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Apis étoit confacré que le poil noir qui étoit dominant en lui, reprefentoit le Soleil, dont les rayons brûlent les corps ; & que la tache blanche qu'il avoit au front, & le croissant qu'il portoit fur le côté, marquoit la Lune. Cet Auteur pouvoit ajouter que l'Aigle, & l'Escarbot étoient auffi les fymboles du Soleil.

Sans y chercher tant de myfteres, je crois que les Prêtres imprimoient les marques dont je viens de parler, à quelques jeunes veaux qu'ils faifoient nourrir fecretement: & s'ils demeuroient quelquefois long-temps à faire paroître leur Dieu Apis, c'étoit pour ôter le foupçon de cette fupercherie (a).

La fête d'Apis duroit fept jours: on alloit en foule le prendre dans le lieu où on l'avoit trouvé ; les Prêtres menoient la pompe, & chacun s'empreffoit à le recevoir dans sa maison. On croyoit que les enfans qui avoient fenti fon haleine, devenoient capables de prédire l'avenir, ainsi que Pline, Solin, & Lucien le rapportent.

Pline (1) nous apprend que ce Dieu avoit deux Etables, (1) Liv. 8. ou plûtôt deux Temples, Delubra, au lieu qu'Herodote (2) (2)L. 2.C. 46° dit feulement que c'étoit une Salle, Ouvrage de Pfammeticus, laquelle au lieu de colomnes, étoit foutenue de Statues coloffales de douze coudées, ou de dix-huit pieds de hauteur (b).

Quoiqu'il en foit, le jour de la fête d'Ofiris, les Prêtres conduifoient le boeuf Apis fur le bord du Nil, & le noyoient avec beaucoup de ceremonie, & cela précisément au jour, au-delà duquel, felon leurs Livres facrés, il ne lui étoit plus permis de vivre (c). On l'embaumoit & on l'enterroit à Memphis, & après cela il étoit permis aux Prêtres d'aller dans le Temple de Serapis, dont l'entrée leur avoit été interdite pendant toute la fête. Après la mort du boeuf Apis le peuple pleuroit & fe lamentoit, comme fi Ofiris venoit de mourir : les Prêtres fe coupoient les cheveux; ce qui étoit en Egypte la marque de plus grand deuil; & ce deuil duroit jufqu'à ce

(a) Saint Auguftin a cru que les Demons prefentant aux Vaches dans le temps de la conception, les marques dont il eft ici queftion, elles s'imprimoient fur leurs Veaux.

(b) Voyez Strabon, L. 7..

(c) Stato die, ultra quem vivere fas non erat, aquis mergebant. Pline, Liv. 8. PPP ;

Tome I.

qu'on eût fait paroître un autre boeuf femblable au premier par les mêmes marques. Alors on commençoit à fe rejouir, comme fi le Prince fût reffufcité lui-même. Cette fête duroit encore au temps de Cambyfe, lequel étant arrivé à Memphis à fon retour d'Ethiopie, dont le voyage lui avoit été si funefte, trouva le Peuple occupé à celebrer la Fête d'Ofi(1) Herod. ris (1), & s'étant imaginé qu'on fe réjouiffoit de fa difgrace, il fit appeller les Prêtres pour leur demander le fujet de leur joye. Ceux-ci ayant répondu que l'on celebroit l'apparition d'Apis qui avoit été long-temps fans fe faire voir, Cambyse peu fatisfait de cette reponse, fit amener devant lui ce prétendu Dieu, à qui il donna un coup d'épée dont il mourut, fit fuftiger les Prêtres, & ordonna à fes Soldats de massacrer tous ceux qu'on trouveroit celebrant cette Fête.

Liv. 2.

J'ai oublié de dire qu'après qu'on avoit découvert un Taureau propre à reprefenter Apis, on le laiffoit, avant que de le conduire à Memphis, dans la ville du Nil, où il étoit nourri pendant quarante jours. Les femmes feules avoient la liberté de le voir durant ce temps-là, & elles fe prefentoient devant lui d'une maniere très-indecente. La quarantaine expirée, on le mettoit dans une barque, où il y avoit une niche dorée pour le recevoir ; & c'eft ainfi qu'il defcendoit le Nil jufqu'à Memphis.

