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lefquels Selden, Bochart, Voffius, & en dernier lieu Monfieur Fourmont, peuvent être confultés avec fruit ; mais malgré leurs conjectures, fouvent très-ingenieufes, fur-tout pour ce qui concerne les noms de ces Dieux, il restera toujours dans cette matiere une obfcurité impenetrable. Profitons du travail de ces fçavans Hommes, & tâchons de donner des Divinités dont je dois traiter dans ce Livre, l'idée la plus nette qu'il nous fera poffible.

Les Peuples de l'Orient, generalement parlant, n'avoient gueres d'autres Dieux que le Soleil, la Lune, & les Planetes: c'eft par le culte des Aftres que l'Idolâtrie a commencé, comme nous l'avons déja dit. Cette Religion dura long-temps chez les Peuples dont je parle, & fi on excepte l'Egypte, on ne trouve gueres ailleurs d'autres Dieux que le Soleil & la Lune. On verra en effet, par tout ce que je dirai dans la fuite, que c'étoit à ces deux Aftres, qu'on honoroit fous differens noms, que fe rapportoit tout le culte des Peuples de l'Orient. Le Soleil étoit l'Ofiris des Egyptiens, l'Ammon des Libyens, le Saturne des Carthaginois (1), l'Adonis des Phe- (1) Servius, niciens, le Bal ou Belus des Affyriens, le Moloch des Am- in 2. Æneid. monites, le Dionyfus ou l'Urotal des Arabes, le Mithras des Perfes, le Belenus des Gaulois. On fçait que parmi les Grecs, Apollon, Bacchus, Liber ou Dionyfus, étoient la même

chofe que le Soleil ; Macrobe (2) le prouve d'une maniere (2) Sat. L. 1. qui ne laiffe point de replique. Que dirai-je enfin ? Cet Aftre c. 10. a été la Divinité de prefque toutes les Nations, tant du vieux que du nouveau Monde.

De même la Lune étoit Ifis en Egypte, Aftarté en Phenicie, Alilat chez les Arabes, Mylitta chez les Perfes; Artemis, Diane, Dictynne, &c. en Grece, dans l'Ifle de Crete, dans celle de Delos, & ailleurs. Macrobe va encore plus loin (3) puifqu'il prétend, comme on l'a déja dit, que tous (3) Loc. cit. les Dieux que le Paganisme adoroit, devoient rapporter leur origine au Soleil & à la Lune.

Lorfqu'Alexandre fit la conquête de l'Afie, c'étoient-là les Dieux principaux qu'on y adoroit, & on n'y connoiffoit point encore ceux de la Grece; mais les Grecs qui vouloient paffer pour un Peuple très-ancien, après y avoir introduit le culte

de leurs Dieux, prétendirent qu'ils étoient la plûpart les mêmes que ceux des Peuples qu'ils venoient de conquerir. Deux exemples, parmi plufieurs qu'on pourroit rapporter, rendront la chose fenfible. Ayant remarqué quelque conformité dans ce qu'on difoit du Baal des Pheniciens, & ce qu'euxmêmes ils publioient de leur Saturne, ils ne balancerent pas à dire que la grande Divinité de Phenicie étoit Saturne. Ayant remarqué de même les infamies & les proftitutions qui fe commettoient dans le culte de quelqu'une des Divinités de ces Peuples, ils conclurent que ce ne pouvoit être que leur Venus.

Après ces Préliminaires il faut entrer en matiere, je commence par les Dieux d'Egypte.

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CHAPITRE I.

Des Dieux des Egyptiens.

ES Hebreux ayant demeuré long-temps en Egypte, & s'étant quelquefois laiffés feduire par les fuperftitions de ce Peuple idolâtre, comme le leur reproche le Prophete Ezechiel, & comme il paroît par le Veau d'or qu'ils adorerent dans le defert, on croiroit pouvoir trouver dans les Livrès de Moyfe, l'Hiftoire de la Religion des Egyptiens ; mais quoique le Pentateuque paroiffe principalement écrit pour l'extirpation de l'Idolâtrie, & que l'Auteur de ce Livre em ploye à tous momens les exhortations, les prieres & les menaces; qu'il y nomme avec indignation les Dieux des Peuples que les Ifraëlites devoient conquerir, il n'y entre cependant dans aucun détail fur les Divinités Egyptiennes, fe contentant dans les préceptes qu'il prefcrivoit aux Juifs, de les indiquer en general, de leur en infpirer toute l'horreur que meritoient ces fauffes Divinités, & d'envelopper toute l'histoire de l'Idolâtrie de cet ancien Peuple, fous le nom general des abominations de l'Egypte. Peut-être évitoit-il de renouveller un fouvenir trop funefte, & en même temps trop dangereux pour une Nation foible & inquiéte. Il parle cependant de ces

