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cles. On lui offroit en facrifice du miel & du lait de chevre, & on celebroit en fon honneur les Lupercales. Cette fête dans la fuite devint très-celebre en Italie, où Evandre Arcadien avoit porté le culte de Pan. Les Grecs, outre la fable de Syrinx, dont j'ai parlé, en debitoient plusieurs autres au fujet de ce Dieu comme d'avoir decouvert à Jupiter le lieu où Cerès s'étoit cachée, après l'enlevement de Proferpine. Jupiter fur cet avis envoya, dit-on, les Parques à cette Déeffe pour la confoler, & l'obliger par leurs prieres à faire ceffer la fterilité que fon abfence avoit causée sur la terre (1).

,

(1) Pauf. in Arcad.

Ce font auffi les Grecs qui ont attribué à leur Dieu Pan, l'origine de cette forte de terreur fubite qui faifit, fans qu'on en connoiffe la caufe; ce fut par une femblable crainte que l'Armée de Brennus, Chef des Gaulois, prit la fuite; mais Plutarque & Polyenus en rapportent l'origine au Dieu Pan des Egyptiens. Le premier de ces deux Auteurs dit que les Pans & les Satyres, effrayez de la mort d'Ofiris que Typhon avoit massacré inhumainement, firent retentir les rivages du Nil de leurs hurlemens & de leurs plaintes, & que depuis on appella terreur Panique, cette crainte vaine & fubite qui furprend. Polyenus (2) rapporte l'origine de ces terreurs au ftrata- (2) Dans fes géme dont Pan, Lieutenant General d'Ofiris, fe fervit pour degager l'armée de ce Prince, furprise la nuit par les Barbares dans une vallée; il leur ordonna de jetter des cris & des hurlemens épouvantables, dont les ennemis furent fi effrayés, qu'ils prirent la fuite. Mais Bochart (3) prétend que Pan n'a paffé pour être caufe de ces terreurs, que parce qu'on exprime en Hebreu un homme épouvanté, par le mot de Pan on Phan.

Stratag.

Il eft bon de remarquer ici en paffant, que plufieurs Sçavans confondent Pan avec Faunus & Sylvanus, & croient que ce n'étoit qu'une même Divinité, adorée fous ces differens noms. Le Pere Thomaffin le prouve par plufieurs autorités tirées des Arciens, aufquelles il pouvoit joindre celle de Probus dans fes Commentaires fur Virgile, de Feneftella, & de plufieurs autres. Les Lupercales mêmes étoient également celebrées en l'honneur de ces trois Divinités, qui étoient à la

(3) Chan. Lг.

C. 18.

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verité differentes dans leur origine, mais qui furent confondues dans la fuite.

Il faut avouer pourtant qu'on a fort allegorifé la fable de Pan dans la fuite, & que ce Dieu a été regardé comme le fymbole de la nature. Son nom même en Grec (a), fignifie tout; auffi lui met-on des cornes à la tête, pour marquer, difent les Mythologues, les rayons du Soleil, comme la vivacité & le rouge de fon tein marquent l'éclat du ciel : l'étoile qu'il porte fur fon eftomac, eft le fymbole du Firmament ; & fes pieds & fes jambes couvertes de poil, defignent la partie inferieure du monde, la terre, les arbres, & les plantes.

Les Egyptiens après avoir adoré le Soleil fous le nom d'Ofiris, la Lune fous celui d'Ifis, adorerent toute la nature fous le fymbole de Pan, qui doit être regardé comme une des plus anciennes Divinités du Paganisme. On le trouve en Egypte du temps que les Dieux attaqués par les Geants s'y refugierent; & felon Plutarque (b), les Pans & les Satyres (1) Liv. 1. furent les premiers qui pleurerent la mort d'Osiris. Diodore (1) ajoute que Pan accompagna Bacchus dans fa conquête des Indes, comme nous l'avons dit: or le Bacchus qui fit cette conquête étoit Egyptien, puifque c'étoit Ofiris lui-même.

J'ai été obligé de rapporter les fables Grecques au fujet de Pan; mais dans le fonds tout fe reduit à dire qu'il étoit un des plus grands Dieux de l'Egypte, qu'il étoit honoré furtout à Mendès, que fon culte fut porté dans la Grece par les Colonies Egyptiennes, qu'il devint furtout celebre dans l'Arcadie, qu'Evandre le fit connoître en Italie, où il alla s'établir avec fa Colonie quelques années avant la guerre de Troye; & qu'enfin le culte de ce Dieu fut reçu à Rome, avec les fêtes qu'on celebroit en fon honneur.

Finiffons en difant un mot de cette voix qui felon Plutarque fut entendue vers les Ifles Echinades dans la mer d'Ionie, & qui prononça ces mots, le Grand Pan eft mort. Les Aftrologues de ce temps-là confultés par Tibere, fur la foi d'un Pilote, nommé Thamus, qui affûra l'avoir entendue, dirent à ce Prince qu'elle vouloit parler de Pan, fils de Penelope. Il

(a) Пav, omne, felon Platon verbum, la parole.

(b) Traité d'Ifis & d'Ofiris.

ya apparence que Thamus avoit été fuborné pour épouvanter l'Empereur ; fi l'on n'aime mieux dire avec Eufebe que cette voix étoit furnaturelle, & que Dieu vouloit par-là apprendre à l'Univers la mort du Meffie, arrivée fous le Regne de cet Empereur Romain.