Il eft bon, avant de paffer outre, de faire remarquer, qu'outre le boeuf Apis adoré à Memphis, il y en avoit un autre à Heliopolis, nommé Mnevis, qui étoit auffi le fymbole d'O(2) Liv. 2. firis, fi nous en croyons Diodore (2); quoique plufieurs Auteurs prétendent que le premier étoit confacré à Ofiris, & le fecond à Ifis. Ce qui eft fûr, c'eft que la fuperftition des Egyptiens au fujet du bœuf Apis, étoit pouffée jusqu'au dernier excès. Ils l'honoroient comme un Dieu, & le confultoient comme un Oracle. Lorfqu'il prenoit ce qu'on lui prefentoit (3) Plin. L. 8. à manger (3), c'étoit une reponse favorable, & on regardoit comme un mauvais prefage, le refus qu'il en faifoit. Pline obferve qu'il n'avoit pas voulu manger ce que l'infortuné Germanicus lui avoit offert, & ce Prince mourut en effet bientôt après, de la maniere que chacun fçait. Il en étoit de même des deux Loges qu'on lui avoit bâties; lorfqu'il entroit

C. 48.

dans une, c'étoit un bon augure pour l'Egypte, & un mauvais quand la fantaifie le conduifoit dans l'autre ; tant ce Peuple fi vanté par sa politesse, étoit extrême dans fes supersti

tions.

Paufanias (1) dit que ceux qui devoient le confulter brû- (1) Liv. 8. loient auparavant de l'encens fur un Autel, rempliffoient d'huile les lampes qui y étoient allumées, & mettoient fur cet Autel une piece de monnoye, à la droite de la Statue d'Apis. Enfuite ayant approché l'oreille de la bouche du Dieu, pour l'interroger, ils fe retiroient, fermoient les deux oreilles jufqu'à ce qu'ils fuffent fortis de l'enceinte du Temple, & prenoient pour la reponse du Dieu la premiere chofe qu'ils entendoient.

Ce Taureau étoit prefque toujours renfermé dans une de fes Loges, & ne fortoit que rarement, fi ce n'eft dans un preau, qui étoit auffi enfermé, & où on le laiffoit quelque temps; c'étoit-là que les étrangers venoient le voir. Dans les occafions où on le promenoit par la ville, il étoit escorté d'Officiers, qui éloignoient la foule, & précédé d'enfans qui chantoient des Hymnes à fa louange.

Nous avons vu de quelle maniere les Prêtres le noyoient dans une fontaine facrée, lorfqu'ils ne jugeoient pas qu'il dût vivre plus long-temps; mais lorsqu'il mouroit d'une mort naturelle, on lui faifoit des obfeques magnifiques, où la dé penfe étoit fi peu épargnée, que ceux qui étoient commis à fa garde, s'y ruinoient. Il arriva même une fois, du temps de Ptolemée fils de Lagus, qu'on emprunta cinquante talens pour les frais de fes obfeques.

Telle eft, felon l'ancienne tradition, l'hiftoire d'Ifis & d'Ofiris, & celle des ceremonies de ces deux Divinités, que les Grecs adopterent long-temps après dans l'Hiftoire de leur Bacchus, qui n'étoit qu'une copie de ces anciennes Divinités des Egyptiens, comme nous le ferons voir dans une

autre occafion.

De fçavoir maintenant quel a été cet Ofiris, & en quel temps il a vêcu, c'eft ce qui n'eft pas aifé à décider. Quelques Auteurs prétendent que c'eft Jofeph (2), cet ancien Patriarche (2) Voffius fi fameux en Egypte, pour l'avoir fauvée de la famine, &

De Idol. L. 2.

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l'avoir gouvernée avec tant de fageffe. Selon d'autres c'eft Moyfe mais quelques beaux que foient les paralleles que -l'on fait de ces deux grands Hommes avec Ofiris, il fuffit de faire remarquer que ce Roi d'Egypte étoit plus ancien qu'eux, & que fon culte étoit établi de leur temps dans toute l'Egypte, puifque les Ifraëlites en imiterent les ceremonies dans l'adoration du Veau d'or.

