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(1) Ibid.

(2)Met.L. 14.

(3) En. L. 6.

Nec mortale fonans, afflata eft numine quando
Jam propiore Dei (1).

Ovide en fait à peu près le même portrait
Tandemque Deo furibunda recepto,
Magna petis, dixit, &c (2).

Des Prêtres établis à Delphes avoient foin de recueillir ce que la Pythie prononçoit dans fa fureur, & le mettoient en vers: il y a bien de l'apparence qu'on en faifoit à peu près de même des reponfes de la Sibylle, puifque toutes celles que l'Antiquité nous a tranfmifes, font auffi en vers.

Les Oracles fe rendoient de differentes autres manieres, ou en fonge, ou dans des billets cachetés, &c. on ne fçait pas de quelle forte les autres Sibylles rendoient les leurs: Virgile nous apprend feulement la maniere finguliere dont celle de Cumes avoit coutume d'annoncer les fiens. Elle les écrivoit fur des feuilles d'arbre, qu'elle arrangeoit à l'entrée de fa caverne ; & il falloit être affez habile & affez prompt, pour prendre ces feuilles dans le même ordre où elle les avoit laiffées. Car fi le vent, ou quelque autre accident venoit à les déranger, tout étoit perdu, & on étoit obligé de s'en retourfans efperer d'autre reponse:

ner,

Rupe fub ima
Fata canit, foliisque notas & nomina mandat.
Quæcumque in foliis defcripfit carmina Virgo,
Digerit in numerum, atque antro feclufa relinquit.
Illa manent immota locis, neque ab ordine cedunt..
Verùm eadem verfo tenuis cum cardine ventus
Impulit, & teneras turbavit janua frondes,
Nunquam deinde cavo volitantia prendere faxo».
Nec revocare fitus, aut jungere carmina curat.
Inconfulti abeunt, fedemque odere Sibyllæ (3).

Virgile, au refte, n'avoit pas imaginé cette maniere dont la Sibylle de Cumes rendoit fes Oracles; c'étoit une ancienne tradition, qu'on trouve dans Varron. Ce fçavant Romain, au

rapport de Servius (1), dit formellement dans le Livre des (1) In 3. Æa:
chofes divines, que cette Sibylle écrivoit fes prédictions fur
des feuilles de Palmier. Le même Servius nous apprend auffi
que cette Sibylle rendoit fes Oracles de trois manieres, ou
de vive voix, ou par écrit, ou par des fignes : Tribus modis futu-
ra prædicit; aut voce, aut fcripturâ, aut fignis, id eft, quibufdam
notis, ut in Obelifco Romano videmus ; vel, ut alii dicunt, notis
litterarum, ut per aliquam litteram fignificet aliquid (2). On pour- (2) Loco cit.
roit me demander ce que cet Auteur entend par ces fignes;
mais comme il dit lui-même que c'étoient des marques fem-
blables à celles qui fe trouvent fur l'Obelifque qui étoit à Ro-
il eft clair qu'il parle de cette écriture hieroglyphique
en ufage chez les Egyptiens, & qui étoit fur l'Obelifque qui
avoit été porté d'Egypte à Rome : fur quoi on peut confulter
Pline (3).

(3) Liv. 36

8. & 9.

(4) Adon.

Au refte, rien n'étoit plus celebre en Italie, que l'antre c. où cette Sibylle avoit rendu fes Oracles. Ariftote (4) en parle comme d'un lieu très-curieux, & Virgile en fait une defcrip tion magnifique. La Religion avoit confacré cette Caverne & en avoit fait un Temple, comme nous le dirons dans l'article fuivant.

