Imágenes de páginas
PDF
EPUB

aux Sacrifices qu'on faifoit aux Dieux terreftres & infernaux devoient être noires (a).

Les Sacrifices ne fe faifoient pas toujours, comme on l'a remarqué, en immolant des animaux : fouvent on ne presentoit aux Dieux que des fruits & des plantes, comme à Pomone & à d'autres Divinités ; fouvent de la farine cuite, ou des gâteaux de farine de bled, ou d'orge. Les Grecs en offroient dans tous leurs Sacrifices, de quelque nature qu'ils fuffent. Homere nomme ces gâteaux ixxas; d'autres s'appelloient popana & prothymata, & ceux-ci étoient principalement of ferts à Efculape. Une autre forte de gâteau étoit nommé bos, le boeuf, parce qu'on y figuroit des cornes, & il étoit destiné à Jupiter celefte, à Apollon, à Diane, à Hecate & à la Lune. Il y en avoit d'autres qu'on nommoit melyta, parce qu'ils étoient pêtris avec du miel, & ceux-ci étoient offerts à Trophonius. Enfin, pour tout dire, il y avoit une autre forte de gâteau, qui fe nommoit Arifca, une autre appellée Hygica, qu'on offroit à la Déeffe de la santé.

A Rome c'étoit avec de la farine de bled & du fel, que fe faifoient ces gâteaux, qu'on nommoit Ador, & les Sacrifices qu'on en faifoit Adorea Sacrificia. Suivant la Loy de Romulus, ces gâteaux devoient être cuits au four; & il inftitua pour cela la Fête appellée Fornacalia ; d'où vint dans la suite la Déeffe Fornax.

Après que la victime étoit égorgée, il y avoit des Miniftres qui tenoient des vafes prêts pour en recevoir le fang, d'autres qui avoient à la main des inftrumens, ou pour l'écorcher, ou pour la couper en plufieurs morceaux. J'ai dit que l'Harufpice, le Flamine, ou le Prêtre examinoit les entrailles de la victime, Exta, pour en tirer des Augures favorables, il faut ajouter ici, 1°. que le cœur, le foye, le poulmon & la rate, étoient le principal fujet de leur attention: 2o. que c'étoit de l'infpection des entrailles, qu'étoit venue la maniere de deviner, qu'on nommoit Extifpicium: 3°. qu'on observoit auffi le mouvement de la queue, au moment que la victime

(a) Le mot latin cæruleus, dont on fe fert pour exprimer la couleur de ces bandelettes, eft fouvent pris par les meilleurs Auteurs, pour marquer le noir, quoiqu'il s'entende ordinairement du bleu foncé.

expiroit. Si elle fe tordoit, cela marquoit une entreprise dif ficile: lorfqu'elle fe tournoit en bas, on en auguroit une défaite; & fi elle s'élevoit en haut, c'étoit la marque d'un triomphe complet : 4°. qu'on tiroit encore des prefages fur la maniere dont l'encens petilloit en brûlant, ainfi que de la fumée & de fes differens mouvemens ou contours.

Lorfque le Sacrifice étoit fini, fi l'augure en étoit favorable, c'étoit alors un Sacrifice parfait, ce qu'on exprimoit par le feul mot Litare; car tous n'étoient pas agréables à la Di(1) Liv. 1o. vinité à laquelle on les offroit, comme le dit Martial (1), Ep. 73.

Non quacumque manu victima cæfa litat.

(2) In Pœn. Plaute dit aussi (2)

Si Hercule iftuc unquam factum eft, tum me

Jupiter faciat, ut femper facrificem, nunquam litem.

Si je fuis coupable de ce dont vous m'accufez, je confens que Jupiter ne reçoive favorablement aucun des Sacrifices que je lui offrirai.

Ainfi il n'y avoit point de veritable Sacrifice fans la Litation, s'il eft permis de rendre ce mot françois.

Tous les Affiftans étoient obligés de garder le filence pendant qu'on égorgeoit la victime, & qu'elle brûloit fur l'Autel : dans l'intervalle de ces deux operations, on pouvoit s'entretenir les uns avec les autres ; d'où étoit venu le proverbe, inter cafa & porrecta.

