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pas égaux. A Delphes, il n'y avoit d'abord qu'un mois de l'année, où la Pythie repondit à ceux qui venoient confulter Apollon. Dans la suite, ce fut un jour de chaque mois que ce Dieu rendoit ses Oracles. Tous ces Oracles ne se rendoient pas de la même maniere: ici c'étoit la Prêtresse qui repondoit pour le Dieu que l'on consultoit; là c'étoit le Dieu lui-même qui rendoit l'Oracle: dans un autre endroit, on recevoit la reponse du Dieu pendant le sommeil, & ce sommeil même étoit préparé par des dispositions particulieres, qui avoient quelque chose de mysterieux. Quelquefois c'étoit par des billets cachetés; dans d'autres endroits enfin, on recevoit l'Oracle en jettant des Sorts, comme à Preneste en Italie. Il falloit quelquefois pour se rendre digne de l'Oracle, beaucoup de préparations; des jeûnes, par exemple, des Sacrifices, des Luftrations, &c. D'autres fois on cherchoit moins de façons, & le Consultant recevoit la reponse en arrivant à l'Oracle; comme Alexandre, lorsqu'il alla dans la Libye pour consulter celui de Jupiter Ammon, puisque le Prêtre en le voyant l'appella fils de Jupiter; ce qui étoit le but de son voyage. Mais il est temps de passer à l'histoire particuliere des Oracles les plus celebres: & comme ceux de Dodone & de Jupiter Ammon étoient les plus anciens, c'est par l'histoire de ces deux Oracles que je dois commencer.

ARTICLE PREMIER.

L'Oracle de Dodone.

Au rapport d'Herodote, l'Oracle de Dodone, le plus ancien de la Grece, & celui de Jupiter Ammon dans la Libye, ont la même origine, & doivent l'un & l'autre leur établissement aux Egyptiens, comme toutes les autres Antiquités de la Grece. Voici l'enveloppe sous laquelle on a caché ce trait d'Histoire. Deux colombes, disoit-on, s'étant envolées de Thebes en Egypte, il y en eut une qui alla dans la Libye, & l'autre ayant volé jusqu'à la Forêt de Dodone dans la Chaonie, Province de l'Epire, s'y arrêta; & apprit aux habitans du pays, que l'intention de Jupiter étoit qu'il y eût un Oracle en ce lieu-là. Ce prodige étonna ceux qui en furent les té

V. 468.

moins, & l'Oracle étant établi, il y eut bien-tôt un_grand nombre de Consultans. Servius (1) ajoute que c'étoit Jupiter (1) In 3. Æn. qui avoit donné à sa fille Thebé ces deux colombes, & qu'elles avoient le don de la parole. Herodote (2), qui a bien jugé (2) Liv. 1. que cette fiction renfermoit l'évenement qui donna lieu à l'établissement de cet Oracle, en a recherché le fondement historique. Deux Prêtresses de Thebes, dit cet Auteur, furent autrefois enlevées par des Marchands Pheniciens : celle qui fut vendue en Grece, établit sa demeure dans la Forêt de Dodone, où l'on alloit alors cueillir le gland qui servoit de nourriture aux anciens Grecs, & elle fit construire une petite Chapelle au pied d'un chêne, en l'honneur de Jupiter, dont elle avoit été Prêtresse à Thebes; & ce fut là que s'établit cet ancien Oracle, si fameux dans la suite. Ce même Auteur ajoute, qu'on nomma cette femme, la Colombe, parce qu'on n'entendoit pas son langage; mais comme on vint à le comprendre quelque temps après, on publia que la Colombe avoit parlé.

