fans avoir recours, avec Bochart, au mot Perhen, qui dans la Langue Hebraïque veut dire un Serpent. Si le même Poëte le fait fortir des bouës du Deluge, ne marque-t'il pas par-là les mauvaises exhalaifons qui s'éleverent en Egypte lorfque les eaux du Nil se font retirées ? Enfin s'il dit qu'Apollon le tua à coups de fléches, ne cache-t'il pas fous cet emblême la victoire d'Orus fur Typhon, ou du moins le triomphe des rayons du Soleil fur les mauvaises exhalaifons de l'Egypte ? Secondement, fi les Poëtes Grecs mettent Typhon à la tête des Geants dans la guerre qu'ils declarerent aux Dieux ne font-ils pas une allusion manifefte aux perfecutions de té Prince contre fon frere, qui a toujours été regardé comme la grande Divinité de l'Egypte? S'ils font fuir tous les Dieux dans ce Royaume, où pour fe dérober aux pourfuites de ce monftrueux Geant, ils font obligés de fe cacher fous la figure de plufieurs animaux, ne veulent-ils pas dire que les Grands, & les Satrapes d'Egypte, qui étoient du parti d'Ofiris, voyant ce Prince mort, fe cacherent dans les antres les plus reculés, ou perirent la plûpart par les armes des conjurés? Les figures que les Poëtes leur font prendre, marquent peut-être qu'Oliris ayant partagé fon armée en differens corps, leur avoit donné pour Enfeignes les figures de ces animaux, ainsi que nous (1) De If.& l'apprenons de Plutarque (1). of. Troifiémement, que veut dire Apollodore (2), lorsqu'il raconte fi myfterieufement que Mercure & Pan redonnerent à Jupiter les mains & les pieds que Typhon lui avoit coupés? (2) Liv. 2. fi non que ces deux Princes, que Diodore (3) reconnoît avoir vécu fous le regne d'Ofiris, & dont il parle comme de deux perfonnes extrêmement fages, retablirent par leur prudence, fes affaires qui étoient en très-mauvais état; lui regagnerent les Troupes que fon frere lui avoit débauchées, & raffermirent en lui trouvant de l'argent, qui eft le nerf de la guerre, fon parti chancelant. (2) Liv. 1. Quatriémement, quoique les Poëtes & les Hiftoriens Grecs faffent perir Typhon en differens lieux, & hors de l'Egypte où il est fûr qu'il eft mort, on voit par les circonftances qu'ils y joignent, qu'ils fuivent la tradition de ce Peuple, par quelle on apprend qu'il fut tué d'un coup de foudre, ou, ce la } qui revient au même, qu'il fut englouti dans un tourbillon de feu. Homere (1) dit que ce Geant perit v Apipos: la terre, dit ce Poëte, retentiffoit fous leurs pieds, comme lorfque Jupiter irrité lance fes foudres fur le mont qui couvre Typhoeus dans le pays des Arimes, où l'on dit qu'est le tombeau de ce Geant. Madame Dacier (2) prétend que par ce mot i Afiuos, Homere (2) Note, fur a voulu parler de l'Ifle Ænaria, ou Pithecuse, dans la mer cet endroit. de Tofcane ; & c'eft, felon elle, ce que veut dire auffi Virgile dans ces vers : Durumque cubile (1) Iliad. 6. (3) Æn. L. 9. Mais ce Poëte s'eft certainement trompé en voulant imiter trop fervilement Homere, & ne faifant qu'un feul mot d'Inarime. Les Sçavans font partagés fur la fituation du pays des Ariméens ; il y en a qui, au rapport de Strabon (4), les pla- (4) Liv. 12. cent dans la Phrygie, d'autres dans la Cilicie; mais il eft certain que ce mot ne doit s'entendre que de la Syrie ; & Strabon qui eft de ce fentiment rapporte un fragment de Poffidonius (5) qui dit que ce n'eft ni de la Cilicie, ni d'aucun (5) Liv. 