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ner les entrailles des Victimes, on les nommoit auffi Extifpices, nom compofé de deux mots latins, exta, entrailles, & infpicere, confiderer, obferver, ainsi que je l'ai dit en parlant des Sacrifices. Les Etruriens étoient de tous les Peuples d'Ita lie ceux qui poffedoient le mieux la fcience des Aruspices, que Tagès leur avoit enfeignée; & c'étoit de leur pays que les Romains faifoient venir ceux dont ils fe fervoient, ou les prenoient parmi ceux qu'ils y avoient envoyés pour s'y inf truire; car ils envoyoient tous les ans en Etrurie, ainsi que le Senat l'avoit ordonné, fix jeunes perfonnes, fi nous en croyons Ciceron, ou dix, felon Valere Maxime, ou douze, comme l'affûrent d'autres Auteurs, pour être inftruits dans les connoiffances des Arufpices & des autres fortes de Divination. De peur même que cette fcience ne vint à s'avilir, par la qualité des perfonnes qui l'exerçoient, ils choififfoient ces jeunes gens parmi les meilleures familles de Rome: Tantum autem ftudium antiquis, non folùm obfervanda, fed etiam amplificanda Religionis fuit, ut è florentiffima & opulentiffima Civitate decem principum filii Senatus-Confulto fingulis Hetruriæ populis, (1) Val. Max. percipienda Sacrorum difciplina gratid, traderentur (1).

Liv. 3. c. II.

André Glareanus croit que comme les Etruriens étoient divifés en douze nations, il faut lire dans Valere Maxime & dans le fecond Livre de la Divination de Ciceron, douze jeunes gens, & non pas dix, comme le dit Valere Maxime, ou fix, comme le marque Ciceron, perfuadé que le texte de ces deux Auteurs a été alteré par quelque Copifte.

que

J'ai dit que Tagès avoit le premier enfeigné aux Etruriens la fcience des Arufpices, & cette autre forte de Divination les Latins nomment la Divination Etrufque; je dois maintenant faire connoître ce Tagès. Ciceron raconte ainsi fon (2) De Div. hiftoire, ou plûtôt fa fable (2).» Un Payfan, dit-il, labourant » un champ, & le foc de fa charrue étant entré un peu avant

Lib. z.

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dans la terre, il remua une motte d'où fortit un enfant qui

» lui enfeigna, de même qu'aux autres Toscans, les principes de la Divination ».

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Ovide raconte la même fable dans le XVe. Livre de fes

(3) Verf. 558. Metamorphofes (3).

Indigena

Indigena dixere Tagen, qui primus Hetrufcam
Edocuit gentem cafus aperire futuros.

Comme la maniere de raconter un fait, peut bien en alterer les circonftances fans le detruire, je fuis perfuadé que le fond de la fable que je viens de rapporter, eft vrai, & qu'elle fignifie, ou que Tagès étoit d'une naiffance obfcure, où qu'il étoit originaire du pays, Autoctone; car c'étoit de ces fortes de gens qu'on difoit communément qu'ils étoient fortis de terre. Quoiqu'il en foit, Tagès devint habile dans la science de la Divination, fur - tout dans celle qui confifte à examiner les entrailles; & l'enfeigna enfuite aux Etruriens, qui y devinrent très - habiles. Il avoit même compofé fur cette matiere un Ouvrage que l'on confervoit précieusement, & qui fut expliqué dans la fuite par Antiftius Labeo, qui le divifa en quinze Livres.

On ne fçait fi Tagès avoit lui-même inventé cette forte de Divination, ou s'il l'avoit apprife des Etrangers qui voyagerent de fon temps en Tofcane. Il est fûr du moins que, fuivant plufieurs Auteurs, elle étoit connue & pratiquée dans d'autres pays. Les Grecs la poffedoient du temps de Tirefias & de Carès, lefquels avoient inventé, felon Pline, le premier, l'Aufpice, & le fecond, l'Augure. Clement d'Alexandrie qui nous a confervé de précieux morceaux fur l'Antiquité, prétend que les Phrygiens furent les premiers de tous les Peuples du monde, qui obferverent le chant & le vol des oifeaux; & nous apprend en même temps qu'on nommoit Præpetes, ceux qui avoient attention au vol, & Ofcines, ceux qui s'attachoient au chant; ce qui peut fervir, pour le dire en paffant, à faire entendre les vers d'Horace que j'ai cités dans ce Chapitre.