Souvent pour expliquer les anciennes fables, les Grecs qui n'entendoient pas la langue des Peuples de l'Orient, d'où elles leur étoient venues, en ont debité de nouvelles. Le sçavant Bochart a cru trouver l'origine de celle dont il s'agit, dans l'équivoque de deux mots Pheniciens ou Arabes, dont l'un signifie colombe, & l'autre, Prêtresse. Les Grecs toujours portés au merveilleux, au lieu de dire qu'une Prêtresse de Jupiter avoit declaré la volonté de ce Dieu, dirent que c'étoit une colombe qui avoit parlé. Quelque vrai-semblable que soit la conjecture de ce sçavant homme, M. l'Abbé Sallier en a proposé une qui paroît l'être davantage (a), & il prétend que cette fable est fondée sur la double signification du mot πελειαι, lequel signifioit des colombes dans l'Attique & dans plusieurs autres Provinces de la Grece, pendant que dans la Dialecte de l'Epire, il vouloit dire de vieilles femmes. Servius, qui avoit bien compris le sens de cette fable, ne s'est trompé en l'expliquant, que parce qu'il a changé le nom appellatif de Peleias, en un nom propre. >> Il y avoit, dit-il, dans la Forêt > de Dodone une fontaine qui couloit avec un doux mur(a) Voyez les Memoires de l'Academie des Belles-Lettres T. 5. p. 35.

(1) Liv. 1.

(2) Tome. 3.

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mure au pied d'un chêne : une vieille femme nommée Pelias interprétoit ce bruit, & annonçoit sur ce murmure l'avenir, à ceux qui venoient la consulter (a) ».

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C'est par la double signification du même mot, qu'on doit repondre à la question que Ptolomée Ephestion (1) dit qu'Alexandre proposa à fon maître Ariftote: pourquoi il étoit dit dans Homere que des πελειαι fournissoient l'Ambrofie à Jupiter; car ce Philosophe auroit fatisfait à cette question, en disant que, par ce mot, le Poëte avoit voulu parler, non pas des colombes, mais des Prêtresses de ce Dieu, qui préparoient les mets des Sacrifices qu'on lui offroit.

Anciennement l'Oracle de Dodone fe rendit sur le murmure de la fontaine dont je viens de parler, mais il paroît que dans la suite on y chercha plus de façons ; & voici l'artifice dont on s'avifa. On avoit suspendu en l'air (b) quelques chaudrons de cuivre, auprès d'une Statue de même metal aussi suspendue, & qui tenoit un foüet à la main. Le vent venant à ébranler cette figure, elle frappoit le chaudron qui étoit le plus proche & le mettoit en mouvement; tous les autres étoient ébranlés & rendoient un son qui duroit affez longtemps; & c'étoit fur ce bruit qu'on annonçoit l'avenir. C'est de là même que la Forêt de Dodone avoit pris fon nom, car Dodo, en hebreu, veut dire un chaudron. Que fi on me demande pourquoi on publioit que c'étoient les chênes de ce Bois qui rendoient eux-mêmes les Oracles; je repondrai que ce qui a donné lieu à cette fable, c'est que les Ministres de cet Oracle se tenoient cachés dans le creux des chênes, lorsqu'ils rendoient leurs réponfes. C'est encore, pour le dire en passant, de ces chênes parlants que tire son origine la fable de la Poutre de la Navire d'Argo, coupée dans la Forêt de Dodone, laquelle, suivant Onomacrite, Apollonius de Rhodes, & Valerius Flaccus, rendoit des Oracles aux Argonautes, comme on le verra dans l'histoire de l'expedition de ces Heros (2).

(a) Quæ murmura anus, nomine Pelias, interpretata hominibus differebat. Servius in 3. Æn. v. 466. (b) Suidas sur l'autorité de Strabon, ou plûtôt celui qui en a fait l'Epitome, en cet endroit, qui manque dans l'original.

(1) au mot

Suidas (1) parlant des chênes de cette Forêt, dit qu'ils par-Do) au loient, & repondoient aux confultans, Jupiter dit ceci, &c. Van-Dale dans son Histoire des Oracles (2), après avoir re- (2) 201. & marqué que Suidas n'a fait que copier Euftathe, rapporte le suiv. sentiment d'Ariftote & de plusieurs autres Auteurs, & ne manque pas d'observer combien il y a de varieté dans ce que les Anciens disent de cet Oracle : varieté qu'on doit attribuer sans doute au soin qu'on prenoit de n'en pas laisser approcher de trop près, ceux qui venoient le confulter, & qui entendoient bien un certain bruit, mais fans pouvoir deviner au juste ce qui le causoit.

