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Temple ou dans le chemin, il n'y avoit aucune interprétarion favorable pour Serapis.

Lorfque Trajan eut formé le deffein d'aller attaquer les Parthes, on lui confeilla de confulter l'Oracle de la ville d'Heliopolis, auquel il fuffifoit d'envoyer un billet cacheté : ce Prince qui ne fe fioit guere aux Oracles, y envoya un billet blanc ; & on lui en renvoya un femblable. Voilà Trajan convaincu de la divinité de l'Oracle. Il renvoye au Dieu un fecond billet, par lequel il lui demandoit, s'il retourneroit à Rome après avoir terminé la guerre qu'il avoit deffein d'entreprendre. Le Dieu, au rapport de Macrobe qui conte cette hiftoire, ordonna que l'on prît une vigne, qui étoit parmi les offrandes de fon Temple, qu'on la mît en morceaux, & & qu'on la portât à Trajan. L'évenement juftifia l'Oracle, car cet Empereur étant mort dans cette guerre, on apporta à Rome fes os, qui avoient été reprefentés par cette vigne rompue. Comme les Prêtres de cet Oracle fçavoient avec toute la terre, le deffein de Trajan, ils imaginerent heureusement cette réponse, qui ne pouvoit manquer, quoiqu'il arrivât, de recevoir une interprétation favorable, foit qu'il eût vaincu ou divifé les Parthes; foit que fon armée eût été défaite & féparée, &c.

Mais parmi les réponses des Oracles, il y en avoit quelques-unes de fingulieres. Crefus qui n'étoit pas content de celui de Delphes, quoiqu'il l'eût comblé de prefens, comme nous l'apprenons d'Herodote, envoya à deffein de le furprendre, demander à la Pythie, ce qu'il faifoit dans le temps même que fon Envoyé la confultoit. Elle lui répondit qu'il faifoit cuire alors un agneau avec une tortue; ce qui étoit vrai. Crefus qui avoit imaginé ce bizarre ragoût, dans l'efperance qu'on ne devineroit jamais ce qu'il n'avoit revelé à perfonne, & ce qui en même temps n'étoit pas de nature à être deviné, fut frappé de cette réponse: augmentation de crédulité & de prefens; mais comme ce fait eft très - fingulier, & qu'il renferme encore d'autres circonftances, je vais rapporter ce qu'en dit Herodote (1). « Crefus (1) Herod, » voyant que la puiffance des Perfes augmentoit de jour liv. 1. en jour par la valeur de Cyrus, fongea à fe mettre en

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état de la renverfer. Avant que de rien entreprendre il envoya confulter les Oracles de la Grece, & de l'Afri» que. Ainfi il nomma des Députés pour Delphes, pour Do» done, d'autres pour pour l'Oracle d'Amphiaraus, pour celui de Trophonius, & pour celui des Branchides, qui étoit fur les frontieres des Milefiens. Il en dépêcha en Afrique pour ⚫ aller à l'Oracle de Jupiter Ammon. Cette premiere démar» che n'étoit que pour fonder les Oracles; & fuppofé qu'ils répondiffent quelque chofe de vrai, il fe propofoit d'y envoyer une feconde fois, pour apprendre d'eux s'il s'engageroit dans l'entreprise qu'il meditoit contre les Perfes. Il → commanda à ces Envoyés d'observer exactement le temps qui fe feroit écoulé depuis leur départ de Sardes, & de » demander lorfqu'ils les confulteroient, ce que faifoit Crefus ce jour-là. On ne dit point ce que répondirent les autres »Oracles; mais quand ils furent arrivés à Delphes, à peine » étoient-ils entrés dans le Temple, que la Pythie leur dit en

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vers héroïques, qu'elle connoiffoit l'efpace immense de la » mer, qu'elle fçavoit comme les Dieux le nombre des grains de fable qu'elle contient, qu'elle entendoit parler celui qui > ne parle jamais, que rien ne lui étoit caché; & qu'actuellement elle voyoit que dans un lieu éloigné on faifoit cuire dans un pot de cuivre, avec un couvercle de même metal, de la chair d'agneau mêlée avec de la chair de tortue. Lorf» que les Députés envoyés aux autres Oracles, arriverent, Crefus examina avec grand foin les réponfes qu'ils apportoient, & n'en fit aucun cas, fi ce n'eft de celle d'Amphiaraus (fur laquelle notre Auteur ne nous donne aucun éclairciffement;) mais lorfque les Députés de Delphes arriverent, ce Prince fut frappé d'étonnement en apprenant la réponse de l'Oracle, & le regarda comme le plus infail lible de tous ».

