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on a parlé, dans l'hiftoire que je vais raconter: c'eft à l'occa fion d'un jeune Neocore qui fe faifoit inftruire dans la Religion Chrétienne, mais qui ne put refufer d'accompagner le même Empereur dans un feftin, où il devoit faire la fonction de benir avec l'eau luftrale fes viandes qu'on fervoit dans le repas. Sur quoiTheodoret remarque, que quoique la fête que donnoit Julien dans le Faubourg de Daphné, aux habitans d'Antioche, dura plusieurs jours, le jeune Neocore, qui étoit debout auprès de cet Empereur, aprés avoir jetté l'eau luftrale fur les viandes, fe retira fecretement, & ne parut plus aux feftins des jours fuivans. Cet office devint très-considerable; car les Neocores, qui d'abord n'étoient chargés que d'emplois ferviles, furent dans la fuite des Miniftres fuperieurs, des fouverains Pontifes, qui facrifioient pour le falut de l'Empereur. On trouve fur les medailles, où le nom de Neocore eft fouvent employé, celui de Prytane qui leur étoit accordé quelquefois, avec celui d'Afgonothete, ou Distributeur des prix dans les Jeux publics. Les Villes mêmes, & celle d'Ephese fut la premiere, felon Van-Dale, prirent le nom de Neocores ; furquoi on peut confulter Vaillant, & les autres Antiquaires.

Avant que de parler du Sacerdoce des Romains, je dois dire quelque chofe des trois fortes de Prêtres, qui leur étoient communs avec les Grecs. Les premiers étoient ceux de Cybe le, les feconds ceux de Mithras, les troifiémes ceux des Orgies, ou des myfteres de Bacchus.

Rien n'eft plus célebre dans l'Antiquité, & en même-temps plus méprifable que les Prêtres de Cybele, qu'on nommoit Galles, ou Archigalles, d'un fleuve de Phrygie, appellé Gal lus. Van-Dale regarde ces Galles, & avec raifon, comme des coureurs, des bandits & des charlatans, qui alloient de ville en ville, jouant des cymbales & des crotales, portant fur leur fein de petites images de la mere des Dieux, pour ramaffer quelques aumônes; gens de la lie du peuple, felon Apulée; des fanatiques, des furieux, & d'une débauche infame. On convient avec ce fçavant Auteur, du portrait qu'il fait de ces Miniftres; mais on ne fçauroit être de fon avis, lorsqu'il dit que quoiqu'ils fuffent confacrés au fervice de Cybele, ils n'avoient pas la qualité de Prêtres, puifque leur Sacerdoce eft

une chose inconteftable. Pline, Apulée & Suidas, difent formellement qu'ils étoient Prêtres, & leur donnent ce titre; & Lucien (1) qui décrit la ceremonie de leur initiation, ne laiffe aucun lieu d'en douter.

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de Leg.

On ne fera pas étonné de voir dans Clement d'Alexandrie, dans Lactance, dans S. Jean Chryfoftome & dans S. Auguftin, le portrait qu'ils font de ces malheureux Prêtres, puifque les Auteurs profanes ont eu un égal mépris pour eux. Cependant la Loi avoit pourvû à leur fubfiftance, puifque felon Ciceron (2), (3) Liv. 2 elle marquoit les jours où il leur étoit permis de demander l'aumône, & pendant lefquels il étoit défendu à toute autre perfonne de mendier: Præter Idea matris famulos, eofque juftis diebus, ne quis ftipem cogito. Cette quête, autorisée par la Loi, fe faifoit apparemment chaque mois, puisqu'on avoit donné à ces Prêtres le nom de Menagyrtes & Metragyrtes; parce que c'é toit pour la mere des Dieux qu'ils recueilloient ces aumônes. On avoit ajouté à ces noms, par derifion, celui d'Agidies, comme qui diroit, faifeurs de tours de paffe-paffe, pour avoir de l'argent, joueurs de gobelets. Clement d'Alexandie ajoute aux qualifications qu'il donne à ces Galles, celle de Preftigiateur & de Devin, parce qu'ils fe mêloient en effet de prédire l'avenir. Ils étoient toujours accompagnés de vieilles femmes qui paffoient pour des forcieres. Plutarque (3) qui parle des (3) Dans fes vers qu'ils chantoient, dit qu'ils avoient rendu la Poëfie des morales. 407. Oracles fi méprisable, qu'ils avoient fait tomber les vrais Oracles du Trepié; c'est-à-dire, de Delphes. Ce même Auteur ajoute qu'ils rendoient leurs Oracles fur le champ, ou qu'ils les tiroient au fort dans certains Livres qu'ils portoient avec eux, & vendoient leurs miferables prédictions à des femmelettes, qui étoient charmées de la cadence de leurs vers.

