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(1) In Phæd.

rapporter tous les témoignages qu'on pourroit raffembler pour prouver cetre verité; mais auffi je ne dois pas efperer qu'on m'en croira fur ma parole.

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Platon (1), à l'occafion de cette forte de fureur dont quelques perfonnes font faifies, & qui les met en état de connoître l'avenir, après avoir fait mention de la Prêtreffe de Delphes, & de celles de Dodone, ajoute : Si nous voulions parler de la Sibylle, & des autres perfonnes qui ont été faifies de la » même fureur, nous perdrions notre temps & nos peines. (2) Prob. Ariftote (2) recherche quelle peut avoir été la cause qui ren30. Quæft. 1. doit les Sibylles capables de connoître l'avenir; & dès-là il (3) Liv. 4. fuppofe leur exiftence. Diodore de Sicile (3) est entré à ce sujet dans un plus grand d'étail, à l'occafion de Daphné fille

I.

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de Tirefias, que les Epigones pour fatisfaire à leur vou, envoyerent à Delphes, après la prife de Thebes. « Cette fille, dit cet Auteur, n'étoit pas moins fçavante que fon pere dans l'art de la divination, & elle y fit de très-grands progrès, après qu'elle eut été transportée à Delphes. Comme elle étoit douée d'un efprit merveilleux, elle écrivit un grand » nombre d'Oracles de plufieurs manieres differentes les unes » des autres. On dit que le Poëte Homere s'eft approprié plufieurs vers de Daphné, & qu'il s'en étoit fervi pour orner fes Poëmes. Comme cette fille étoit fouvent éprise d'une fureur divine, en rendant fes réponses, on lui donna le nom de Sibylle; qui dans la langue du pays fignifioit enthousiaste. (4) Liv. 14. Strabon (4) fait mention de la Sibylle Erythrée, & d'une autre qui, felon lui, vivoit du temps d'Alexandre, & qu'on nommoit Athenaïs ; & ce même Auteur prétend dans un au(5) Liv.16. tre endroit (5), qu'il y en avoit eu une plus ancienne. Plutardans l'Opufcule où il recherche la caufe de la ceffation des Oracles, parle fort au long des Sibylles; & pour fermer la bouche à ceux qui n'ajoutoient pas foi à leurs Oracles, rapporte plufieurs exemples de prifes de villes, de guerres, d'irruptions de Barbares, de migrations de differens Peuples, & plufieurs autres évenemens remarquables, qui étoient arrivés de la maniere dont elle les avoient prédits. Elien (6) parle de quatre de ces Sibylles, comme nous le dirons dans (7) In Phoc. l'Article fuivant. Paufanias (7) fait la discription du Rocher où

(6) Hiftor. Var. liv. 12.

que

habitoit

habitoit & où rendoit fes Oracles la Sibylle Erophile, qui vivoit avant le Siege de Troye, quoique, felon lui, elle ne fût pas la plus ancienne de toutes. Ĉe même Auteur parle du Tombeau de cette Sibylle, & rapporte fon Epitaphe & quelques uns de fes Oracles (a). Stephanus, à l'article de Ger gis, ville de la Troade, dit fur l'autorité de Phlegon, que la Sibylle qui y étoit née, s'appelloit Gergithie, & que le peuple de cette ville la reprefentoit fur fes monnoyes avec un Sphinx Ariftophane, dans fa Comedie des Oifeaux, nomme trois Sibylles, dont l'une étoit fœur d'Apollon, l'autre étoit Erythréenne, & la troifiéme originaire de Sardes.

A ces temoignages je pourrois joindre celui de Varron, le plus fçavant des Romains, qui non feulement nomme dix Sibylles, mais qui cite en même temps les Auteurs anciens qui en avoient parlé, mais je reserve ce qu'il en dit pour l'article fuivant; celui de Ciceron qui fait mention des Sibylles dans fes Livres de la Divination; celui de Virgile, qui dit des chofes fi curieuses fur la Sibylle de Cumes; ceux de Pline, de Solin, du Philofophe Hermias, de Procope, d'Agathias, de Jamblique, d'Ammian Marcellin, de Juftin, & d'une infinité d'autres. J'y ajouterois ce que S. Juftin, martyr, Lactance, S. Jerôme, S. Auguftin, & d'autres Peres de l'Eglife en ont dit ; & je terminerois l'Hiftoire de cette tradition, par l'autorité de tous les Sçavans que j'ai cités au commencement de ce Chapitre. Il eft donc conftant, & on ne fçauroit le nier, qu'il y a eu en differens temps, & dans des lieux differens, des perfonnes aufquelles on a crû que les Dieux avoient accordé le don de connoître & de prédire l'avenir, & qui ont porté le nom de Sibylles.

