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facultés de ceux qui facrifioient. On leur immoloit aussi des cocqs & des hirondelles, & le cochon, d'où ils prirent le nom de Grundiles.

Enfin, chaque Dieu avoit fon animal, ou fon arbre, ou fa plante favorite. Parmi les animaux le lion étoit consacré à Vulcain; le loup à Apollon & à Mars; le chien, aux Dieux Lares & à Mars; le dragon, à Bacchus & à Minerve; les griffons à Apollon; les ferpens à Efculape; le cerf à Hercule; l'agneau à Junon; le cheval à Mars; la geniffe à Isis. Parmi les oifeaux, l'aigle l'étoit à Jupiter; le paon à Junon; la chouette à Minerve; le vautour & le pivert à Mars; le cocq, au même Mars, à Efculape, à Apollon & à Minerve; la colombe & le moineau à Venus; les alcyons à Tethys; le phenix au Soleil, & la cigale, efpece d'infecte qui vole, à Apollon. Parmi les poiffons, qui appartenoient tous à Neptune, la conque marine, & le petit poiffon nommé Apua, que Feftus dit être produit par la pluie, étoient chers à Venus, & le barbeau, à Diane. Parmi les arbres & les plantes, le pin étoit confacré à Cybele, à cause d'Atys; le hêtre à Jupiter; le chêne & fes differentes efpeces, à Rhea; l'olivier, à Minerve; le laurier, à Apollon, après l'avanture de Daphné; le roseau, à Pan, après celle de Syrinx; le lotus, & le Myrte, étoient auffi confacrés à Apolon & à Venus; le cyprès, à Pluton; le narciffe & l'adiante, qu'on nomme auffi le clou de Venus, à Proferpine ; le frêne & le chiendent, à Mars; le pourpier, à Mercure; le myrte & le pavot, à Cerès; la vigne & le pampre, à Bacchus; le peuplier à Hercule; le dyetime & le pavot, à Lucine; l'ail, aux Dieux Penates; l'aune, le cedre, le narciffe & le geniévre, aux Eumenides; le palmier, aux Mufes; le platane, aux Génies; l'aulne, au Dieu Sylvain; le pin, à Pan, &c.

Si vous exceptez quelques raifons fymboliques qu'on a rapportées en paffant, de ces fortes de confécrations, il n'eft pas poffible de deviner les autres : il y a apparence que, comme anciennement, & dès les premiers temps, l'Idolâtrie ne connoiffoir pas toutes ces diftinctions, ni de Victimes, ni d'êtres fpécialement confacrés à quelque Divinité, à l'exclution des autres, tout ce raffinement fur imaginé par les Prêtres, qui

fe propofoient d'imprimer par-là plus de veneration pour les

Dieux.

La Victime étant choisie de la maniere que j'ai dit, on la paroit de rubans & de bandelettes; on lui doroit les cornes, on mettoit fur la tête des gâteaux, du fruit & de l'encens mâle (1); (1)Tout cela n'étoit point c'eft ce qu'on appelloit l'immolation, immolatio. Ensuite vegeneral pour noit la libation; c'étoit du vin qu'on prenoit foi-même, & tous les Sacriqu'on faifoit goûter aux affiftans. Puis litabatur ; c'est-à-dire, fices. que le Prêtre prenoit quelques poils entre les cornes de la Victime, les jettoit dans le feu, & enfin après s'être tourné du côté de l'Orient, ordonnoit au Victimaire d'égorger la Victime. A peine étoit-elle morte, que le Prêtre lui enfonçoit dans les entrailles le couteau facré, pour voir fi le Sacrifice étoit heureux, an perlitatum foret ; & l'Harufpice les exami→ noit, pour en tirer un augure favorable. Enfuite on coupoit la Victime en pieces, on les faifoit cuire, & on les distribuoit pour le feftin. Ceux qui l'égorgeoient, étoient nommés Victimarii, Popa, Cultrarii. Le Prêtre, outre les habits destinés à fes fonctions, ne manquoit pas de porter fur fa tête une couronne de branches ou de feuilles de l'arbre qui étoit spécialement confacré au Dieu pour qui étoit le Sacrifice; com→ me, de chêne pour Jupiter, de laurier pour Apollon, de peuplier blanc pour Hercule, de pampre pour Bacchus, de cyprès pour Pluton; ainfi des autres.

