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voient quelque mauvais prefage, ils avoient le pouvoir de la rompre, comme auffi celui de caffer les Magiftrats dont l'élec tion avoit été faite fous de mauvais aufpices.

Enfin on avoit une fi grande confideration pour les Augu res & pour les chofes qu'ils annonçoient, qu'on prenoit pour des impies ceux qui les meprifoient, ou qui faifoient de leurs prédictions le fujet de leurs railleries. Auffi regarda-t'on comme une punition des Dieux la catastrophe de Claudius Pulcher, qui fit jetter les Poulets facrés dans la mer, parce qu'ils avoient refufé de manger ce qu'on leur avoit offert, en difant: S'ils ne veulent pas manger ils boiront.

On ne faifoit point d'entreprise confiderable, point de guerre, point de fiege, fans avoir auparavant confulté les Augures. Si les prefages qu'ils tiroient dans ces occafions étoient favorables, profpera, ils répondoient, id aves addicunt, les oifeaux l'approuvoient: s'ils étoient mauvais, adverfa, infaufta, piacularia, leur réponse étoit, id aves abdicunt, les oifeaux le defapprouvent. Quand les prefages fe prefentoient d'euxmêmes, on les appelloit oblativa; & s'ils n'apparoiffoient que lors qu'on les cherchoit, impetrata.

Les augures fe prenoient en differentes manieres, & toujours avec des ceremonies particulieres. On les tiroit du vol des oiseaux, & on obfervoit trois chofes; l'augure, augu rium; l'aufpice, aufpicium ; & le mouvement ou treffaillement, tripidium; des entrailles des animaux, & on l'appelloit l'extifpice: des Prodiges, ainfi que nous le dirons dans un article feparé des Metéores & des Phenomenes qui apparoiffoient dans le ciel; & de toutes les manieres de prendre l'augure, celle-ci étoit la plus authentique & la plus sûre, parce que ces fortes de Phenomenes ne fe réiteroient pas ordinairement dans un même jour. Ainfi quand le Chef des Augures vouloit rompre une affemblée, il lui fuffifoit de faire afficher qu'il avoit obfervé des fignes dans le Ciel, avec cette formule; alio die dixerit, pour un autre jour. Mais comme le Senat vit que le pouvoir des Augures pourroit autorifer bien des abus, il ordonna que ces fortes d'affiches ne romproient plus deformais les affemblées qui feroient légitimement convoquées pr

Virgil.

Parmi les fignes du Ciel qu'obfervoient les Augures, il y en avoit qui ne fignifioient rien, & on les nommoit bruta, ou vana; ceux qui annonçoient quelque évenement, étoient appellés fatidica; de ces derniers on nommoit confiliaria figna, ceux qui paroiffoient pendant qu'on deliberoit fur une affaire: auctoritativa, ou confirmatifs, lorfqu'ils n'arrivoient qu'après qu'elle étoit confommée. De ceux-ci, il y en avoit encore de deux efpeces ; poftularia, qui obligeoient à renouveller les Sacrifices; & monitoria, qui avertiffoient de ce qu'on devoit éviter.

Tous les jours & toutes les faifons n'étoient pas également propres à prendre les augures; & ce fut pour cela que Metellus, au rapport de Plutarque, défendit de les prendre après le mois d'Août, parce que les oiseaux muoient en cette faifon. On ne devoit pas les prendre non plus immediatement après les Ides de chaque mois, à cause du décours de la Lune, ni après midi quelque jour que ce fût.