Dieux, quoique d'une maniere generale; & de ce qu'il en dit, Selden a bien fçu tirer le rapport qui fe trouve entre les paroles de Moyfe, & ce que l'Antiquité nous apprend des Dieux des Egyptiens. En effet lorfque ce faint Legiflateur dit (1) aux Juifs, qu'ils n'avoient vû aucune figure, aucune (1) Deut. c. 4. V. 16. & feq. image, lorfque Dieu leur parla à Horeb, de peur que feduits par-là ils ne fuffent portés à faire des representations d'homme ou de femme; Non vidiftis aliquam fimilitudinem in die quâ locutus eft vobis Dominus in Horeb, de medio ignis, ne fortè decepti, faciatis vobis fculptam fimilitudinem aut imaginem mafculi vel fœminæ ; il paroît que cela regarde les figures des Dieux reprefentés par les Egyptiens fous une forme humaine. Lorfqu'il ajoute enfuite, ni la reflemblance d'aucun animal qui foit fur la terre: fimilitudinem omnium jumentorum quæ funt fuper terram, il femble faire allusion aux bœufs Apis & Mnevis, au bouc adoré à Mendès; aux chats & aux chiens, c'eft-à-dire, à la Déeffe de Bubaste & au Dieu Anubis, representés fous les figures de ces animaux. Par ces mots, vel avium fub cœlo volantium, ou des oifeaux qui volent dans le ciel, on voit bien qu'il fait allusion aux oiseaux adorés dans le même Pays, tels que l'Ibis, l'Ichneumon & quelques autres : & par ceux-ci, ou des reptiles qui fe meuvent fur la terre, ou des poiffons qui font dans les eaux; atque reptilium qui moventur in terra; five pifcium qui fub terra moventur in aquis, il entend l'Oxyrinchus, le Crocodile, en un mot, les poiffons & les infectes qui furent l'objet du culte de ce Peuple fuperftitieux. Enfin lorfqu'il dit à fon Peuple, » de peur qu'élevant vos yeux au ciel, & y voyant le Soleil, la Lune & les autres Aftres, trompés & deçus vous ne les adoriez & vous n'addreffiez vos » vœux vers des créatures que le Seigneur a formées pour l'utilité de toutes les Nations qui font fous le ciel » ; ne fortè elevatis oculis ad cœlum, videas Solem & Lunam, & omnia Aftra cæli, & errore deceptus adores ea, & colas Dominus tuus in minifterium cunctis gentibus quæ fub cœlo Junt (2); (2) Ibid. il paroît qu'il a voulu indiquer & détruire le Sabifme, qu'il met le dernier, quoique vraisemblablement il ait été la plus ancienne Religion des Egyptiens, qui, comme je l'ai remarqué, & cela regarde auffi toutes les Nations idolâtres, ado

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Liv. 2.

rerent les Aftres avant que d'en venir aux autres parties de la nature, & enfin aux hommes déifiés, qui fut, felon moi, le dernier excès de l'Idolâtrie.