D'autres Auteurs font encore remonter plus haut l'origine de cette science, & foutiennent qu'elle a été en ufage dès les temps les plus reculés, dans la Chaldée & dans l'Egypte, d'où les Grecs l'apprirent, & la pratiquerent fort long-temps. Il y avoit même dans la Grece deux familles, celle des Jamides & celle des Clytides, qui étoient fpecialement deftinées aux fonctions qu'elle prefcrivoit. De la Grece elle paffa Tome I.

Bbb

(1) Trad. de Brebœuf.

en Etrurie, & les Tolcans s'y rendirent fi habiles, qu'ils devinrent les plus fçavans de tous les Arufpices, comme je l'ai déja dit. Îl falloit même qu'elle fe fût repandue dans plufieurs parties de l'Italie avant la fondation de Rome, puifque Romulus établit dans fa nouvelle ville un College de trois Aufpices, en prenant un dans chaque Tribu.

L'Arufpice tiroit fes prefages des mouvemens de la Victi me qu'on menoit au Sacrifice, de fes entrailles, & du feu qui la confumoit. Si la Victime se laiffoit conduire fans fe débattre ; fi elle ne jettoit point de cris extraordinaires quand on lui donnoit le coup mortel; fi elle ne fe déroboit point des mains de celui qui la conduifoit, c'étoit un bon augure, & un mauvais fi le contraire arrivoit. La Victime frappée, on lui ouvroit le ventre & on examinoit fes entrailles, fur-tout le foye, le cœur, la rate, les reins, & la langue : on avoit attention à leur couleur, & on obfervoit foigneufement s'il n'y paroiffoit point quelque flêtriffure, & fi chacune de fes parties étoit telle qu'elle devoit être.

Avant que d'ouvrir la Victime on affignoit un des lobes 'du foye à ceux qui offroient le Sacrifice, & l'autre aux ennemis de l'Etat. Celui qui fe trouvoit rouge & vermeil, ni plus ni moins gros qu'il ne falloit, fans fletriffure, fans tache, annonçoit les chofes les plus heureuses à ceux à qui il étoit destiné; celui qui étoit maigre, livide, &c. annonçoit le plus mauvais de tous les prefages. Lucain, qui a decrit avec beaucoup d'élegance toutes les operations des Arufpices, n'a pas oublié cette circonftance.

Au côté qu'il affigne à la force ennemie,

La couleur eft vermeille, & la chair affermie.
L'autre est tout languissant & tout defiguré,
Et, ce qui lui prononce un malheur affûré,
A la tête du foye une autre eft attachée, &c (1).

Après le foye, le cœur étoit la partie qu'on obfervoit avec le plus de foin. S'il palpitoit, s'il étoit maigre & plus petit qu'à l'ordinaire, tout cela étoit de mauvais augure; mais fi on ne trouvoit point de cœur dans la Victime, on en tiroit les préfages les plus finiftres. On aflûre que le jour que Cefar fut

affaffiné, cette partie ne s'étoit point trouvée dans deux Victimes qu'on avoit immolées. La même chofe arriva, dit-on, à Caius Marius dans un Sacrifice qu'il offrit à Utique en Afrique, & à l'Empereur Pertinax.

On en ufoit de même pour la rate, le fiel, & les poulmons; & pour que l'augure füt bon, il falloit que ces trois parties euffent à peu près les mêmes qualités que celles que devoient avoir le cœur & le foye. Si les entrailles tomboient des mains de celui qui les examinoit; fi elles jettoient une mauvaise odeur; enfin fi elles étoient livides, fletries, ou trop bouffies, l'Arufpice n'en prefageoit que des malheurs.

