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Expiation des Villes.

(1) Voyez

Rom.

L'Expiation qui fe pratiquoit à l'égard des Villes, étoit une des plus folemnelles. Il y avoit dans le Kalendrier Romain, des jours marqués pour cette Ceremonie (1): elle fe faifoit à Rome le 5. de Fevrier. Le Sacrifice qu'on y offroit, fe nom- Ronin Kal moit felon Servius, Suburbale, ou Suburbium, & les Victimes qu'on y immoloit, étoient appellées, au rapport de Feftus, Amburbiales. Outre cette Féte, il y en avoit une autre, qui ne revenoit que tous les cinq ans, & dont la folemnité étoit employée à purifier toute une Ville; & c'eft du mot, luftrare, expier, qu'on donnoit le nom de luftre à un efpace de

cinq ans.

Des occafions importantes obligeoient quelquefois de celebrer cette folemnité, hors du temps marqué, ainsi qu'il arriva, au rapport de Denys d'Halicarnaffe, lorfque les Tarquins furent chaffés de Rome. S'il arrivoit que quelque lieu particu lier für fouillé, on ne manquoit pas de l'expier; & ces fortes d'expiations avoient des noms qui les defignoient. Celle, par exemple, des Carrefours, fe nommoit Compitalia; celle des Champs, Ambarvalia. Les Grecs avoient des Expiations particulieres pour les Theatres, & pour les lieux des Affemblées du Peuple.

Armées.

Avant & après les combats, on purifioit les Armées, & Expiation des cette ceremonie fe nommoit Armiluftrium; mot qui s'eft pris dans la fuite, pour exprimer la revue des Troupes, comme il paroît dans plufieurs endroits des Commentaires de Cefar; de même que celui de luftrum, étoit pris pour le dénombrement du Peuple; mais l'une & l'autre de ces deux ceremonies, étoit toujours accompagnée de Sacrifices. La Fête de l'Armiluftrium fe celebroit à Rome le 14. des Kalendes de Novembre.

A ces Expiations publiques, je devrois joindre celles dont on fe fervoir pour être initié aux grands & aux petits myfte res d'Eléufis, à ceux de Mithras, aux Orgies, &c. mais j'en parlerai dans l'hiftoire de Cerès, dans celle des Dieux des Perfes, & dans celle de Bacchus. Il fuffit de dire ici que le jeûne étoit souvent prefcrit pour ces fortes d'Expiations, c'est ce que nous fait entendre Clement d'Alexandrie, lorsqu'il dir que ceux qui vouloient être initiés étant interrogés par

Des Sermens.

les Prêtres, repondoient, j'ai accompli ce qui eft prescrit pour les myfteres, j'ai jeûné.

Le nombre des Expiations publiques n'égaloit pas à beaucoup près, celui des particulieres, puifqu'on employoit celles-ci dans prefque toutes les actions de la vie, comme nous l'avons déja remarqué : ainsi il n'y avoit ni noces ni funerailles, ni prefqu'aucune démarche de confequence, qui ne fuffent précédées de l'Expiation. Tout ce qui étoit reputé de mauvais augure; la rencontre d'une belette, d'un corbeau ou d'un liévre; un orage imprévu, un fonge, & mille autres accidents, obligeoient à recourir à la même ceremonie. Mais il eft necessaire d'obferver que pour ces fortes d'expiations particulieres, il n'étoit pas toujours neceffaire, comme dans les publiques, d'offrir des Sacrifices, & qu'une fimple ablution fuffifoit. Cependant l'eau de la mer, quand on pouvoit l'employer, étoit preferée à celles des rivieres, & l'eau courante, à celle qui étoit fans mouvement. Quelquefois il étoit neceffaire de fe laver tout le corps, quelquefois les mains feulement, ou les oreilles. C'eft d'Euripide que nous apprenons cette derniere pratique, lorfqu'il fait dire à Hippolyte, que fe croyant fouillé pour avoir été follicité à un crime, il doit laver fes oreilles. Procope de Gaze, parlant des expiations si ufitées parmi les Juifs, nous apprend qu'en general, on mettoit en ufage, l'eau, le fel, l'orge, le laurier, & le feu, par lequel on faifoit paffer ceux qui devoient être purifiés; & il

n'eft pas douteux que les Payens n'ayent imité dans les cere

monies de leurs Expiations, la plupart de celles que Moyfe avoit prefcrites aux Juifs, comme le prouvent de fçavans Commentateurs des Livres Saints.