Je n'ai pas deffein de recueillir tout ce que les Hiftoriens Romains & les Poëtes difent de cette Sibylle; mais je ne fçaurois paffer fous filence, ce qu'Ovide raconte dans fes Metamorphofes, de fes amours avec Apollon. Ce Dieu, ditil (5), en étant devenu amoureux, elle lui promit de répon- (5) Met I. 14: dre à fa tendreffe, s'il vouloit lui accorder autant d'années de vie, qu'elle tenoit de grains de fable dans fa main; mais après avoir reçu cette faveur, elle ne le paya que d'ingratitude; & comme elle n'avoit pas penfé à demander qu'elle pût paffer ce grand nombre d'années dans l'état de jeuneffe où elle étoit alors, elle devint fi caduque & fi accablée du poids de la vieilleffe, qu'il ne refta plus d'elle la voix

que

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Il est aifé de voir que cette fable eft fondée fur une double tradition; l'une qu'Apollon étant regardé comme celui des Y y iij

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Dieux qui connoiffoit le mieux l'avenir, & qui le communiquoit aux perfonnes qui lui étoient cheres, il n'est pas étonnant qu'on ait dit qu'il avoit été amoureux de cette Sibylle, qu'on croyoit très-habile dans la connoiffance de cet avenir. L'autre, fur ce qu'on étoit perfuadé que les Sibylles vivoient fort longtemps. Virgile nomme en deux endroits celle de Cumes, une (1) Æn. L. 6. vieille Prêtreffe, longava Sacerdos (1). Erafme affûre que c'étoit de cette longue vie des Sibylles qu'étoit venu le Proverbe, (2) Adag. Sibylla vivacior (2), & Properce dit dans le fecond Livre de (3) Eleg. 2. fes Elegies (3), quand vous vivriez autant de fiecles que la

Sibylle:

Et fi Cumea fæcula Vatis agas.

On cite encore à ce fujet les vers d'un ancien Poëte, qui rapporte trois exemples de perfonnes qui ont vêcu long-temps; fçavoir Hecube, femme de Priam, Æthra, mere de Thefée, & la Sibylle.

Ovide raconte qu'au temps qu'Enée la confulta elle avoit déja vécu fept cens ans, & qu'il lui en reftoit encore trois cens à vivre:

Namque mihi jam fæcula feptem
Acta vides: fupereft, numeros ut pulveris æquem,
Ter centum melles, ter centum mufta videre.

Phlegon dit la même chose de la Sibylle Erythrée, & ellemême fe vante dans fes prédictions, de cet avantage.

Ces temoignages fur la longue vie des Sibylles, m'engagent à faire deux reflexions. La premiere, qu'il n'eft pas difficile de voir que ce font des exagerations Poëtiques. Que quelques-unes d'elles ayent vécu autant de temps qu'Hecube & Athra, c'eft-à-dire, quatre-vingt au quatre-vingt dix ans, il n'y a rien là d'extraordinaire; mais c'eft tout ce qu'on peut (4) In Macr. accorder. Lucien même qui a parlé fort au long (4) des perfonnes qui ont vécu long-temps, ne fait aucune mention des Sibylles; ce qui eft un grand préjugé contre la longue vie qu'on leur donne. Mais comme les fictions Poëtiques ont toujours quelque fondement, de fçavans Auteurs ont préten

du qu'on n'avoit dit que la Sibylle de Cumes avoit vécu mille ans, que parce qu'elle avoit prédit ce qui devoit arriver aux Romains pendant cet efpace de temps. La metamorphofe de cette Sibylle en voix, n'eft qu'un Emblême dont le fens eft que fes Oracles devoient durer toujours.

La feconde reflexion eft, qu'il y a toute apparence que la Sibylle de Cumes, étoit la même que celle d'Erythrée, laquelle ayant quitté fon pays natal, vint s'établir en Italie. En effet, fi nous en croyons Servius, l'avanture que nous venons de rapporter d'après Ovide, regarde la Sibylle Erythrée. Cet Auteur parlant des amours d'Apollon pour cette fille, ajoute à ce que nous en avons dit, que ce Dieu ne lui avoit accordé la longue vie qu'elle demandoit, que fuppofé qu'elle voulût abandonner l'Ifle Erythrée, où elle avoit reçu le jour, pour venir s'établir en Italie: elle y vint en effet & fixa fon fejour auprès de Cumes, où elle vécut long-temps, & jufqu'à ce que confumée de vieilleffe il ne refta d'elle que la voix. Ses compatriotes, dit le même Auteur, foit par pitié, foit par quelque autre motif, lui écrivirent une lettre ; mais craignant qu'elle ne pût pas lire le caractere qui étoit alors en ufage, & qui devoit être bien changé depuis qu'elle avoit abandonné leur Ifle, ils s'aviferent de fe fervir du plus vieux qu'ils connuffent, & de cacheter la lettre à l'antique. La Sibylle la reçut, mais elle ne l'eut pas plûtôt lue qu'elle

mourut.