Mais comme il y avoit differentes fortes de Sacrifices, l'ho locaufte, le Sacrifice expiatoire, le Sacrifice d'actions de graces, & plufieurs autres, on agiffoit differemment par rapport à la Victime. Dans l'holocaufte, elle étoit entierement confumée par le feu, fans qu'il en reftât rien. Quelquefois on repandoit feulement le fang autour de l'autel; on brûloit deffus les graiffes qui entouroient les vifceres, & on emportoit le refte, ou on le mangeoit près du lieu-même de l'immolation. Il y avoit des portions aufquelles le Prêtre feul avoit droit de toucher, les autres étoient diftribuées ou emportées. Il paroît même que parmi les Gentils, tout ce qui étoit pour l'ufage de la nourriture ordinaire, fur-tout la chair des animaux, avoit été offert auparavant en Sacrifice; & de-là vint l'attention qu'avoient les premiers fidéles, lorfqu'ils vivoient au lieu

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des Payens, de prendre garde de ne point manger de viandes qui euffent été offertes aux Idoles. Si cette idée, qui a été fuivie par quelques Auteurs, & qui paroît fondée fur l'Antiquité, n'eft pas exactement jufte, du moins eft-il vrai que tous les feftins publics étoient précedés de Sacrifices, dont on mangeoit les viandes, ainsi que le dit formellement Athe(1) Liv. 5. née(1): pour s'en convaincre, on n'a qu'à lire Homere, Virgile, & d'autres Anciens.

P. 192.

On peut conclure de ce qu'on vient de dire, qu'il devoit y avoir dans les Temples, & dans les autres lieux où on sacrifioit, differentes places marquées; les unes pour preparer la Victime, d'autres pour l'égorger, d'autres pour en faire cuire la chair, d'autres enfin pour célebrer le festin; lequel, quoiqu'un acte de Religion, étoit fort gai, & toujours accompagné de danfe, de mufique, & d'hymnes chantés en l'honneur des Dieux. Les Devins, chez les Grecs, comme Calchas, Mopfus, Amphiarée, & plufieurs autres ; & les Harufpices chez les Romains, affiftoient aux Sacrifices, pour confulter les entrailles de la Victime, & en dire leur fentiment. C'étoient eux qui ordonnoient le temps, la forme, & la matiere des Sacrifices, fur-tout dans les occafions importantes; & on ne manquoit guere alors de les confulter, & de fuivre leurs décifions.

Il n'étoit pas toujours neceffaire de conduire la Victime vivante auprès des Autels, puifque faute d'autres animaux, on en alloit tuer à la chaffe, comme nous l'avons dit, pour les immoler enfuite. L'animal même n'étoit pas offert entier aux Dieux; les cuiffes étoient le morceau qui leur étoit destiné, (2) In Att. ainfi que Paufanias (2) l'a remarqué en general pour les Sacrifices des Grecs; & on faifoit brûler cette partie de la Victime fur un feu clair, de bois coupé par éclats. Apollonius de (3) Liv. 1. Rhodes (3) dit la même chofe : Ils égorgent, dit-il, deux bœufs, les coupent par quartiers, & enfuite par morceaux, ils en feparent les cuiffes votives; & après les avoir couvertes de la graisse, ou de l'omentum qui eft gras, il les font griller fur des éclats de

P. 22. & in

Arc. p. 269.

V. 432.

bois.

Les libations accompagnoient toujours les Sacrifices: c'é roit e liqueur qu'on repandoit en l'honneur du Dieu à qui

on

(1) Liv. 1.

on offroit le Sacrifice, & fouvent le Sacrifice même n'étoit
qu'une fimple libation. Anciennement ce n'étoit que de l'eau
qu'on repandoit, lorfque l'ufage du vin n'étoit pas établi, ou
ne l'étoit qu'en quelques endroits; & ce qui paroîtra furpre-
nant, c'eft que plufieurs Peuples qui celebroient les Orgies,
ou les Bacchanales, ignoroient, ou du moins ne faifoient au-
cun ufage du vin. Les Perfes, au rapport d'Herodote (1), ne
beuvoient que de l'eau. On doit dire la même chofe des Na-
tions du Pont, des Cappadociens, & des Scythes. Comment
les Arcadiens, qui anciennement ne vivoient que de glands,
ou plûtôt de quelques châtaignes fauvages; comment les
Troglodytes, les Icthyophages, & une infinité de Peuples
errants, qui vivoient au milieu des bois ou dans des grottes
auroient-ils connu l'ufage du vin? Ils avoient cependant une
Religion, des Sacrifices & des Libations. Des Peuples mê-
me plus polis, & qui en connoiffoient l'ufage, tels que les
Egyptiens, n'ofoient, fi nous en croyons Plutarque (2), en
porter dans les Temples. En effet avant Pfammeticus, les & Ofr.
Egyptiens n'en ufoient point du tout, & n'en offroient point
à leurs Dieux, croyant qu'il ne leur étoit pas agréable, puif-
qu'ils le regardoient comme le fang des Titans, qui mêlé
avec la terre, après que Jupiter les eur foudroyés, avoit
produit la vigne.

