Imágenes de páginas
PDF
EPUB

elle fe nommoit Hydromantie; ou l'eau des fontaines, & elle étoit appellée Pegomantie. Cette forte de Divination eft très-ancienne, puifqu'on dit qu'elle tire fon origine des Perfes, qui la communiquerent à d'autres peuples, & en particulier aux Grecs, fur-tout à Pythagore, qui felon Varron, (1) Aug. de y étoit fort addonné (1). On la pratiquoit de deux manieres, Civ. Dei. liv. ou en rempliffant un baffin d'eau, & fufpendant un anneau à un fil qu'on tenoit avec un doigt, pendant que celui qui faifoit cette operation, proferoit quelques paroles, & fuivant que cet anneau battoit les bords du baffin, il en tiroit fes prédictions; ou en évoquant les efprits qui paroiffoient au fond du baffin; & c'étoit cette feconde efpece que pratiquoit Numa Pompilius.

7.C.53.

Attic.

La Pegomantie, ou la Divination par l'eau des fontaines, se pratiquoit en jettant des Sorts, ou des efpeces de dez. On tiroit d'heureux prefages lorfqu'ils alloient à fond; & lorfqu'ils demeu(2) Arch. roient à la furface de l'eau, c'étoit un mauvais augure. Rofæus (1) nous apprend qu'il y avoit encore d'autres manieres de predire l'avenir par le moyen de l'eau; 10. en bûvant de celle de quelques fontaines, comme celle de Caftalie en Béotie, qui avoit la vertu de communiquer ce don. 2°. En jettant dans quelques fontaines, comme dans celle d'Ino en Laconie, des gâteaux; car s'ils alloient à fond, c'étoit un bon augure, & un mauvais (3) in Lac. s'ils furnageoient, comme nous l'apprenons de Paufanias (3). Il en étoit de même des billets qu'on jettoit dans les deux petits Lacs des Palices, ainfi que nous le dirons dans l'Hiftoire de ces Dieux. 3°. Quand l'image de la chofe qu'on vouloit voir, apparoiffoit dans l'eau, comme il arrivoit, dit-on, dans la fontaine d'Apollon Phryxeus, en Achaïe. 4o. En jettant des phioles de verre dans de certaines eaux, pour connoître les fuites de quelque maladie; car on pretend qu'en les retirant, on jugeoit fi elle étoit mortelle, ou fi le malade en reviendroit. 5. En obfervant le mouvement de trois pierres qu'on avoit jettées dans l'eau: fur quoi on peut confulter cet Auteur (4).

(4) Arch, Attic. liv. 7. C. 7.

La Pyromantie s'exerçoit par le moyen du feu, ou en obfervant le petillement de la flamme, ou de la lumiere d'une lampe. C'étoit pour cela qu'à Athenes, il y avoit toujours une

lampe allumée dans le Temple de Minerve Poliade, entretenue par des Vierges qui obfervoient regulierement les mouvemens de la flamme. Les Arufpices l'observoient de même, comme nous le dirons dans la fuite.

Une autre ancienne efpece de Pyromantie, étoit de remplir. d'urine des veffies, qu'on jettoit dans le feu; & en obfervant de quelle maniere cette urine fortoit lorfque la veffie crevoit, on croyoit pouvoir prefager l'avenir: de même qu'en jettant de la poix dans le feu, & regardant de quelle maniere elle brûloit, ou faifant attention à la fumée, &c. On a imaginé plusieurs manieres de deviner par le moyen du feu; mais je ne m'étends que fur celles qui faifoient partie de l'Idolâtrie.

La Géomantie fe pratiquoit en employant de la terre, comme fon nom le fait affez connoître. Elle confiftoit le plus fou vent à tracer des lignes ou des cercles, fur lefquels on croyoit pouvoir deviner ce qu'on avoit envie d'apprendre ; ou à obferver les fentes & les crevaffes qui fe font naturellement, à la furface de la terre, d'où fortoient, difoit-on, des exhalaisons nous l'avons dit de l'antre de Delphes.

