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d'Ifis & d'Ofi

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raconte dans un fi grand détail, on peut dire avec beaucoup de vraisemblance, que ce Poëte a fait allufion à la jalousie de la femme du Roi d'Argos, qui peut-être fit fouffrir bien des maux à fa rivale ; & que fi le mari portoit le nom de Jupiter, la femme pouvoit fort bien fe faire appeller Junon. Mais il eft temps de rapporter la veritable Hiftoire d'Ifis & d'Ofiris. (1) Liv. 1. Les Egyptiens, au rapport de Diodore de Sicile (1), & de (2) Traité Plutarque (2), affûroient que cette Princeffe étoit née dans leur pays, qu'elle époufa Ofiris, que celui-ci vivoit avec elle dans une parfaite union, & qu'ils s'appliquoient l'un & l'autre à polir leurs Sujets, à leur enfeigner l'agriculture, & plufieurs autres arts neceffaires à la vie. Diodore ajoute qu'Ofiris ayant formé le deffein d'aller jufques dans les Indes pour les conquerir, moins par la force des armes que par la douceur, il leva une armée compofée d'hommes & de femmes ; & après avoir établi Ifis Regente de fon Royaume, & laiffé près d'elle Mercure & Hercule, dont le premier étoit Chef de fon Confeil, & le fecond Intendant des Provinces, il partit pour fon expedition, où il fut fi heureux, que tous les Pays où il alla fe foumirent à fon empire. Son voyage fut un triomphe perpetuel. Le même Auteur dit qu'il parcourut d'abord l'Ethiopie, où il fit élever des digues contre les inondations du Nil; que de là il traverfa l'Arabie, les Indes, & vint ensuite en Europe, parcourut la Thrace & les Contrées voisines, laiffa partout des marques de fes bienfaits, ramena les hommes, alors entierement fauvages, aux douceurs de la focieté civile; leur apprit l'agriculture, à bâtir des villes & des bourgs; & revint comblé de gloire après avoir fait élever dans les lieux où il avoit paffé, des Colomnes & d'autres Monumens fur lefquels étoient gravés fes exploits. Voilà, pour le dire en paffant, les conquêtes, tant chantées par les Poëtes, du fameux Dionyfus ou Bacchus, comme nous le prouverons ailleurs.

Ce Prince étant de retour en Egypte, trouva que fon frere Typhon avoit fait des brigues contre le Gouvernement, & (3) De error- s'étoit rendu redoutable: Julius Firmicus (3) ajoute même qu'il prof. Relig. avoit fuborné fa belle-four Ifis. Ofiris qui étoit un Prince pacifique, entreprit de calmer cet efprit ambitieux; mais Typhon,

bien-loin de fe foumettre à fon frere, ne fongea qu'à le perfecuter & à lui dreffer des embûches. Plutarque (1) nous ap- (1) De Is.ở prend de quelle maniere enfin il lui fit perdre la vie. Typhon, of dit-il, l'ayant invité à un superbe festin, propofa après le repas aux Conviés, de fe mefurer dans un coffre d'un travail exquis, promettant de le donner à celui qui feroit de même grandeur. Ofiris s'y étant mis à fon tour, les Conjurés fe leverent de table, fermerent le coffre & le jetterent dans la Nil.

Ifis informée de la fin tragique de fon époux, fe mit en devoir de chercher fon corps; & ayant appris qu'il étoit dans la Phenicie, caché fous un tamarin où les flots l'avoient jetté, elle alla à la Cour de Byblos, où elle fe mit au fervice d'Aftarté, pour avoir plus de commodité de le découvrir. Enfin après des peines infinies elle le trouva, & fit de fi grandes lamentations, que le fils du Roi de Byblos en mourut de regret; ce qui toucha fi fort le Roi fon pere, qu'il permir à Ifis d'enlever ce corps, & de fe retirer en Egypte. Typhon informé du deüil de fa belle-foeur, ouvrit le coffre, mit en pieces le corps d'Ofiris, & en fit porter les membres en differens endroits de l'Egypte. Ifis ramaffa avec foin fes membres épars, les enferma dans des cercueils, & confacra les reprefentations des parties qu'elle n'avoit pu trouver: de-là Tufage du Phallus devenu fi celebre dans toutes les ceremo nies religieufes des Egyptiens. Enfin après avoir repandu bien des larmes, elle le fit enterrer à Abyde, ville fituée à l'occident du Nil. Que fi les Anciens placent le tombeau d'Ofiris en d'autres endroits, c'eft qu'Ifis en fit élever un pour chaque partie du corps de fon mari, dans le lieu même où elle l'avoit trouvée.