Le lieu où l'on prenoit l'augure, devoit être élevé, & on l'appelloit pour cela, felon Servius, Templum, Arx, Augura(1) Serv. in culum, & le Champ confacré à cet ufage, Ager effatus (1). Lorfque le temps fe trouvoit calme & ferein, car il n'étoit pas permis de prendre l'augure dans toute autre disposition de l'air; & que toutes les autres ceremonies étoient faites, l'Augure revêtu de fa Robe, appellée Lana, ou Trabea, & tenant à la main droite le Bâton augural, qui étoit à peu près femblable à nos Croffes d'Evêques, s'affeioit à l'entrée de sa Tente, regardoit de tous côtés; & après avoir marqué les quatre parties du ciel avec fon Bâton augural, & tiré une ligne de l'orient à l'occident, & une autre du midi au feptentrion, il offroit le Sacrifice & adreffoit cette priere à Jupiter: Jovis pater fi mihi es auctor, urbi, populoque Romano Quiritium, hæc fanè fartéque effe, ut tu nunc mihi bene fponfis, beneque volueris ; Jupiter, fi vous êtes le protecteur de Rome & du Peuple Romain, faites que l'augure me foir favorable; ou, comme le dit TiteLive à l'occafion de l'élection de Numa Pompilius: Jupiter Pater, fi eft fas hunc Numam Pômpilium, cujus ego caput teneo, Regem Roma effe, ut tua figna nobis certa & clara fint inter eos fines quos feci: Jupiter, fi nous devons élire pour notre Roi Numa

Pompilius, dont je tiens la tête entre mes mains, faites que les fignes qui paroîtront dans l'enceinte que je viens de tracer, foient clairs & certains. Cette priere faite, le Prêtre obfervoit à droite & à gauche, & vers quel endroit les oifeaux prenoient leur vol, pour décider enfuite fi l'augure étoit favorable ou funefte. Comme cette ceremonie faifoit partie de la Religion des Romains, on y affiftoit avec un grand refpect, & pendant le Sacrifice & la priere on obfervoit un grand filence. Si l'augure étoit favorable, celui qui l'avoit pris descendoit du lieu où il s'étoit placé, & venoit l'annoncer au Peuple par cette formule que nous avons deja rapportée; Les Oifeaux l'approuvent, ou, ne l'approuvent pas. Quoique l'augure fût favorable, on attendoit quelquefois, avant que de rien entreprendre, que les Dieux l'euffent continué par un nouveau figne: c'eft ce que nous fait entendre Virgile dans ce vers;

Da deinde auxilium, pater, atque hæc omina firma.

Jupiter foyez moi favorable, & confirmez le prefage que vous venez de me donner.

De tous les fignes du ciel qui fervoient à prendre l'augure, les plus fürs étoient le tonnerre & les éclairs, fur-tout quand il tonnoit dans un temps ferein: fi le tonnerre & les éclairs venoient du côté gauche, c'étoit un bon prefage, & un mauvais s'ils venoient du côté droit. Virgile qui a fçû faire entrer dans fon Poëme une grande partie des coutumes religieufes des Romains, dit à cette occafion (i):

Audiit, & cœli genitor de parte ferena
Intonuit lævum, &c.

Donat expliquant ce vers, nous apprend qne la raison pour
laquelle le tonnerre venant du côté gauche étoit favorable,
c'est parce que ce qui paroiffoit de ce côté là, partoit de la
droite des Dieux: quia Sacrificantis latus lævum, dextra eft
ejus qui poftulata largitur. Les foudres qui paffoient du fepten-
trion à l'orient, étoient de mauvais augure; ceux aux con-
traire qui alloient de l'orient à l'occident, cétoient reputés
favorables.

A aa iij

(1) Eneid. Lib. 9.V.63.0%

Les vents étoient un autre figne du ciel qu'on obfervoit dans les augures, parce qu'on les regardoit comme les meffagers des Dieux, qui venoient apprendre leurs decrets aux hommes. Lutatius, ancien Commentateur de Stace, expliquant cet endroit où le Poëte dit, que l'inspection des vents & du vol des oifeaux faifoit differer la guerre

Ventifque, aut alite vifà
Bellorum proferre diem, &c.

obferve que
les Augures tiroient leurs prefages, par le moyen
des vents: Solent Augures ventorum flatibus futura cognofcere;
mais il ne nous apprend rien de plus particulier fur ce fujet.
Ainfi on ignore quels vents étoient favorables, ou de mauvais
préfage.