La Divination par le moyen de l'air, s'exerçoit auffi de differentes manieres, ou en obfervant le vol des oifeaux & les cris de quelques animaux, ou en examinant de quel côté venoit le tonnerre, ou à l'occafion des metéores & des cometes; mais nous en parlerons dans l'Article des Augures & des Prodiges: enfin fur l'infpection des nuées, & ce fut une femme, nommée Anthufe, qui inventa du temps de l'Empereur Leon, cette forte de Divination, dont perfonne avant elle, fi nous en croyons Photius, ne s'étoit avifé.

Il y avoit encore une infinité d'autres fortes de Divination que je ne ferai que nommer, pour venir à celles qui étoient autorifées par les Loix & par la Religion. On appelloit Ornitomantie celle qu'on tiroit du vol ou du chant des oifeaux Cledonifmantie celle qu'on tiroit de la voix. Ciceron remarque à cette occasion (1) que les Pythagoriciens obfervoient non- (1) De Div. feulement la voix des Dieux, mais auffi celle des hommes: liv. 1. Pythagorici non folùm voces Deorum obfervabant, fed & hominum. La Divination par les lignes qui paroiffent dans la paulme de la main, étoit nommée Chiromantie, & cette forte de

Divination a été le plus en vogue, & a duré le plus longtemps.

Celle qui fe pratiquoit par le moyen des clefs, étoit nommée Clidomantie; par le tamis, Coftinomantie; par la farine, Alphitomantie; par le moyen de quelques pierres, Lithomanties par un ou plufieurs anneaux, Dactyliomantie; par l'évocation des morts, Pfycomantie; ou Sciomantie; par la flamme d'une lampe, Lychnomantie; par le moyen d'un miroir, Catoptromantie; lorfqu'on y employoit des figures de cire, elle étoit nommée Ceromantie, fi on la faifoit avec une hache ou une coignée, Axinomantie ; & quand on fe fervoit des nombres, Arithmomantie.

On trouve encore d'autres efpeces de Divination dans l'Ouvrage de Ciceron; dans le quatriéme Livre de la Sageffe, par Cardan; dans Robert Flud, & ailleurs; mais en voilà trop, peut-être, fur une matiere si vaine & fi frivole. Comme la plupart de ces Divinations faifoient partie de la science des Augures, des Auspices, & des Arufpices, dont les fonctions étoient autorifées par les Loix des Romains, & faifoient par tie de leur Religion, on verra dans le Chapitre suivant l'usage qu'ils en faifoient.

L

CHAPITRE IV.

Des Augures, des Aufpices, & des Arufpices.

E mot d'Augure a une double fignification; car il se prend ou pour le préfage même, Augurium, ou pour la perfonne qui l'obfervoit Augur. A parler exactement, l'Augure fe prenoit fur les Phenomenes qui paroiffoient dans Le ciel; l'Aufpice du vol & du chant des oiseaux, & l'Arufpice de l'inspection des entrailles des Victimes; cependant les Augures obfervoient auffi le chant des oiseaux ; & on croit même que c'eft de-là que fe tire le nom d'Augure,ab avium garritu. Quoiqu'il en foit, l'art des Augures eft très-ancien, puifqu'il étoit en usage du temps de Moyfe, qui le défend ainfi que toute autre forte de Divination: Cave ne imitari velis abomi

nationes

nationes illarum gentium, nec inveniatur in te qui luftret filium fuum, aut filiam, ducens per ignem ; aut qui ariolos fcifcitetur, & obfervet fomnia, atque auguria, &c. (1) On croit qu'il prit fon (1) Deut. origine chez les Chaldéens, d'où les Grecs & enfuite les Ro- 18. v. 9. & 10. mains en avoient eu connoiffance. Ces derniers eurent tant d'eftime & de confideration pour cette fcience, qu'il y avoit une Loi des douze Tables, qui défendoit fous peine de la vie de défobeir aux Augures: Que Augur injusta, nefafta, viriofa, dirave dixerit, irrita infeftaque Junto: quique non paruerit, Capitale efto.

