qui foutient le ciel sur ses épaules, & Hercule qui semble prêt à fe charger de ce fardeau, Thesée & Pirithoüs, le combat d'Hercule contre le Lion de Nemée, l'attentat d'Ajax sur Cassandre, Hippodamie avec sa mere, Promethée enchaîné, & mille autres sujets de l'Histoire fabuleuse. A l'endroit le plus élevé du Trône, au-dessus de la tête du Dieu, étoient les. Graces & les Heures, les unes & les autres au nombre de trois. Le pied. d'estal, qui soutenoit toute cette masse étoit aussi orné que le reste. Phidias y avoit gravé sur or, d'un côté le Soleil conduisant son char, de l'autre Jupiter & Junon, les Graces, Mercure, & Vesta. Venus y paroissoit sortir du sein de la mer , & être reçuë par l'Amour, pendant que Pitho , ou la Déesse de la persuasion, lui présentoit une couronne. Apollon & Diane n'avoient pas été oubliés sur ce bas-relief, non-plus que Minerve & Hercule. On remarquoit au bas de ce pied-d'estal Amphitrite & Neptune , & Diane ou la Lune qui paroissoit galoper sur un cheval. Enfin un voile de laine, teint en pourpre & brodé magnifiquement, présent du Roi Antiochus , pendoit du haut jusqu'en bas. Je ne dis rien des autres ornemens de ce superbe édifice , ni du pavé qui étoit du plus beau marbre, ni des présens que plulieurs Princes y avoient consacrés, ni du nombre infini de Statues qui y étoient, ainsi qu'aux environs. On peut sur tout cela consulter Pausanias, qui m'a fourni cette description. J'ajoûte seulement que pour juger de la grandeur de la Statue de Jupiter, sur laquelle les Anciens ne sont pas d'accord, il fuffit d'observer que le Trône & la Statue alloient depuis le pavé jusqu'à la voûte, dont j'ai marqué l'élevation. On n'aura pas de peine à avouer qu'un pareil ouvrage, d'une si vaste érenduë, d'une élevation si considerable, où l'or mêlé avec l'ébene & l’yvoire jettoit un grand éclat, où l'on voyoit tant de figures, de bas-reliefs & de peintures , le tour de la main des plus grands Maîtres, devoit faire un effet bien agréable sur ceux qui entroient dans le Temple. N'oublions pas de dire que cet édifice étoit d'ordre Dorique, le plus ancien de tous les ordres d'Architecture, & celui en même temps qui convient le mieux aux grands ouvrages. Temple d Apollon à Delphes. Si le Temple d'Apollon à Delphes n'étoit pas aussi magnifique, pour la structure, que celui que je viens de décrire, il étoit beaucoup plus riche par les présens immenses qu'on y avoit envoyés de toutes parts. Je dis plus riche, si toutefois on peut estimer le chef-d'ouvre de Phidias. D'abord le Temple de Delphes fut très-peu considérable. Une caverne, d'où Tortoient quelques exhalaisons , qui donnoient de la vivacité & de l'enthousiasme à ceux qui s'en approchoient , ayant fait . Les uns disoient que la terre s'étoit entr'ouverte, & l'avoit englouti ; les autres, que le feu y ayant pris , le cuivre dont il étoit fait se fondit. Quoiqu'il en soit, ce Temple fut bâti une quatrième fois , & il eut pour Architectes Agamede & Trophonius : pour lors on n'y employa que de la pierre. Cet édifice fut cousumé par les flames, la premiere année de la cinquante-huitiéme Olympiade. Le dernier enfin, qui sublistoit du temps de Paulanias, & qui étoit le plus grand & le plus riche, avoit été conftruit par les soins des Amphictyons, des deniers que les Peuples avoient confacrés à cet usage. Quoique nous n'ayons pas de description détaillée de ce dernier Temple , il est aisé de juger de son étendue , & des richesses immenses qu'il renfermoit, par le soin qu'eurent tant de Rois, & des Peuples entiers , d'y envoyer des préfens. |