Quoiqu'il en foit, 'le plus ancien des Hiftoriens profanes, & celui qui parle d'une maniere plus fçavante de la Religion des Egyptiens, eft Herodote ; ainfi avant que d'entrer dans le détail des Divinités de cet aneien Peuple, je dois rapporter (1) Herodote tout ce qu'il en dit. Les Egyptiens, felon lui (1), font les premiers de tous les Peuples qui ont fçu le nom des douze grands Dieux; & c'eft d'eux que les Grecs les avoient appris. Ils font auffi les premiers qui ayent élevé des Autels aux Dieux, qui en ont fait des reprefentations, qui leur ont élevé des Temples, & qui ont eu des Prêtres pour les fervir, excluant totalement le fexe du Sacerdoce. Jamais aucun Peu-. ple, continue-t'il, ne fut plus religieux. Il y a en Egypte deux fortes d'Ecriture; l'une commune, & l'autre facrée, & celleci eft uniquement destinée aux myfteres de la Religion. Les Prêtres de ce pays, fe rafent tous le corps de trois jours en trois jours. Vétus de lin, avec des fouliers faits de la plante nommée Papyrus, il ne leur eft pas permis de porter d'autres habits, ni d'autre chauffure. Ils font obligés de fe laver dans de l'eau froide deux fois le jour, & deux fois la nuit. Obligés de faire un choix fcrupuleux des Victimes qu'ils doivent offrir à leurs Dieux, ils feroient punis de mort s'ils en immoloient quelqu'une qui n'eût pas les qualités requifes. La Victime, conduite à l'Autel, ils allument un bûcher, & après avoir fait une libation avec du vin, ils l'immolent, lui coupent la tête, & écorchent le reste du corps : pour la tête, après l'avoir comblée de maledictions, ils la portent au marché, & la vendent aux Marchands Grecs; & s'il ne s'y en trouve point de cette Nation, ils la jettent dans le fleuve. La malediction qu'ils lancent contre cette partie de la Victime eft telle: S'il doit arriver quelque mal dans toute l'Egypte, qu'il retombe fur cette tête. C'eft ainfi, continue notre Auteur, qu'on facrifie dans toute l'étendue du Royaume, & qu'on a en fi grande abomination les têtes des Victimes, qu'on s'abftient même de manger celle d'aucun animal. La Victime étant écorchée, - & les Prêtres ayant fait quelques prieres, i en tirent le ventre,

& y laiffent le refte des entrailles & la graiffe, coupent les jambes de la bête, le rein & les épaules; & mettent dans fon corps des pains purs, du miel, des raifins, des figues, de l'encens, de la myrrhe & d'autres odeurs; & après y avoir repandu de l'huile, ils diftribuent le refte de la Victime pour le feftin. Les Prêtres n'offrent le Sacrifice qu'à jeun, & toutes les Victimes doivent être des mâles, les femelles étant confacrées à Ifis.

Au refte; (c'est toujours Herodote que je copie, ) les Egyptiens n'adorent pas tous les mêmes Dieux, fi ce n'eft Ifis & Ofiris, leurs grandes Divinités. Ils penfent qu'Ofiris eft le même que Bacchus ou Dionyfus. Ceux qui habitent la Thebaïde, ont un grand respect pour les brebis, & n'immolent que des chevres ; pendant que ceux de Mendès reverent les chevres, & n'offrent à leur Dieu que des brebis. Les premiers rendent cette raifon de la veneration qu'ils ont pour les brebis. Hercule, difent-ils, ayant une grande paffion de voir Jupiter, ce Dieu prit la depouille d'un Belier, & lui apparut fous ce déguisement. Voilà, ajoute cet Hiftorien, la raifon pour laquelle les Thebains reprefentent Jupiter avec une tête de Belier, qu'ils regardent cet animal comme facré, & s'abftiennent d'en offrir en Sacrifice, fi ce n'eft une fois l'an, au jour de la fête de Jupiter; dans laquelle pour éternifer la memoire de fon apparition à Hercule, ils en immolent un couvrent de fa depouille la Statue de ce Dieu, & placent auprès d'elle celle de fon fils, comme s'il lui apparoiffoit de nouveau.

J'ai appris, dit toujours Herodote, que les Egyptiens » mettoient leur Hercule au nombre de leurs douze grands » Dieux : car pour l'Hercule Grec, ajoute-t'il, je n'en ai rien » pu apprendre dans le Pays. D'où l'on doit conclure que ce » n'étoit pas des Grecs que les Egyptiens avoient reçû le » nom de ce Dieu; mais qu'au contraire les Grecs l'avoient appris des Egyptiens: & ce qui le perfuade, c'eft qu'Amphitryon & Alcmene, que les Grecs difent être le pere » la mere d'Hercule, étoient originaires d'Egypte. D'ailleurs →les Egyptiens n'ont aucune connoiffance ni de Neptune

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ni des Diofcures: comment donc auroient-ils appris des

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