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Si les Anciens font d'accord fur l'existence des Sibylles, il s'en faut bien qu'ils le foient fur leur nombre. La cause de leur incertitude fur ce fujet, c'eft qu'une même Sibylle voya

(a) On rapportera dans le dernier article le Paffage entier de cet Autcur. Vu

Tome I.

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Rel. L. 1.c.6.

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geoit en plufieurs pays, & qu'après avoir demeuré quelque temps dans un lieu, & y avoir rendu des Oracles, elle paffoit dans un autre : fouvent même on donnoit differens noms à la même, tantôt celui de fon pays, quelquefois celui des lieux où elle avoit fejourné. Cependant le fentiment le plus generalement reçu, eft celui de Varron, rapporté par Lactance; (1)De fall. & voici ce qu'en dit ce fçavant Pere de l'Eglife (1). » Varron, » dans les Livres qu'il compofa fur les chofes divines, & qu'il dedia à C. Cefar, Souverain Pontife, lorfqu'il eft arrivé à l'article des Quindecimvirs qui avoient la garde des Livres Sibyllins, dit que ces Livres n'étoient pas l'Ouvrage d'une feule Sibylle, mais de dix; car il y en avoit tout » autant. Enfuite il les nomme les unes après les autres, avec les Auteurs qui en avoient parlé avant lui. La premiere, dit-il, & la plus ancienne, étoit originaire de Perfe, ainsi qu'on l'apprend de Nicanor, celui-là-même qui avoit écrit l'Hiftoire d'Alexandre de Macedoine. La feconde étoit née - dans la Libye, & Euripide en fait mention dans le Prologue de fa Tragedie, intitulée Lamia. La troifiéme étoit de Delphes, comme on l'apprend dans le Livre de la Divination, compofé par Chryfippe. La quatriéme avoit pris naiffance chez les Cimmeriens d'Italie; Nævius en parle dans fon Hiftoire de la guerre Punique, & Pifon dans fes Annales. La cinquième étoit d'Erythrée, felon Apollodore qui étoit du même pays: celle-ci prédit aux Grecs qui alloient affieger Troye, l'heureux fuccès de leur entre prise, & en même temps, qu'Homere débiteroit un jour » bien des menfonges à ce fujet. La fixième étoit de Samos, & fon histoire fe trouvoit dans les plus anciennes Annales des Samiens, comme on l'apprend d'Heratofthene. La septiéme, née à Cumes, fe nommoit Amalthée, felon quelques Auteurs, & felon d'autres, Demophile, ou Herophile: ce fut celle-là qui offrit à Tarquin l'ancien, un Recueil de vers Sibyllins, en neuf Livres. La huitiéme étoit l'Hellefpontine, née à Marpese près de la ville de Gergis, dans la Troade: Heraclide de Pont difoit le-ci avoit vêcu du temps de Cyrus & de Solon. La neu» viéme, auffi Phrygienne d'origine, rendoit fes Oracles à

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Ancyre, où elle faifoit fon fejour. La dixiéme enfin, nommée Albunée, étoit de Tibur, ou Tivoli, & étoit honorée » comme une Divinité aux environs du fleuve Anienus ». Telles font les dix Sibylles qu'admettoit Varron : mais éclaircir ce quen difoit ce fçavant Romain, il eft neceffaire de faire ici quelques reflexions. 1°. Il ne dit pas le nom de la Sibylle de Perfe, que les Anciens appelloient Sambethe, 2o. Euripide parlant de la Sibylle Libyenne, dit qu'elle étoit fille de Jupiter & de Lamia. Elle voyagea en plufieurs endroits à Samos, à Delphes, à Claros, &c. Ce font ces voyages, au refte, qui ont porté quelques Auteurs à dire que d'une Sibylle, on en avoit fait trois ou quatre. 3°. Diodore de Sicile nomme Daphné, la troisiéme des Sibylles de Varron, & dit qu'elle étoit née à Thebes en Béotie. 4°. Eusebe croit que la Sibylle Erythréenne, la plus celebre de toutes, vivoit, non du temps de la guerre de Troye, comme le croit Varron fur l'autorité d'Apollodore, mais fous le regne de Ro mulus. 5°. Celle de Samos, dont Varron ne dit pas le nom, s'appelloit felon Suidas, Pitho, ou la Perfuafion, & fuivant Eufebe, Eriphile.