Quoiqu'il n'y eût point de temps marqué pour les Sacrifices particuliers, on obfervoit cependant très-religieufement dans les Sacrifices publics, de prendre le matin pour les Dieux celeftes, & le foir ou la nuit, pour les Dieux terreftres ou infernaux. Les Sacrifices faits en l'honneur de ces derniers, exigeoient des ceremonies qui leur étoient particulieres. On ne leur immoloit que des victimes noires; on faifoit une foffe pour en recevoir le fang, & on y jettoit le vin de la libation On brûloit la victime entiere comme dans les holocauftes, fans en referver rien pour le feftin; car il n'étoit pas permis de manger les viandes qui étoient offertes aux Dieux infernaux & aux Manes (3).

(2) De Ifid.

(3) Voyez (4) Des Sacr.

Enfin il eft bon de remarquer après Lucien (4), que Ifidore. les Sacrifices étoient differens felon la qualité des perfonnes. Le Laboureur, dit-il, immole un bœuf; le Berger, un agneau;

Tome I.

fi

le

(1) in Meff. (2) Ibid.

(3) Prep. Evang. 1. 3.

Chevrier, une chevre : il y en a qui n'offrent que de fimples gåteaux ou de l'encens ; & le pauvre fait fon facrifice en baifant fa main droite.

Remarquons encore que les Sacrifices étoient devenus fi communs, qu'on en offroit dans prefque toutes les occasions de la vie ; puifqu'outre ceux qui étoient prefcrits par les Rituels, les Generaux d'armée en offroient avant la bataille, ainfi qu'on le voit dans les anciens Auteurs, particulierement dans Paufanias (1): ceux qui vouloient fonder quelque ville, comme il paroît par le même Auteur (2): lorfqu'on vouloit entreprendre quelque voyage: dans les maladies, dans les affaires, après quelque fonge; enfin on n'entreprenoit rien de confiderable,fans avoir auparavant imploré le fecours des Dieux par cet acte de Religion.

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Eufebe rapporte (3) un paffage de Porphyre au fujet d'un Oracle d'Apollon, qui prefcrivoit la forme des Sacrifices. Il y a, difoit Porphyre, d'après un Oracle, des Dieux de la » terre & des Dieux des enfers. On leur offre des victimes à » quatre pieds, de couleur noire ; mais avec cette difference, que pour les Dieux terreftres, on prefente les victimes fur » des Autels, & pour les Dieux infernaux dans des foffes, » & dans des lieux creux. Aux Dieux de l'air on immole des oifeaux, dont on brûle tout le corps en holocaufte, & » dont on répand le fang autour de l'Autel. On offre auffi des volatiles aux Dieux marins, mais il faut qu'on jette la libation » dans les flots, & que les oifeaux foient de couleur noire ». D'ou l'on peut conclure qu'on offroit aux Dieux celeftes des oiseaux blancs, ainfi que des victimes blanches, comme je l'ai déja remarqué. Mais il faut obferver encore, 1°. qu'à Rome, lorsque la victime avoit quelques taches, on la blanchiffoit avec de la craye, & cette forte de victime s'appelloit, bos cretatus. 2°. qu'on offroit aux Dieux terreftres des bêtes à quatre pieds, pourvû qu'elles fuffent noires; comme devoit être le cochon qu'on immoloit à Cerès, parce que, comme le remarque le même Porphyre, la terre eft de couleur brune. 3°. enfin que comme les bandelettes dont on ornoit la tête des victimes offertes aux Dieux du ciel, devoient être blanches, celles dont on paroit les animaux destinés

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