16. autre Pays, qu'Homere veut parler en cet endroit, mais de la Syrie même, habitée par les Ariméens que les Grecs appellent, ou Arimens, ou Arimiens, A'pies, A'piμss. même Auteur ajoute (6) que Typhon fut frappé de la foudre (6) Liv. 5. près d'Antioche, & qu'étant entré dans la terre il en fit fortir le fleuve Oronte, qui portoit autrefois le nom de ce monftre. Enfin Jofeph ne laiffe aucun lieu de douter de ce que dit Strabon, puifqu'il affûre qu'Aramus fut pere des Araméens, que les Grecs, dit-il, appellent Syriens. Degravat Etna caput, fub quâ refupinus arenas Ooo iij Les autres Poëtes ne s'accordent pas fur le lieu où perit Typhon, mais ils font tous allufion à fa triste Catastrophe. En effet, Pindare nous apprend que Jupiter le tenoit enfermé dans les antres du mont Etna (7), où felon Ovide, il vomiffoit (7) Pyth. 1. ces torrens de flammes qui fortent des gouffres de cette mon tagne. (8) Met. L. 5. Ce même Poëte dit à peu près la même chofe dans fes Faf (1) Liv. 4. tes (1). Alta jacet vafti fuper ora Typhoeos Ætna, Silius I.alicus donne au mont Etna le nom même de Typhon: Ce que les autres Poëtes, tels que Virgile (3), Stace (4), Claudien, Cornelius Severus, &c. difent d'Encelade, doit s'enten(5) Vita Apol. dre de Typhon, puifque felon Philoftrate (5) & les plus fçavans Mythologues, Typhon & Encelade designent la même perfonne. On peut joindre aux Poëtes les Mythologues, comme Hy(6) Fab. 151. gin (6) & plufieurs autres, qui ont tous dit de concert que c'étoit fous le mont Etna que Typhon avoit été précipité. Ceux des Anciens qui n'ont pas regardé la Sicile & le mont Etna comme le tombeau de Typhon, ne s'éloignent pas du moins de la même tradition, puifqu'ils ont toujours choifi pour cela des lieux fulphureux, & connus par les feux fouterrains & les tremblemens de terre, comme dans la Campanie, ou plûtôt, près du mont Vefuve, ainfi que le prétend Diodore (7), ou dans les champs Phlegréens, comme le raconte Strabon (8), on dans un lieu de l'Afie, d'où il fort de terre quelquefois de l'eau, & d'autres fois du feu, au rapport de Paufanias (9). En un mot dans toutes les montagnes & tous les autres lieux où il y avoit des exhalaifons, comme l'a fort bien remarqué l'ancien Scholiafte de Pindare, fur la premiere Pythique, après l'Hiftorien Artemon qui dit que, toute montagne qui jette du feu, accable le malheureux Typhon, qui y eft devoré par les flammes; circonftances qui faifant allufion au nom de Typhon, à la maniere dont les Egyptiens racontoient qu'il étoit mort, & aux allegories qu'ils en tiroient, nous apprennent que les Poëtes & les Hiftoriens Grecs & Latins, nous ont confervé parmi leurs fables les plus abfurdes, les traditions de cet ancien Peuple. (2) Liv. 14. (3) Æn.L.3. (4) Theb. 3. (7) Liv. 4. (8) Liv. 5. (9) In Arc. Cinquiémement, l'opinion où étoient les Poëtes anciens, qui croyoient que la foudre étoit l'inftrument le plus redoutable de la vengeance des Dieux, & qui regardoient comme des impies ceux qui en étoient frappés, venoit auffi d'Egypte, où nous voyons qu'on avoit publié pour rendre Typhon plus odieux, que c'étoit ainsi que les Dieux l'avoient puni; quoiqu'on fçût bien qu'il avoit perdu la vie dans la derniere bataille que lui livra Orus fon neveu. Virgile nous a confervé cette tradition au fujet de ceux qui avoient été touchés de la foudre, en faisant dire à Anchife: objet de la haine des im ဘ mortels, depuis que le Pere des hommes & des Dieux me frappa de fa foudre, je prolonge des jours inutiles » (1): (1) Æn. L. 2. 