Au refte tout ce que je viens de dire des augures qui fe tiroient des fignes du ciel, fe pratiquoit pareillement dans ceux qu'on prenoit par le vol des oifeaux: la differente maniere dont ils voloient, annonçoit de bons ou de mauvais aufpices. Si elle étoit de mauvais augure, on la nommoit finiftra, ou funefta; ou arcula, c'est-à-dire, qui defendoit quelque entreprise; devia, pour montrer que cette même entreprise feroit de difficile execution; remora, quand elle devoit être retardée ; inebra, lorfque l'augure paroiffoit y devoir mettre quelqu'obftacle, & enfin altera, quand un fecond prefage detruifoit le premier.

A

Les oifeaux dont on obfervoit le plus exactement le vol & le chant, étoient l'Aigle, le Vautour, le Milan, le Hibou, (1) Liv. 3. le Corbeau & la Corneille. Horace (1) dit du Corbeau :

Od. 27.

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Ofcinem corvum prece fufcitabo

Solis ab ortu.

Et Virgile, parlant de la corneille

Sæpè finiftra cava prædixit ab ilice cornix,

Mais la maniere la plus ordinaire de prendre l'augure, consistoit à examiner de quelle maniere les Poulets facrés prenoient le grain qu'on leur prefentoit. On faifoit venir ordinairement ces Poulets, de l'Ifle du Negrepont, & on les tenoit renfer

més dans des cages. Celui qui en avoit foin étoit nommé Pullarius, comme nous l'apprenons de Ciceron (1). Les Ro- (1) De Div. mains avoient tant de foi à la maniere dont ils mangeoient, qu'ils n'entreprenoient rien de confiderable, fans avoir pris auparavant cette forte d'augure. Les Generaux même des armées les faifoient porter dans leurs Camps, & les confultoient avant que de livrer bataille. Le Conful, après avoir averti celui qui prenoit foin de ces Poulers, de préparer tout ce qui étoit neceffaire pour prendre l'aufpice, jettoit lui-même du grain aux Poulets: s'ils le prenoient avec avidité, en le trépignant & l'écartant çà & là, l'aufpice étoit favorable; si aucontraire ils refufoient de manger & de boire, l'aufpice étoit mauvais, & on fe defiftoit de l'entreprise pour laquelle on les confultoit.

On eft étonné avec raison, de voir qu'un Peuple auffi serieux & auffi fage que le Peuple Romain, ait été addonné pendant plufieurs liecles à une fi puerile fuperftition, & ait fait dépendre les plus grandes entreprises de la fatieté ou de l'appetit d'un Poulet; mais le fait n'en eft pas moins certain. Ĉiceron à la verité, s'en eft mocqué ouvertement, fans qu'il paroiffe qu'on lui en ait fait une affaire ferieufe; mais apparemment que les temps étoient changés, lorfqu'il écrivoit fes Livres de la Divination : peut-être que dans un autre fiecle il n'en auroit pas raillé impunément.

Quoiqu'il en foit, les Romains étoient fi attachés aux aufpices & aux augures, & ils y avoient tant de foi, qu'ils les prenoient dans toutes les entreprises. Après avoir fait précéder les ceremonies prefcrites par la Religion, ils confultoient toujours une perfonne intelligente dans cette forte de fcience. On nous a confervé la maniere dont ils interrogeoient celui à qui ils s'adreffoient. Quintus Fabius, je fouhaite que vous me ferviez à prendre l'aufpice; dites-moi fi toutes les ceremonies ufitées en pareil cas, ont été obfervées exactement, & fi l'aufpice n'est point defec tueux: Quinte Fabi, te volo mihi in aufpicio effe dicito fi filentium effe videtur; & alors la perfonne confultée repondoit:: rien n'y manque ; filentium effe videtur.

:

Les Arufpices étoient à Rome dans la même confideration que les Augures. Comme leurs fonctions consistoient à exami

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