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Un Gouverneur de Cilicie,obfedé d'Epicuriens qui tâchoient de lui infpirer du mepris pour les Oracles, refolut, comme le dit agreablement Plutarque, d'envoyer un Efpion chez les Dieux. Il lui donna un billet bien cacheté, pour le porter à Malles, où étoit l'Oracle de Mopfus. Cet Envoyé coucha dans le Temple, & vit un homme fort bien fait, qui lui dit,

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Noir. Il porta au Gouverneur cette réponse, qui parut ridicule aux Epicuriens, à qui il la communiqua; mais lui, il en fut frappé d'étonnement, & en ouvrant le billet, il leur montra ces mots qu'il y avoit écrits: T'immolerai-je un bœuf blanc, ou noir?

Quelquefois les réponses des Oracles n'étoient qu'une fim-' ple plaifanterie; témoin celle qui fut faite à un homme qui venoit demander, par quel moyen il pourroit devenir riche. Le Dieu lui répondit qu'il n'avoit qu'à poffeder tout ce qui étoit entre les Villes de Sicyone & de Corinthe. Et celle de ce Gouteux, à qui l'Oracle répondit que pour guerir, il n'avoit qu'à boire de l'eau froide.

Finiffons cet article par une réponse, que rapporte Stra

bon (1), & qui fut bien funefte à la Prêtrefle de Dodone (1) Strab. qui l'avoit rendue. Pendant la guerre des Thraces contre les pag. 177. Béotiens, ces derniers allerent confulter l'Oracle de Dodone, & la Prêtreffe leur répondit qu'ils auroient un heureux fuccès, s'ils en agiffoient en impies. Les Envoyés des Béotiens perfuadés que la Prêtreffe vouloit les tromper, pour favorifer les Pelafges dont elle defcendoit, & qui étoient Alliés des Thraces, prirent cette femme, & la firent brûler vive, difant que de quelque maniere qu'on tournât cette action, elle ne pouvoit qu'être touvée jufte. En effet, fi la Prêtreffe avoit eu deffein de les tromper, elle étoit punie de fa fourberie: fi elle avoit parlé fincerement, ils n'avoient fait qu'executer l'Oracle à la Lettre. On ne fe paya pas de cette raison, on fe faifit des Envoyés; mais comme on n'ofoit pas les punir, fans les avoir jugés auparavant, on les conduifit devant les deux Prêtreffes qui reftoient; car il devoit y en avoir trois alors à cet Oracle, felon le recit de Strabon. Les Deputés ayant reclamé contre cette conduite, on leur accorda deux hommes, pour les juger avec les Prêtreffes. Celles-ci ne manquerent pas de les condamner; mais les deux Juges leur furent plus favorables. Ainfi les voix étant partagées, ils furent abfous.

Remarquons en finiffant que comme les Prêtres tournoient en vers ce que la Pythie avoit dit dans fa fureur, ils en faifoient fouvent de fort mauvais. Les Epicuriens fur-tout s'en

mocquoient ouvertement, & difoient dans leurs railleries; qu'il étoit bien étonnant qu'Apollon, le Dieu de la Poëfie, füt bien plus mauvais Poëte qu'Homere, qu'il avoit infpiré lui-même. Souvent même les Poëtes étoient obligés, n'efperant pas faire fi bien, de fe fervir de ce fameux Poëte. Ce furent fans doute les railleries de ces Philofophes, & plus particulierement encore celles des Cyniques, & des Peripateticiens, qui obligerent les Prêtres à ne plus mettre en vers les réponfes de la Pythie, ce qui fut, felon Plutarque, une des principales caufes de la décadence de l'Oracle de Delphes.