Suidas, qui parle des Sibylles en Compilateur peu exact, a fait à leur fujet deux articles qui ne fe reffemblent pas ; quoique dans l'un & dans l'autre il en admette dix. Ainfi Gallæus s'eft trompé en difant qu'il en reconnoiffoit quatorze, comme Rofin en affurant qu'il n'en nommoit que neuf.

L. 12. C. 35.

Elien au contraire (1), n'en admet que quatre, fçavoir, l'Ery- (1) Var. Hift. thréenne, l'Egyptienne, celle qui étoit née à Samos, & celles de Sardes en Lydie. Solin paroît perfuadé que leur nombre doit fe reduire à trois, celle de Sardes, celle de Cumes, & l'Erythréenne, en quoi il a été fuivi par Aufone (2), qui (2) Gryph. n'en admet auffi que trois :

Et tres fatidica nomen commune Sibylla
Quarum tergemini fatalia carmina libri.

Martianus Capella en retranche encore une, & ne reconnoît
que l'Erythréenne & la Phrygienne. Enfin Pierre Petit, dont
j'ai indiqué l'Ouvrage au commencement de ce Chapitre,
prétend qu'il n'y a jamais eu qu'une feule Sibylle, qui étoit

num, tern,

l'Erythréenne ; & que fi elle a porté d'autres noms, comme celui de Cuméenne, &c. c'eft qu'elle avoit voyagé en differens pays, y avoit fejourné, & y avoit rendu fes Oracles. Ainfi on avoit fait à l'égard de cette Sibylle le contraire de ce qu'on faifoit ordinairement par rapport aux autres faits fabuleux. Car lorfque plufieurs perfonnes avoient porté le même nom, on chargeoit l'hiftoire de celle qui étoit la plus celebre, de toutes les avantures des autres; ce qui eft vrai en effet à l'égard d'Hercule, par exemple, comme nous le prouverons dans l'Hiftoire de ce Heros. Ici Varron, & les autres qui ont multiplié les Sibylles, ont partagé entre plufieurs les actions, les voyages, & les prédictions d'une feule. Ce fçavant Auteur employe plufieurs preuves pour établir fon fentiment, qu'on peut voir dans l'Ouvrage que j'ai cité; mais deux de celles qu'il croit les plus fortes, m'ont paru fouffrir quelque difficulté. La premiere eft, que Platon & Pline parlent de la Sibylle en nombre fingulier; le premier, dans le paffage que j'ai déja rapporté ; le fecond s'exprime ainfi : Divinitas, & quædam focietas Calitum nobilissima, ex feminis in Sibylla fuit, ex viris in Melampode apud Græcos, apud Romanos in Marcio. Mais ces deux autorités ne font rien moins que concluantes : Platon dans cet endroit de fon Dialogue, ne parloit des Sibylles qu'en paffant, & il lui fuffifoit de donner un exemple de la fureur Prophetique dont quelques perfonnes étoient faifies. On peut donner la même réponse fur ce que dit Pline, qui ne voulant auffi que donner quelques exemples de ceux qui avoient eu un commerce particulier avec les Dieux, a nommé Melampe & Marcion pour les hommes, & pour les femmes la Sibylle, fans pour cela avoir prétendu donner l'exclufion aux autres.

La feconde preuve de M. Petit paroît plus forte. Le Recueil des Vers Sibyllins étoit écrit en Grec ; or comment feroit-il arrivé que toutes les Sibylles euffent fçu cette Langue? Comment celle de Perfe, la Libyenne, l'Hellefpontine, la Sardienne, auroient-elles parlé grec dans des pays où les Grecs n'étoient pas connus de leur temps? Mais, qui eft-ce qui prétend que toutes les Sibylles ont parlé grec? Ne peut-on pas avoir traduit en grec leurs prédictions, qu'on recueilloit avec

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