A ce portrait des Galles nous devons ajouter ce que Lucien (4) nous apprend de la grande fête qui fe celebroit en (4) loco cit. Syrie, & de la fureur où jettoit l'initiation de ces miferables Miniftres. A cette fête, dit-il, fe rendent quantité de Galles, qui celebrent leurs myfteres. Ils fe tailladent les coudes, & se donnent mutuellement des coups de fouet fur le dos. La troupe qui les environne, joue de la flûte & du tympanon, pendant que d'autres faifis d'un enthousiasme divin, chantent

des chanfons qu'ils font fur le champ. C'eft ce jour-là, ajoute Lucien, qu'on fait des Galles. Comme le fon de la flûte infpire aux affiftans une efpece de fureur, le jeune homme qui doit être initié, jette ses habits, & faisant de grands cris, vient au milieu de la troupe, qui eft hors du Temple, degaîne fon épée, & fe fait Eunuque lui-même; puis courant par la ville, tenant à la main les marques de fa mutilation, il les jette dans une maifon, où il prend l'habit de femme. Cette mutilation fe faifoit ailleurs, felon Pline, avec les fragmens d'un pot de terre de Samos, & étoit par conféquent, & plus longue & plus douleureuse.

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On fçait que c'étoit en l'honneur d'Atys, favori de Cybele; que fe commettoit cette barbarie, dont il avoit lui-même donné l'exemple: mais tirons le rideau fur ces infamies, & difons un mot feulement du Grand-Prêtre de cette miferable troupe. Ce Chef fe nommoit l'Archigalle, & étoit ordinairement d'une famille confiderable; du moins lifons-nous dans Gruter une Infcription de l'Archigalle Camerius Crefcens, qui avoit à sa suite un grand nombre d'Efclaves & d'Affranchis. On trouve dans le premier Tome de l'Antiquité expliquée, la figure d'un Archigalle avec une longue tunique qui defcend jufqu'à terre, & pardeffus, un grand manteau retrouffé, avec un collier qui lui defcend fur la poitrine, fur laquelle font représentées, dans deux Medaillons, deux têtes d'Atys, fans barbe, avec le bonnet Phrygien: plus bas fe voit le frontifpice d'un Temple, à l'entrée duquel paroît la Déeffe Cybele, reconnoiffable aux tours & aux creneaux qu'elle porte fur la tête. Jupiter & Mercure qui font à côté d'elle, marquent qu'elle éroit la mere des Dieux. Cette figure, à laquelle il manque la tête, & qui appartenoit autrefois à M. Baudelot, eft, je crois, prefentement en Angleterre.

Outre ces Galles & ces Archigalles, Cybele avoit encore d'autres Prêtres qui n'étoient pas mutilés, & des Prêtreffes, dont on trouve les noms dans Gruter. On connoît parmi ces Prêtreffes une Dame, nommée Laberia Falicla, qui étoit la fouveraine Prêtreffe de la mere des Dieux; c'est-à-dire, qui préfidoit aux autres, comme l'Archigalle prefidoit aux Galles. Nous devons remarquer, que tous les Prêtres & Prêtresses

de la mere des Dieux, établis d'abord dans la Phrygie, s'étoient enfuite repandus dans la Grece, & dans l'Empire Romain, dès le temps-même de la Republique.