Ainfi je crois qu'Ofiris eft le même que Mefraïm fils de Cham, qui peupla l'Egypte quelque temps après le Deluge, & qui fut mis après fa mort au nombre des Dieux, fuivant la coutume d'élever à ce rang ceux qui fondoient les Empires: & fi les Anciens ont dit qu'il étoit fils de Jupiter, c'eft qu'il étoit fils de Cham ou Ammon, qu'il avoit lui-même reconnu comme un Dieu.

Le Chevalier Marsham croit qu'Ofiris eft Cham lui-même, connu fous le nom de Menès à la tête des Dynafties, qui fuccederent aux Dieux & au Demi-Dieux, & il confirme fon opinion, par la remarque qu'Africanus avoit tirée de Manethon touchant le premier Roi d'Egypte, qu'un Crocodile avoit devoré; ce qui convient parfaitement à Ofiris, tué par Typhon, que l'on reprefentoit fous la figure de ce cruel animal.

Malgré l'obfcurité qui regne dans l'hiftoire d'Ofiris, les Sçavans font obligés de convenir, qu'il a été un des premiers defcendants de Noé par Cham, & qu'il gouverna l'Egypte, où fon pere s'étoit retiré & y avoit fondé un petit Royaume, peu d'années après la dispersion arrivée au temps de Phaleg. C'eft incontestablement de cette branche des enfans de Noé que l'Egypte reçut fes premiers habitans. Ce pays eft fouvent nommé dans les Livres Saints, la terre de Mefraïm, ou Meftraïm, & il y eft fait mention de la ville d'Ammon. Or on ne fçauroit douter qu'Ammon ne foit le même que Cham, dont le nom a été adouci par la fuppreffion de la premiere confone.

Les Egyptiens qui croyoient que les Dieux, & depuis les Demi-Dieux avoient regné chez eux pendant plufieurs fiecles, conviennent que les hommes fuccederent dans la Royauté aux Demi-Dieux, & que celui qu'ils mettent à la tête des Dynafties des hommes, s'appelloit Menès, ou Mnevis: cependant on ne trouve point le nom d'Ofiris dans ces Dynasties;

C

"

mais Diodore de Sicile, qui nous a confervé avec beaucoup
de foin les plus anciennes traditions des Egyptiens, affûre que
ce Prince eft le même que Menès, le premier Roi d'Egypte,
& c'est-là qu'il faut s'en tenir. Peut-être que dans fon Apo-
theofe on changea fon nom en celui d'Ofiris: car nous fça-
vons à n'en pas douter, que
, que les Grecs en ufoient fouvent de
même à l'égard de ceux qu'ils élevoient au rang des Dieux,
comme le prouvent les exemples que j'en ai rapportés au
commencement de cet Ouvrage.

Enfin, je dois terminer l'article d'Ofiris & d'Ifis par quel-
ques Infcriptions trouvées fur d'anciens Monumens, qui font
voir en peu de mots ce que penfoient de ces deux Divinités
les Peuples qui en avoient adopté le culte.

Pour Ofiris.

SATURNE, LE PLUS JEUNE DE TOUS LES
DIEUX, ETOIT MON PERE. JE SUIS OSIRIS.
Enfuite eft cette autre Legende.

CE ROI CONDUISIT UNE ARME'E JUS-
QU'AUX DESERTS DE L'INDE, ET DE LA
VERS LE SEPTENTRION, JUSQU'AUX SOUR-
CES DE L'ISTER, ET ENSUITE JUSQU'A
L'OCEAN.

JE SUIS LE FILS AINE' DE SATURNE, SORTI
D'UNE TIGE ILLUSTRE, ET D'UN SANG
GENEREUX; COUSIN DU JOUR: IL N'EST
POINT DE LIEU OU JE N'AYE E'TE', ET J'AY
LIBERALEMENT REPANDU MES BIENFAITS
SUR TOUT LE GENRE HUMAIN.

Quoiqu'il y ait un grand nombre de ces Infcriptions pour Ifis,
je me contenterai d'en rapporter trois; la premiere qu'on trouve (1) Liv. 1.
dans Diodore de Sicile (1) eft conçue en ces termes :

MOI ISIS, SUIS LA REINE DE CE PAYS, ET
JAY EU MERCURE POUR PREMIER MI-
NISTRE. PERSONNE N'A PU EMPESCHER

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