Cependant Typhon fongeoit à affermir fon nouvel Empire; mais Ifis ayant donné quelque relâche à fon affliction, fit promptement affembler fes Troupes, & les ayant mifes fous la conduite d'Orus fon fils, ce jeune Prince pourfuivit le Ty & le vainquit dans deux batailles rangées.

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ARTICLE II.

Hifloire de Typhon.

La fable de Typhon eft un des myfteres des plus obfcurs de la Mythologie. Les Grecs & les Latins qui n'en fçavoient pas l'origine, n'ont fait que l'obfcurcir encore davantage, en voulant la transporter felon leur coutume, dans leur Histoire. Fondés fur les traditions, qu'ils avoient apprifes par leur commerce avec les Egyptiens, ils firent de Typhon un monftre également horrible & bizarre, que la jaloufe Junon avoit, difoient-ils, fait fortir de terre, pour se venger de Latone sa rivale. Cette Déeffe, au rapport de l'Auteur d'un Hymne qu'on attribue ordinairement à Homere, piquée de ce que Jupiter étoit devenu pere de Minerve fans fa participation, voulut de fon côté être mere fans fon mari. Pour y réuffir, elle alla à l'affemblée des Dieux, & s'y plaignit de ce qu'ayant feule été jugée digne de partager le lit de Jupiter, ce Dieu avoit pour elle tant de mépris, qu'il avoit mis au monde fans fon fecours, la plus belle & la plus fage Déeffe de l'Olympe, pendant qu'ils n'avoient eu de leur union qu'un Dieu fi difforme, qu'on fut obligé de le chaffer du ciel. Après ce dif cours elle defcendit fur la terre, d'où elle fit fortir des vapeurs qui formerent le redoutable Typhon. Hefiode, fans avoir (1) Theog recours au reffentiment de Junon, dit (1) feulement que ce Géant étoit fils du Tartare & de la Terre. La plupart des Poë tes Latins, ont copié les Grecs. Manilius s'exprime ainsi :

(2) Liv. 2.

merito Typhonis habentur Horrenda fedes, quem Tellus fava profudit Cùm bellum calo peperit (2).

Ovide ne s'éloigne gueres de cette opinion, lorsqu'il fait fortir le Serpent Python, qui eft le même que Typhon, comme nous le prouverons dans la fuite, des exhalaifons de la boue que le Déluge avoit laiffée sur la terre. » La boue que le Déluge laiffa fur la terre, échauffée par l'ardeur du Soleil, for» ma non-feulement des animaux qu'on connoiffoit avant,

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mais encore des monftres qui jufques-là avoient été inconnus. » Elle forma contre fon gré le monftrueux Python, ferpent d'une espece nouvelle, qui devint par la maffe énorme de » fon corps, la terreur des hommes ».

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Ergo ubi Diluvio tellus lutulenta recenti
Solibus æthereis, altoque recanduit æftu,
Edidit innumeras fpecies, partimque figuras
Rettulit antiquas, partim nova monftra creavit ;
Illa quidem nollet, fed te quoque, maxime Python,
Tum genuit (1).

(1) Met. L. 1.