20 Jam pridem invifus Divis & inutilis annos Demoror, ex quo me Divûm pater atque hominum Rex Sur quoi il eft bon de confulter Servius & Lacerda. Sixiémement, Plurarque nous apprend que non feulement les opinions des Philofophes Grecs, tels qu'Heraclite, Empedocle, Pythagore, Platon, Ariftote & les autres, fur la formation du monde, mais auffi celles des Poëtes, font tirées des traditions des Egyptiens au fujet de Typhon & d'Ofiris; car, fur quoi fe fondoit Hefiode lorfqu'il a parlé du Chaos, de la Terre, de l'Erebe, & de l'Amour, que fur ces mêmes traditions, puifqu'il entend par la Terre, Ifis; par l'Amour Ofiris, & par le Tartare, Typhon, au rapport du même Plutarque. Septiémement, Typhon étoit devenu fi odieux aux Egyptiens, qu'on avoit horreur même pour tout ce qui pouvoit avoir quelque reffemblance avec lui; & c'eft pour cela qu'ils précipitoient tous les ans du haut d'un Rocher, les Afnes qui par leur poil imitoient la couleur rouffe des cheveux de ce Tyran. La Mer leur étoit auffi en abomination, parce qu'ils croyoient qu'elle étoit elle-même Typhon : mais autant qu'il étoit odieux à cet ancien Peuple, autant il honoroit la me moire d'Ifis & d'Ofiris. ARTICLE III. Hiftoire du culte rendu à Ifis & Ofiris. Isis étant morte quelque temps après la victoire de fon fils fur Typhon, les Egyptiens l'adorerent, avec fon mari Ofiris, comme des Divinités; & parce qu'ils s'étoient appliqués pendant leur regne à enfeigner l'Agriculture, le bœuf & la vache devinrent leurs fymboles. On inftitua des fêtes en leur honneur, où il fe mêla dans la fuite plusieurs infamies. On portoit dans les Proceffions l'image infame du Phallus qu'Ifis avoit confacré, & qui devint le fymbole de la fecondité, quoique dans fon institution il n'eût été que la marque de la paffion d'Îsis pour Ofiris fon mari. Une des principales ceremonies des fêtes d'Ofiris, étoit l'apparition du boeuf Apis, qui devoit fucceder à celui que les Prêtres avoient noyé dans la fontaine facrée, ou qui étoit mort naturellement. Ce boeuf que les Prêtres nourriffoient avec tant de foin, & pour lequel toute l'Egypte avoit tant de veneration, étoit regardé comme un Dieu. Pour donner quelque croyance à cette fuperftition, on difoit qu'il reprefentoit l'ame d'Ofiris, qui après la mort de ce Prince s'y étoit retirée, & qu'elle avoit choifi préferablement à tous les autres animaux, parce qu'il étoit le fymbole de l'Agriculture, que ce Prince avoit pris tant de foin de perfectionner. Herodote dit qu'il falloit que ce boeuf füt noir par tout le corps, avec une marque blanche & quarrée fur le front: il devoit avoirfur le dos la figure d'un Aigle, un noeud fous la langue de la figure de l'Efcarbot, les poils de la queue doubles; & felon Pline, une marque blanche fur le côté droit, laquelle, fuivant Ammian Marcellin & Elien, devoit reffembler au croiffant de la Lune. Enfin la Geniffe qui le portoit devoit (1) De Abft. l'avoir conçu d'un coup de tonnerre (a). Porphyre (1) dont W le deffein étoit de tourner en allegories l'ancienne Theologie des Egyptiens, & des autres Peuples, dit que toutes ces marques avoient rapport au Soleil & à la Lune, aufquels le bœuf (a) Voyez Pline, Plutarque, Diodore, &c. Apis |