CHAPITRE II.
Hiftoire des Sibylles.

U Chapitre des Oracles je dois joindre celui des Sibyl-
fur-tout

les, dont les prédictions étoient, fur tout pour les Ro

mains, une espece d'Oracle permanent, qu'ils confultoient dans toutes les occasions où la Republique étoit menacée de quelque malheur.

On ne s'attend pas fans doute que je m'étende beaucoup fur un fujet déja traité à fond par plufieurs Sçavans; mais comme cette Mythologie doit être à l'ufage de tout le monde, & que fouvent on n'eft pas en état de confulter des Livres où l'Hebreu & le Grec fe trouvent entaffés fans ménagement, je ne fçaurois me difpenfer d'en dire du moins ce qu'on ne doit pas ignorer, renvoyant ceux qui voudroient approfondir davantage la matiere, aux fçavantes Differtations de Gallæus (1); au Traité qu'en a fait M. Petit (2), Medecin de Paris; à Van-Dale, à Thomas Hyde (3) & en particulier à Lactance, qui nous a confervé sur les Sibylles l'ancienne tratit. de Sibylla. dition qu'il avoit puisée dans les Ouvrages de Varron.

(1) Ser.

Gallei Differt.

de Sibyll.

Amft. 1688.

in quarto.
(2) Pet. Pe-

Lip. 1686. in

octavo.

Pour rendre plus methodique ce que j'ai à dire dans ce (3) De Reli. Chapitre, je le divife en plufieurs Articles. J'examinerai, 1°. S'il eft vrai qu'il y ait eu des Sibylles. 2°. Combien il y en a eu. 3°. Sur quel fondement les Anciens ont cru qu'elles

Vet. Perf

avoient le don de prédire l'avenir. 4°. De quelle maniere on avoit eu le Recueil de leurs préditions. 5. Comment elles annonçoient leurs Oracles. 6°. Enfin, fi on les a regardées comme des Divinités, & quel culte on leur a rendu.

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LES Anciens donnerent le nom de Sibylles à un certain nombre de filles qu'ils croyoient avoir été douées du don de prédire l'avenir : foit que ce nom füt hebreu d'origine, comme l'ont prétendu Delrio, Peucerus, Neander, & quelques autres; ou latin, ainfi que le dit Suidas; ou Afriçain, comme le veut Paufanias (1); ou enfin Grec, comme (1) In Phoc l'affurent la plupart des Sçavans. C'est ainsi qu'en a penfé Diodore, qui dérive ce nom d'un mot, qui dans la langue Grecque, fignific infpiré, enthousiaste (a), parce qu'effectivement on étoit perfuadé que les Sibylles étoient infpirées par les Dieux: mais de tous ceux qni ont cherché l'étymologie de ce nom, Lactance eft celui dont le fentiment eft le plus generalement fuivi. Ce fçavant Auteur dit qu'il fignifie Confeil de Dieu : Omnes (fœminæ vates) Sibyllæ funt à veteribus nuncupatæ, vel ab unius Delphidis nomine, vel à confiliis Deorum enunciandis Ziss enim, Deos, non es, & confilium, non ßxxv, fed Burn, appellabant Eolico fermonis genere ; itaque inde Sibyllam dictam, efe Συβολήν, (confilium Dei )

Quoiqu'il en foit, toute l'Antiquité conspire à établir l'exiftence de ces fortes de perfonnes; & fi l'on ne trouve point de tradition conftante fur leur nombre, & qu'au contraire on varie beaucoup fur cet article, ainsi qu'on le verra dans la fuite, il n'en eft pas moins vrai qu'il y en a eu. On difpute fur leur nombre, fur leur pays, fur le temps auquel elles ont vêcu, &c. mais ces difputes-là même, prouvent qu'on a fuppofé leur existence; ainfi on ne fçauroit la nier fans renverfer ce que l'Antiquité a de plus certain, & fans contredire en même-temps plufieurs Peres des premiers fiécles, qui ont fuivi le fentiment unanime des Anciens. Je n'ai pas deffein de (a) Voyez ci-deffous la traduction du paffage de cet Auteur.

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