Après avoir fcrupuleufement examiné les entrailles de la Victime, on allumoit le feu, & on tiroit plufieurs augures de la maniere dont il brûloit. Si la flamme étoit claire, fi elle s'élevoit fans fe feparer, fi elle ne s'éteignoit qu'après avoir entierement confumé la Victime, c'étoit une marque infaillible que le Sacrifice étoit agréable ; fi au-contraire on avoit eu de la peine à allumer le feu, fi la flamme fe feparoit, fi au-lieu de s'attacher à la Victime, elle ne faifoit que rouler autour, fi elle defcendoit en bas, le prefage étoit mauvais.

L'Arufpice tiroit encore fes pronoftiques du vin dont on fe fervoit pour la Libation. S'il perdoit fa couleur & fon goût, l'augure étoit mauvais : c'eft, au rapport de Virgile (1), ce qui (1) Æneid. arriva à Didon, lorfqu'offrant un Sacrifice elle s'apperçut que le vin s'étoit changé en un fang noir & corrompu,

Latices nigrefcere facros,

Fufaque in obfcænum fe vertere vina cruorem.

De même qu'à Xerxès, qui, felon Valere Maxime, soupant la veille qu'il devoit affieger la ville de Sparte, vit avec étonnement le vin qu'on lui fervoit à boire, se changer par trois fois en fang: Infusum namque pateræ ejus vinum, in fanguinem nec femel, fed iterùm & tertiò converfum.

Tels étoient les prefages que tiroient les Augures, les Aufpices & les Arufpices: mais comme il y en avoit encore plufieurs autres que chaque particulier pouvoit obferver, je vais en parler dans le Chapitre fuivant.

L. 4. v. 453.

M

CHAPITRE V.

Des Prefages & des Prodiges.

ONSIEUR Simon, dans une Differtation dont l'Ex

trait eft imprimé dans le premier Volume des Memoires (1) Pag. 54. de l'Academie des Belles-Lettres (1), reduit à fept efpeces les Prefages dont il eft queftion dans ce Chapitre. 1°. Les paroles fortuites, qui fe divifoient encore en deux claffes; celles dont on ignoroit l'auteur, & qu'on appelloit voix divines: telle fut la voix qui avertit, fans qu'on fçût d'où elle venoit, les Romains de l'approche des Gaulois, & à laquelle on bâtit un Temple, fous le nom d'Aius Loquutius. Ces mêmes paroIes étoient appellées voix humaines, lorfqu'on fçavoit qui les avoit prononcées. On se servoit de cette forte de Prefage, ou en recueillant les premieres paroles qu'on entendoit au fortir de la maison, ou en envoyant un efclave dans la rue, pour rapporter les premiers mots qu'il entendroit. On peut rapporter à ce Préfage celui qu'on tiroit des paroles que prononçoient les enfans en jouant, & qu'on prenoit en bonne ou mauvaise part.

2o. Les treffaillemens de quelques parties du corps, principalement des yeux, des fourcils, & du cœur, formoient la feconde efpece de Prefages. Le treffaillement de l'œil droit & des fourcils, étoit un figne heureux; celui du cœur, ou fes palpitations, étoient de mauvais augure, & prefageoient, felon Melampus, la trahifon d'un ami. L'engourdissement du petit doigt, & le treffaillement du pouce de la main gauche, ne fignifioient rien de favorable. 3°. Les tintemens d'oreille, & les bruits qu'on croyoit entendre quelquefois, étoient aussi de mauvais Prefages: de là cette ancienne Epigramme,

Garrula quid toties refonas mihi noctibus auris ?

Nefcio quem dicis nunc meminiffe mei.

4°. Les éternuemens du matin n'étoient pas

de bon augure;

ceux de l'après-midi l'étoient. 5°. Les chutes imprévues étoient

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