Quoiqu'il en soit, lorsque le son des chaudrons étoit fini, des femmes qu'on nommoit Dodonides, rendoient leurs Oracles (a), ou en vers, comme il paroît par le Recueil qui en a été fait; ou par les Sorts, comme semble le croire Ciceron dans ses Livres de la Divination.

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Ce que j'ai rapporté d'Herodote au commencement de l'Article précedent, prouve que l'Oracle de Jupiter Ammon dans la Libye, étoit aussi ancien que celui de Dodone, dont on vient de voir l'histoire. Il devint aussi très-celebre, & on venoit le confulter de toutes parts, malgré les incommodités d'un fi long voyage, & les sables brûlans de la Libye, qu'il falloit traverser. On ne sçait pas trop que penser de la fidelité des Prêtres qui le servoient. Quelquefois ils étoient incorruptibles, comme il paroît par l'accufation qu'ils vinrent former à Sparte, contre Lysander qui avoit voulu les corrompre, dans la grande affaire qu'il méditoit pour changer l'ordre de la succession Royale; quelquefois il n'étoient pas fi difficiles, comme il paroît par l'histoire d'Alexandre, lequel pour mettre à couvert la reputation de fa mere, ou par pure vanité, vouloit passer pour fils de Jupiter; puisque le Prêtre de ce Dieu, ainsi qu'on l'a dit, alla au-devant de lui, & le falua comme fils du Maître des Dieux.

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(4) Voyez Plutarque sur les Oracles qui ont ceffé.

Nous apprenons de Quinte-Curce & d'autres Auteurs anciens, que la Statue de Jupiter Ammon avoit la tête d'un be

(1) Liv. 17. lier, avec ses cornes; & de Diodore de Sicile (1), la maniere dont ce Dieu rendoit fes Oracles, lorsque quelqu'un venoit le confulter. Quatre-vingt Prêtres de ce Dieu portoient fur leurs épaules dans un Navire doré, sa Statue, qui étoit couverte de pierres précieuses ; & alloient ainsi, sans tenir de route certaine, où ils croyoient que le Dieu les poussoit. Une troupe de Dames & de filles accompagnoient cette proceffion, chantant des hymnes en l'honneur de Jupiter. Quinte-Curce, qui

C. 7.

(2) Liv. 4. dit la même chose (2), ajoute que le Navire, ou la niche fur laquelle on portoit la Statue de ce Dieu, étoit ornée d'un grand nombre de Pateres d'argent qui pendoient des deux côtés. C'étoit apparemment sur quelque signe ou sur quelque mouvement de la Statue, que les Prêtres annonçoient les deci

(3) Liv. 17. sions de leur Ammon : car, comme le remarque Strabon (3), fur l'autorité de Callifthene, les reponses de ce Dieu n'étoient point des paroles, comme à Delphes, & chez les Branchides, mais un signe ; & il cite à cette occasion, les vers d'Homere où le Poëte dit : Jupiter donna de ses sourcils un signe de confentement.

L'Oracle

Heliopolis.

1. С. 23.

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Je mets ici l'Oracle d'Apollon dans la ville d'Heliopolis en d'Apollon à Egypte, parce qu'au rapport de Macrobe (4), ce Dieu ren(4) Sat. Liv. doit fes reponses de même que Jupiter Ammon. » On porte, dit cet Auteur, la Statue de ce Dieu, de la même maniere » qu'on porte celles des Dieux dans la pompe des Jeux du * Cirque. Les Prêtres accompagnés des principaux du pays, » qui assistent à cette ceremonie, la tête rasée, & après une > longue continence, n'avancent pas selon qu'ils pourroient le vouloir, mais selon le mouvement que le Dieu qu'ils portent leur donne, par des mouvemens semblables à ceux des Sorts ou des Fortunes d'Antium ». C'étoit apparemment L'Oracle de sur les mêmes mouvemens de la Statue de Jupiter Phlius, que Phlius. les Prêtres annonçoient les Oracles, comme on peut le voir (5) Hiftoire dans Eufebe (5), & dans Ruffin.

Jupiter

Ecclef. L. 9.

c. 3.

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20

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