purgeant

Je dois joindre ici ce qui regarde les Sermens, acte de Religion des plus anciens, & des plus folemnels, puisqu'il étoit une espece d'expiation; celui qui le prêtoit fe par-là du crime dont on l'accufoit. Mais comme ce fujet a été traité par plufieurs Auteurs, foit Jurifconfultes, foit Theologiens, il fuffit d'y renvoyer les Lecteurs, ou plûtôt aux deux fçavantes Differtations de feû M. l'Abbé Maffieu, impri(1) Tome I. mées dans les Memoires de l'Academie des Belles-Lettres (1). L'Auteur y recherche, 1°. L'origine des Sermens, qu'il

& Tome IV.

dit

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dit être prefque auffi anciens que le monde, puifqu'ils ont commencé lorfque les hommes font devenus trompeurs.

prouve

2o. Par quelles Divinités les Anciens juroient; & il que c'étoit prefque par tous les Dieux, fur-tout par les deux qui en étoient regardés comme les garants, fçavoir, la bonne foi, bona fides, & Deus Fidius. Les Dieux juroient eux-mêmes par le Styx, & ce ferment étoit le plus inviolable de tous (1).

3°. Les ceremonies du Sernient. Elles étoient d'abord fort fimples, & on ne faifoit que lever la main, comme cela se pratique encore aujourd'hui. Les Grands y mirent plus de façon : les Rois levoient leur Sceptre, les Generaux d'Armées, leurs lances ou leurs Pavois ; & les Soldats, leur épée, dont quelques-uns, fuivant le temoignage de Marcellin, s'appliquoient la pointe fur la gorge. Dans la fuite on exigea que les Sermens fe fiffent dans les Temples, & qu'on touchât les Autels. Il arriva même que quand on étoit éloigné des Temples, & que quelque circonftance exigeoit le Serment, on élevoit à la hâte un Autel, ou on en avoit de portatifs, qu'on dreffoit fur le champ. Il arrivoit fouvent auffi que ceux qui juroient, trempoient leurs mains dans le fang des victimes immolées.

4°. Quelle étoit la morale des Anciens, fur les Sermens; & elle étoit telle, que le parjure étoit regardé comme le plus grand de tous les crimes. Mais on étoit plus indulgent pour les Sermens des Orateurs, des Poëtes, & des Amants, lefquels auffi-bien ne fe faifoient pas en Juftice reglée. Ces belles paroles de Pythagore: Honorez les Dieux & refpectez le Serment, renferment, felon les Commentateurs de ce fameux Philofophe, la morale la plus pure & en même temps la plus fublime, fur ce dernier acte de Religion.

5°. L'ufage que les Anciens faifoient du Serment dans la Societé civile; & il étoit à peu près le même que parmi nous, c'est-à-dire, qu'on l'exigeoit de tous ceux qui entroient dans quelque Charge, ou qui alloient fe mêler, en quelque maniere que ce fût, du Gouvérnement & des Finances. Le General, lorfqu'il prenoit le Commandement d'une Armée; le Soldat, lorfqu'il s'enrolloit; ceux qui entroient dans le Sa(a) Voyez l'Article des fleuves d'Enfer.

Tome I.

Ddd

cerdoce, ou dans les autres places qui en dependoient ; les Veftales, les Augures, les Feciaux, ou ceux qui étoient chargés de traiter la paix ; tous étoient obligés de prêter Serment.

6o. Enfin, quelle idée on avoit de ceux qui violoient le Serment. Elle étoit telle qu'on les regardoit comme les plus indignes de tous les hommes, puifqu'ils abufoient de ce qu'il y avoit de plus faint dans la Religion, & qu'ils cherchoient à tromper les Dieux & les hommes.

A

CHAPITRE V I I.
De la Magie.