On peut ajouter que ce que nous avons dit de la longue vie de la Sibylle de Cumes en Italie, les Anciens l'affûrent auffi de celle d'Erythrée, & de celle de Cumes en Ionie ; ce qui a porté Gallæus à croire que ces trois Sibylles n'en faifoient qu'une, qui avoit paffé fa vie dans l'Ifle d'Erythrée, en Ionie, & à Cumes en Italie, où elle étoit morte.

ARTICLE V I.

Du Culte rendu aux Sibylles.

On ne peut rien ajouter au refpect que les Payens, furtout les Romains, avoient pour les Oracles des Sibylles, dont ils confervoient la Collection dans le Capitole, fous la garde

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de quinze Prêtres, qui les confultoient dans les occafions importantes, ainsi que je l'ai déja dit. Il faut ajouter ici qu'on avoit pour les Sibylles elles-mêmes, autant de refpect que pour leurs Oracles; & fi on ne les regarda pas toujours comme des Divinités, on les croyoit du moins d'une nature, qui tenoit le milieu entre les Dieux & les hommes. C'eft ce qu'une (1) In Phoc. des Sibylles difoit d'elle-même, au rapport de Paufanias (1). Cependant elle reconnoiffoit qu'après une vie de plufieurs fiécles, elle devoit payer à la mort le tribut que tous les hommes lui doivent; mais elle difoit en même temps qu'elle feroit un jour changée en cette face qui paroît dans la Lune, (2) Opufc. de ainsi qu'on peut le voir dans Plutarque (2); comme fi avant qu'il y eût des Sibylles, cette Planete n'avoit pas toujours prefenté cette face qu'on croit y appercevoir. Les Mythologues anciens & modernes ont débité bien inutilement de la Phyfique & de la Morale fur cette metamorphofe des Sibylles, & je ne crois pas qu'on s'attende que je les copie. En effet quelles allegories raifonnables peut-on imaginer pour chercher un fondement à une fiction fi frivole?

facie

14.

Telle étoit l'idée qu'on avoit anciennement des Sibylles: dans la fuite des temps on leur rendit, du moins à quelquesunes, les honneurs divins. Pierre Petit, dans le Traité dont nous avons parlé, dit qu'on ne trouve rien dans l'Antiquité qui puiffe nous perfuader qu'on ait honoré les Sibylles com(3) Liv. 2. c. me des Divinités (3); mais il eft certain qu'il fe trompe. Lactance qui avoit lû l'Ouvrage de Varron, dans lequel il parle des Sibylles, dit pofitivement que la Tiburtine étoit honorée comme une Déeffe, à Tibur: Tiburi cultam ut Deam, juxta ripas amnis Anienis, cujus in gurgite Simulachrum ejus inventum fall Rel. Liv. effe dicitur, tenens in manu librum (4). Il paroît même le que culte que lui rendoient fes compatriotes, fut porté à Rome, puifque ce fçavant Pere de l'Eglife ajoute immediatement après les paroles que je viens de citer: cujus facra Senatus in Capitolium tranftulit. La plus grande marque du culte fuprême rendu à quelqu'un, étoit de lui confacrer des Temples; or il eft certain que quelques-unes des Sibylles en avoient. S. Juftin, martyr, parle de celui de la Sibylle de Cumes en Italie, bâti fur l'antre même où elle avoit rendu fes Oracles : &

(4) La&t. de

1. C. 6.

comme

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