Je dirai peu de chofes des Prêtres de Mithras, dont le culte fut porté à Rome, fi nous en croyons Plutarque, du temps de Pompée, & plus tard, felon Van-Dale, parce que j'en parlerai au long dans l'hiftoire de ce Dieu (a). Il fuffit de fçavoir pour le prefent, que Mithras avoit un Miniftre qui fe nommoit le Pere des myfteres facrés; Pater facrorum, & des Prêtreffes qu'on appelloit, Matres facrorum ; que ces Prêtres étoient furnommés Lions, & les Prétreffes Hyenes, felon Porphyre: de-là étoient appellés Leontiques, les myfteres Mithriaques, & Patriques, à caufe des Peres qui y préfidoient; que d'autres Miniftres de ce Dieu étoient nommés Coraces, les corbeaux, ou Hierocoraces, corbeaux facrés; ou Heliaques, à cause du Soleil que Mithras repréfentoit. Enfin, que ceux qui vouloient étre initiés aux myfteres de ce Dieu, devoient paffer par expiations auffi longues, que douleureufes comme nous le dirons en fon lieu.

des

Enfin, comme les Grecs & les Romains célebroient également les grands myfteres de Bacchus, ou les Orgies, je dois mettre dans cette claffe commune, les Prêtres & les Prêtreffes qui y préfidoient; mais comme il en fera queftion dans l'hiftoire de ces myfteres, je me contenterai de dire ici me contenterai de dire ici que ces Minif tres portoient differens noms, puifqu'on trouve dans les Anciens, que les Bacchantes étoient appellées Baccha, Menades, Baffarides; Thyades, Mimallonides, Edonides, Elyades, Eleides; tous noms tirés ou de leur maniere de crier, ou de leur fureur. Mais il eft temps de parler des Prêtres des Ro

mains.

Romains.

La Ville de Rome n'ayant été d'abord qu'un affemblage de Prêtres des bandits & de fugitifs, que Romulus avoit ramaffés, ce Prince fongea peu à la Religion ; & cette Religion, empruntée des Albains & de quelques autres Peuples voifins, fut dans ces premiers temps très-fimple & très-unie. Des Temples & des Chapelles fans ornemens & fans Statues; car felon Plutarque il se passa 171. ans fans qu'on y en vît aucune; des Sacrifices

(a) Voyez l'Article des Divinités des Perfes.

offerts fans appareil, faifoient tout le ceremonial de cette Ville naiffante. Nous trouvons cependant dans Denys d'Hali(1) Liv. 2. carnaffe (1), que Romulus ayant divifé Rome en trente Curies, il avoit établi deux Prêtres pour chacune; ce qui faifoit en tout, foixante.

il

Numa Pompilius, plus appliqué aux affaires de la Religion qu'à celles de la guerre, fit plufieurs changemens dans la Hierarchie Romaine, ainfi que quelques-uns de fes Succeffeurs ; comme on peut le voir dans Tite-Live, dans Denys d'Halicarnaffe, & dans Dion. Voici ce qu'on en peut en peut dire de plus affûré. Les Prêtres établis par Romulus, devoient avoir au moins 50. ans, être diftingués par leurs mœurs, par leur naiffance, & avoir de quoi s'entretenir honorablement, & être fans aucun défaut corporel : tant il eft vrai que même dans les Religions les plus groffieres, on a toujours obfervé de n'admettre pour Miniftres, & de n'offrir pour Victimes, que ce qu'il y avoit de plus parfait, & de plus propre à honorer la Divinité. Comme dans le miniftere de ces Prêtres, y avoit des chofes qui ne pouvoient être exercées que par des perfonnes du fexe, & d'autres où il falloit en être aidé, c'étoient les femmes mêmes & les enfans de ces Prêtres, qui étoient chargés de ces fonctions. D'abord les feuls Patrices exerçoient le Sacerdoce, mais le Peuple piqué de cette preference, eut le credit de partager le Sacerdoce avec le Senat, & même de fe faire transferer, fous le Tribunat de Cn. Domitius, le privilege qui étoit auparavant refervé au College des Patrices, d'élire les Prêtres; ce qui fut encore changé une fois, & il fut établi que le College éliroit, & que le Peuple confirmeroit l'élection. Enfin, après quelques autres variations, qu'il feroit inutile de rapporter, les Empereurs s'arrogerent le droit d'élire les Prêtres, & devinrent eux-mêmes les Souverains Pontifes; ce qui commença à Jules Cefar. Lorsque l'élection des Prêtres, faite par le College qui avoit ce droit, étoit confirmée par le Peuple, on procedoit à l'inauguration, qui étoit comme une prife de poffeffion, faite avec ceremonie, & qui fe terminoit par un repas que donnoient les nouveaux Prêtres. Dès ce moment ils prenoient la Toge, qui fe nommoit Toga pretexta, & l'ornement de tête, appellé

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