Lorfque le Prêtre alloit facrifier, un Heraut crioit devant lui, hoc age, foyez uniquement attentif à ce que vous allez faire. Et en Grece, lorfqu'il approchoit de l'Autel il demandoit ; Qui eft ici ? & les Affiftans répondoient : Plufieurs gens de bien. Alors le Prêtre prononçoit la formule, Loin d'ici tout fcelerat, que les Romains rendoient par ces mots: procul efte profani. On avoit fur-tout grand foin d'en chaffer les voleurs, les meurtriers, & tous les gens de mauvaise vie : mais cela n'étoit pas general, du moins dans la Grece, pour tous les Sacrifices.

p. 169.

Les Prêtres qui facrifioient avoient ordinairement la tête voilée; je dis ordinairement, parce qu'il y avoit des Sacrifices où ils devoient être tête nue. On n'eft pas trop d'accord fur cette diftinction ; cependant Fabretti (1) croit qu'on (1) Col. Trai, fe voiloit la tête pour facrifier aux douze grands Dieux, & qu'on facrifioit aux autres la tête découverte. Plutarque semble infinuer que le Prêtre ne fe couvroit la tête que lorsqu'il facrifioit aux Dieux celeftes, puifqu'il dit que celui qui offroit le Sacrifice à Saturne, avoit la tête nue, parce que c'étoit un des Dieux infernaux. Les bas-reliefs antiques qui reprefentent les Sacrifices, tels qu'on peut les voir dans le P. de Montfaucon (2) & ailleurs, n'autorifent gueres ces diftinc- (2) Ant. Expl, tions. On fçait feulement qu'en Grece, le Sacrificateur étoit toujours tête nue.

T. 2.

Le Prêtre, avant que de facrifier, devoit s'y préparer furtout par la continence, durant la nuit qui le précedoit, & par l'ablution; & c'eft pour cela qu'à l'entrée du Temple il y avoit ordinairement de l'eau, où il fe purifioit. Il paroît qu'anciennement on alloit fe laver dans quelque fleuve; du moins Virgile (3) fait dire à Enée prêt à offrir un Sacrifice, qu'il (3) En L. 2. ne facrifiera point avant que de s'être purifié dans l'eau d'un fleuve :

[blocks in formation]

Mais il eft bon de remarquer que cette ablution n'étoit requife que dans les Sacrifices qu'on offroit aux Dieux celeftes; l'afperfion étant fuffifante pour les Dieux terreftres & infernaux. On ne facrifioit jamais à Rome, qu'on n'eût commencé par adreffer une priere à Janus, par la raifon, dit Ovide, qu'il étoit gardien de la porte qui conduifoit aux autres Dieux. Cette priere étant finie, on en faifoit une feconde à Jupiter, puis une troifiéme à Junon, ou felon d'autres, à Vesta. Le Prêtre faifoit enfuite plufieurs fois le tour de l'Autel, & portoit la main à la bouche; puis il verfoit du vin fur le même Autel avec la patere: enfin il ordonnoit au Victimaire de frapper la victime; ce qu'il faifoit, ou avec le couteau nom mé Secefpita, ou il l'affommoit d'un coup de maillet.

I i iij

(1) loc. cit.

Hecatombes

(s) in Balb.

Le P. de Montfaucon (1) explique la plupart des Sacrifices qu'on trouve encore reprefentés fur des marbres, & fur des bas-relifs; ce qui me difpenfe d'en parler ici, d'autant plus que fes explications fuppofent les figures qu'on doit avoir devant les yeux; mais comme parmi le grand nombre de ces Sacrifices, il y en avoit de plus folemnels que les autres, tels que font l'Hecatombe, le Taurobole, le Criobole, & quelques autres, je crois qu'on attend de moi que j'en donne ici un détail abregé.

Dans les grandes victoires, ou dans le temps de quelque calamité publique, on immoloit quelquefois dans le même Sacrifice, jufqu'à cent boeufs, ou cent autres animaux ; c'est ce qu'on appelloit Hecatombe: quelquefois jufqu'à mille, ce qui étoit très-rare, & c'eft ce qu'on nommoit Chiliombe.