Apollodore fait de Typhon le monftre le plus horrible (2). (2) Liv. 1. Il avoit, dit-il, cent têtes, & de fes cent bouches fortoient des flames devorantes, & des hurlemens fi horribles, qu'il effrayoit également les hommes & les Dieux. Son corps, dont la partie fuperieure étoit couverte de plumes, & l'extrêmité entortillée de ferpens, étoit fi grand qu'il touchoit le ciel de fa tête. Il eut, ajoute cet Auteur, pour femme Echidne, & pour enfans, la Gorgone, Geryon, le Cerbere, l'Hydre de Lerne, le Sphinx, & l'Aigle qui devoroit le malheureux Promethée ; en un mot, tout ce qu'il y avoit de plus monftrueux dans le pays des Fables (a). Typhon, ajoute Hygin (3), ne (3) Fab. 152. fut pas plûtôt forti de terre, qu'il refolut de declarer la guerre aux Dieux, & de venger les Géants terraffés: car il faut bien diftinguer la guerre des Géants, de celle de Typhon, que quelques Auteurs confondent, contre l'opinion d'Apollodore, qui ne fait naître Typhon qu'après leur defaite (4). Pour cela s'avança contre le ciel, & épouvanta fi fort les Dieux par fon horrible figure, qu'ils prirent tous la fuite. L'Egypte leur parut propre pour se derober aux pourfuites de ce redoutable ennemi; mais comme il ne leur donnoit aucun relâche, ils furent obligés de prendre la figure de differens animaux. Jupiter fe changea en belier, Apollon en corbeau, Bacchus en

(4) Hefiode, qui dans fa Theogonie diftingue Typhoé d'avec Typhon, fait dư premier à peu près le même portrait, & dit que de lui fortirent les Orages. Puiss parlant de Typhon, il dit qu'il fut marié avec Echidne, dans les antres de la Syrie, & qu'il en eut les enfans que je viens de nommer.

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(4) Apollod.

Hefiode, Ovi

de, &c.

(1) Met, L. 5.

(2) Liv. 4.

bouc, Diane en chatte, Junon en vache, Venus en poiffon, & Mercure en cygne.

Duxque gregis fit Jupiter, &c.

Delius in corvo, proles Semeleia capro,

Fele foror Phabi, niveâ Saturnia vaccâ,
Pifce Venus latuit, Cyllenius Ibidis alis (1).

Manilius confirme la même chofe à l'égard de Venus &
d'Adonis :

Scilicet in pifcem fefe Cytherea novavit,

Anguipedem alatis humeris Typhona furentem,
Cum Babylonias fubmerfa profugit in undas,
Inferuitque fuos fquammofis pifcibus ignes (2).

Jupiter, continue Apollodore, ayant repris courage, lança
un coup
de foudre contre Typhon, & il l'effraya fi fort avec
une faulx de diamant qu'il avoit à la main, qu'il l'obligea de
fe retirer. Ce Dieu le pourfuivit jufqu'au mont Cafius, aux
extrêmités de la Syrie; mais Typhon l'ayant faifi au milieu
du corps, lui arracha fa faulx ; & lui en ayant coupé les bras
& les jambes, il le porta dans la Cilicie, le cacha dans un
antre, & le mit fous la garde d'un monftre moitié fille moitié
ferpent. Mercure & Pan ayant trouvé moyen de furprendre la
vigilance de ce gardien, rendirent à Jupiter fes jambes & fes
mains, & ce Dieu étant monté fur un chariot tiré par des
chevaux ailés, poursuivit Typhon à coups de foudre jusques
au fond de l'Arabie. De-là il le ramena en Thrace, où ce
Geant ayant deraciné une montagne, la lança contre Jupiter,
qui la repouffa fur lui d'un coup de foudre : le fang dont elle
fut couverte, lui fit donner le nom de mont Hamus. Typhon
s'étant enfin retiré en Sicile, y fut accablé fous le mont Etna.

Telles font les fables que les Poëtes & les Hiftoriens ont publiées à l'envi les uns des autres au fujet de Typhon. Ce (3) In Ifide. que Plutarque (3) & Diodore (4) nous apprennent fur ce fait, (4) Liv. 1. eft fans doute plus hiftorique; mais ces deux Auteurs n'ont pas laiffé, felon le genie de leur Nation, de mêler encore dans ce qu'ils rapportent plusieurs fictions ridicules; & d'ail

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