PRE's avoir parlé de la Divination, & des autres moyens dont les Payens s'étoient fervis pour connoître l'avenir, je dois dire un mot de la Magie, qui a été de tous les excès où une vaine & coupable curiofité a porté les hommes, le plus grand & en même temps le plus dangereux. On est justement étonné, lorsque l'on confidere d'un côté l'inutilité d'un art fi frivole, de l'autre, les crimes où il a engagé les Nations les plus polies & les plus fçavantes, de même que les plus barbares & les plus groffieres. On ne s'attend pas fans doute, que je traite à fond une matiere, fur laquelle nous n'avons peut-être déja que trop d'Ouvrages. Je n'en parlerai qu'autant qu'elle avoit rapport à la Theologie payenne, & aux pratiques fuperftitieufes de l'Idolâtrie.

Les Anciens ne font pas d'accord fur le temps ni fur le pays où la magie a pris naissance. Mais qu'importe de fçavoir fi ce font les Egyptiens ou les Chaldéens, ou d'autres Peuples qui ont été les inventeurs d'un art auffi funefte qu'il eft frivole ? Ce qu'on peut affurer, c'eft qu'il eft très-ancien, & peut-être auffi ancien que l'Idolâtrie elle-même. L'Ecriture Sainte nous apprend que les Egyptiens le pratiquoient dès les temps les plus reculés, lorfqu'elle fait mention des Magiciens que Pharaon oppofa à Moyfe, & qui imiterent par leurs enchantemens, prefque tous les prodiges que operoit par le moyen de ce grand homme. Parmi ces Magi

Dieu

ciens il y en avoit deux que S. Paul nomme Jamnès & Mam brès, qui n'ont pas été inconnus à Pline; mais il a mis dans le même rang Moyfe leur plus grand adverfaire, & a cru qu'ils étoient Juifs comme lui: Eft & alia magices factio, à Mofe, à Jamne, à Jopate Judæis pridem, fed multis millibus annorum poft Zoroaftrem. C'est le même Zoroaftre, au reste que les Anciens croyoient être le premier inventeur de la magie: Rex Battrianorum Zoroafter, dit Justin après Trogue Pompée, qui primus dicitur artes magicas invenifje.

On diftingue ordinairement plufieurs efpeces de magie: la naturelle, qui n'eft qu'une connoiffance plus grande & plus exacte des caufes Phyfiques, que celle qu'en a le vulgaire ignorant, & qui a coûtume de regarder comme des prodiges, des effets dont il ignore la caufe, & comme de veritables prédictions, ce que le Phyficien lui a annoncé devoir arriver. On dit que c'étoit dans cette forte de magie qu'excellerent autrefois Hermès Trifmegifte, Zoroastre, & quel ques autres. Les Indiens, les Chaldéens, les Egyptiens & les Perfes, s'y étoient auffi fort addonnés ; & c'étoit dans cette science que Platon affûre qu'on élevoit les enfans des Rois de Perfe. La feconde efpece de magie eft celle qu'on nomme Mathematique, laquelle joignant quelques pratiques fubtiles & ingenieuses, au pouvoir prétendu des Aftres fur les chofes d'ici bas, fe vante de produire des effets miraculeux. Comme celle-ci revient à l'Aftrologie, dont nous parlerons dans le Chapitre suivant, on ne s'y étendra pas d'avantage : difons feulement que quelques machines bien faites & quelques automates, ont paffé dans des temps d'ignorance, pour des effets de cette magie, & ont fait prendre pour magiciens ceux qui les avoient compofées. M. Bonami, dans une Differtation dont l'Extrait eft imprimé dans le VIIe. Tome des Memoires de l'Academie des Belles-Lettres, & qui me fervira beaucoup dans la fuite de ce Chapitre, dit qu'il y a beaucoup d'apparence que la Magie Egyptienne, fi celebre dans les Ecrits des Anciens, ne confiftoit que dans des connoiffances puifées dans les Mathematiques & dans la Phyfique, puifque tant de Philofophes Grecs qui voyagerent exprès en Egypte pour s'inftruire dans les sciences des Egyptiens, tels que Pythagore,

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