Cet art étoit connu en Italie avant Romulus, puifque ce Prince ne bâtit la Ville de Rome qu'après avoir pris les augures. Les Etruriens le pratiquoient dès les temps les plus reculés, & s'y étoient rendus extrêmement habiles depuis que Tagès le leur eut enfeigné. Les Rois fucceffeurs de Romulus, pour ne pas laiffer perdre une fcience qu'ils croyoient fi utile, & en même-temps pour ne pas trop la divulguer & la rendre par-là meprifable, firent venir d'Etrurie les Augures les plus habiles, pour la mettre en pratique dans les ceremonies religieufes, & pour l'apprendre à leurs Citoyens; & dans la fuite ils envoierent tous les ans en Tofcane de jeunes gens d'entre les meilleures familles de Rome, pour l'y étudier, comme je le prouverai dans la fuite (a).

Romulus ne compofa d'abord ce College que de trois Augures, tirés des trois Tribus qui alors comprenoient tous les habitans de la ville, & Servius en ajouta un quatriéme. Pour entrer dans ce College il falloit être de race Patricienne & la coutume de n'y en admettre point d'autres, dura jusqu'à l'an de Rome CCCCLIV. fous le Confulat de Q. Apuleius Panfa, & de M. Valerius Corvinus, que les Tribuns du peuple demanderent qu'on élevât des Plebéiens à la dignité d'Augure; ce qui leur fut accordé après quelques conteftations, & on en créa cinq du peuple: ainfi ce College fe trouva compofé de neuf perfonnes jufqu'au temps de Sylla, qui y en ajouta fix autres, comme on l'apprend de Tite-Live & de Florus; ou quinze, fuivant d'autres Hiftoriens, qui pretendent

[blocks in formation]

(1) La Loi

Domitia.

(2) Cic. de

Leg. Agr.

que

fous ce Dictateur le College des Augures étoit compofé de vingt-quatre perfonnes. Le Chef de ce College étoit nommé Magifter Augurum. Le nombre des Augures ne demeura cependant pas fixé à ceux qui compofoient ce College, puif qu'entre ceux qui étoient en charge, les Empereurs en avoient de particuliers pour eux qui demeuroient au Palais, & qui les fuivoient dans leurs voyages; & qu'il y eut des villes, de celles qui étoient foumifes aux Romains, qui en avoient un si grand nombre, que le College des Augures de Lyon, étoit compofé de trois cens perfonnes.

Anciennement c'étoit le peuple affemblé qui élisoit les Augures, mais dans la fuite il fuffifoit que deux des plus anciens de chaque Curie en propofaffent un du nombre de ceux qui avoient étudié cette fcience; & après un ferieux examen, il étoit admis ou refufé par le College affemblé; & cette coutume dura jufqu'à l'an de Rome DCLI. que Marius, picqué qu'on eût élevé un autre que lui à la dignité d'Augure qu'il avoit follicitée, fit publier une Loi (1) qui attribuoit au peuple le pouvoir d'élire à l'avenir les Augures, les Pontifes, & les autres Prêtres (2); mais peu de temps après Sylla fit abroger cette Loi, & rendit aux Augures le droit d'élection dont la vengeance de Marius les avoit dépouillés. Ils n'en jouirent pas long-temps, car Jules Cefar qui afpiroit à la dignité de Souverain Pontife,& qui ne l'efperoit que par la faction du Peuple, engagea le Tribun Titius Attius Labienus à retablir la Loi Domitia. Il y eut encore d'autres changemens à ce fujet dans les temps de troubles qui agiterent la Republique; mais enfin Augufte après avoir mis fin aux guerres civiles, rendit au College des Augures le droit d'élection; ce qui dura jusqu'au temps où les Empereurs fe le reserverent.

On prenoit de grandes précautions dans l'élection des Augures; & il falloit que celui qu'on élevoit à cette place, fût d'une vie irréprochable, & n'eût aucun défaut de corps. Aussi fon caractere étoit indélebile, & on ne pouvoit le dépofer pour quelque fujet que ce fût. Leurs fonctions étoient trèsconfiderables par rapport à l'Etat & à la Religion. Le Senat ne pouvoit s'affembler qu'en un lieu qu'ils avoient confacré. Si pendant l'affemblée ou du Senat où du Peuple, ils obser

« AnteriorContinuar »