ככ

Capitolin (2) parlant de l'Hecatombe qui fut offerte par l'Empereur Balbin, après la defaite de Maximin, nous apprend en même temps de quelle maniere s'offroit cette forte de Sacrifice. » On dreffe en un lieu marqué cent Autels de » gazon, & on immole cent moutons & cent cochons; si »le Sacrifice eft Imperial, on immole cent lions, cent aigles, & cent autres animaux. Les Grecs, ajoute cet Au»teur, faifoient la même chofe lorfqu'ils étoient affligés de

[ocr errors]
[ocr errors]

la pefte. » Athenée ajoûte qu'on en ufoit de même après des victoires fignalées, & cite pour cela l'exemple de Conon, Capitaine Lacedemonien, qui offrit, dit-il, une vraie Hecatombe. Par ce mot de vraie Hecatombe, l'Auteur nous fait entendre que ce General fit immoler veritablement cent boucs, car quelquefois on donnoit ce nom à des Sacrifices, où les cent animaux étoient d'une autre efpece. Par le paffage de Capitolin, on peut refuter l'erreur de ceux qui foutiennent que l'Hecatombe étoit ainsi nommée, à caufe des cent boeufs ou taureaux qu'on y immoloit. Hefychius & plufieurs autres Auteurs, confirment ce que dit Capitolin, qu'on facrifioit dans les Hecatombes, d'autres animaux que des bœufs. Au refte ce Sacrifice étoit très-ancien, puisqu'il en eft fait men(3) Od. L. 1. tion dans Homere (3), qui dit que Neptune alla en Ethyopie recevoir le Sacrifice des Hecatombes de taureaux & d'agneaux. On fçait que Pythagore offrit une Hecatombe, pour

avoir trouvé la démonftration de la quarante-feptiéme propofi tion du premier Livre d'Euclide.

Nous ne devons pas oublier le Sacrifice d'Agrotere, où l'on immoloit cinq cens chevres tous les ans à Athenes, en l'honneur de Diane, furnommée Agrotere, foit de la ville Agros dans l'Attique, foit d'un furnom de cette Déeffe, qui lui fut donné, selon Rhodiginus, parce qu'elle étoit toujours dans les champs. Xenophon rapporte l'inftitution de ce Sacrifice, au vou que firent les Atheniens d'immoler à cette Déeffe autant de chevres, qu'ils auroient tué de Perfes; mais ils en firent un tel carnage, qu'il fut impoffible d'accomplir ce vœu à la lettre, ce qui les obligea à faire un Decret, par lequel ils s'engageoient d'immoler tous les ans cinq cens chevres en fon honneur; ce qu'ils continuoient encore du temps de cet Hiftorien.

Le Taurobole étoit un Sacrifice offert à la mere des Dieux. Ce Sacrifice ne paroît pas avoir éte connu dans les premiers temps du Paganisme, puifque la plus ancienne Infcription qui en faffe mention, & qui eft celle qui fut trouvée à Lyon en 1704. dans la Montagne de Fourviere, nous apprend que ce Taurobole fut offert fous le regne de l'Empereur Antonin, l'an de Jesus-Christ 160. Il ne finit auffi que fort tard; la derniere Infcription qu'on en connoiffe, eft de l'Empire de Valentinien III.

Comme perfonne n'a mieux expliqué les céremonies du Taurobole que M. de Bose, dans la Differtation qu'il fit fur l'Infcription de Lyon (1), j'y renvoye les Curieux, me contentant, pour en donner quelqu'idée, d'obferver que ce n'eft gueres que par les Infcriptions qu'on connoît cette forte de Sacrifices, les Anciens, du moins ceux qui nous reftent, gardant fur cet article un profond filence; fi on en excepte Julius Firmicus, Auteur chrétien, Prudence, & peut-être Lampridius, qui parlant d'Heliogabale, dit qu'il étoit fi dévot à Cybele,qu'il recevoit le fang des taureaux qu'on immoloit à cette Déeffe. Ce Sacrifice étoit offert à Cybele pour la confecration du Grand Prêtre, pour l'expiation des pechés, ou pour la fanté du Prince, ou de ceux qui l'offroient. C'étoit une espece de baptême de fang, dans lequel on croyoit

Taurobole

(1) Mem. de l'Ac. des Bel.

Lettr. T. 3.

« AnteriorContinuar »