Le culte rendu au bouc, comme reprefentant le Dieu Pan, nous conduit naturellement à un article important de la Religion des Egyptiens au fujet de celui qu'ils rendoient aux animaux. Nous avons deux chofes à examiner : 1°. Quels étoient les animaux pour lefquels les Egyptiens avoient une veneration particuliere ; 2°. Quelle étoit la nature du culte qu'ils leur rendoient.

CHAPITRE III.

Du Culte rendu aux animaux par les Egyptiens.

Q

UE les Egyptiens ayent honoré les animaux d'un culte public, & autorifé par les Loix du pays, c'est un fait qu'on ne fçauroit revoquer en doute, & qui leur a été tant reproché, que les invectives que leur ont fait à ce fujet les Grecs & les Romains, font connues de tout le monde.

Quis nefcit, Volufi Bithynice, qualia demens
Ægyptus portenta colat (1) ?

Ce même Poëte les infulte fur ce qu'ils n'ofoient manger ni porreaux ni oignons.

Porrum & cepe nefas violare, & frangere morfu (a).
O fanetas gentes quibus hæc nascuntur in hortis
Numina (2) !

Lucien s'eft souvent mocqué dans fes Dialogues, de cette folle fuperftition. Encore s'il n'y avoit que des Poëtes & des Auteurs fatyriques qui les euffent raillé fur ce fujet, on pourroit

(4) Pline penfe comme Juvenal. Allium cepafque, dit-il, inter Deos jurejurando habet Egyptus. Liv. 19.

(1) Juv. Sat.

15.

(2) Id. Sat,

16.

Of.

croire qu'ils avoient moins confulté la verité, que le penchant qu'ils avoient à medire; mais les Hiftoriens les plus graves & les plus judicieux leur ont fait les mêmes reproches. Herodote, Diodore de Sicile, & plufieurs autres, parlent des differens animaux qu'honoroient les Egyptiens; comme nous le dirons dans la fuite. Elien (1) n'eft entré fur ce fujet dans quelque détail, que pour fe mocquer de cette folle fupersti(2) De If. & tion. Plutarque (2), qui a cherché à excufer les Egyptiens, convient cependant qu'un culte qui a les animaux pour objet, paroît ridicule au premier coup d'œil. Que penfer en effet d'un Peuple dont les Temples étoient remplis des figures de prefque tous les animaux que produifoit leur pays? Quelle autre idée que celle d'un culte veritablement religieux, pouvoit on fe former en voyant ces animaux nourris & logés avec un foin particulier, ainsi que l'étoient le boeuf Apis à Memphis, le Crocodile à Arfinoé, le Chat à Bubafte, le Bouc à Mendès, &c. Ajoutez qu'on embaumoit après leur mort les Oyfeaux & les animaux facrés, pour les mettre dans les Catacombes qui leur étoient deftinées; & on fera contraint de dire avec Ciceron que les Egyptiens avoient plus de respect & de veneration pour les animaux, que les Romains pour leurs Temples & pour les Statues de leurs Dieux.

(1) De Anim. L. 12. C. 5.

Enfin quand on fçait qu'ils puniffoient de mort ceux qui tuoient quelqu'un des animaux facrés, il eft bien difficile de ne pas croire qu'ils poufferent cette fuperftition jufqu'au dernier excès. Cependant le fait eft certain, & quand nous n'aurions pas l'hiftoire de ce Soldat Romain qui avoit tué un chat, & qu'il fut impoffible d'arracher à la fureur du Peuple qui le massacra, malgré l'interêt 'qu'avoit Ptolemée à ménager le Senat, ainfi que le raconte Diodore de Sicile, le temoignage de Moyfe fuffiroit pour le prouver. Ce faint Legislateur, demandant à Pharaon la permiffion d'aller facrifier dans le Defert, lui dit que s'il immoloit dans l'Egypte même des animaux qui y font honorés, on le lapideroit (b).

:

(a) Firmiores apud Egyptios opiniones esse de beftiis quibufdam, quàm apud Romanos de Janctiffimis Templis & Simulachris Deorum. De Nat. Deor. L. r.

(b) Quod fi mactaverimus ea quæ colunt Ægyptii, coram eis, lapidibus nos obruem. Exod. 8.

Ainfi

Ainfi Jofeph, difputant contre Apion (1), avoit raifon de (1) Liv. 2. lui dire, que fi l'Univers avoit embraffé la Religion Egyptienne, il auroit bien tôt été fans hommes, & tout peuplé d'animaux. Mais pour faire mieux connoître cet article de la Theologie Egyptienne, il faut entrer dans quelque détail.

Nous avons déja vû de quelle maniere les Egyptiens honoroient les Boeufs Apis & Mnevis, fymboles de leur Ofiris; Anubis avec une tête de chien, & Pan fous la figure d'un bouc. On fçait auffi qu'à Arfinoé, ville fituée près du Lac Moris, on avoit un grand refpect pour les Crocodiles, qu'on les nourriffoit avec foin, & qu'après leur mort on les embaumoit, & on les enterroit dans les chambres foûterraines du Labyrinthe: qu'à Bubaste, dans la Baffe-Egypte, les Chats étoient en telle veneration, qu'il étoit défendu fous peine de la vie, de les tuer. Herodote (2) obferve à cette occafion que (2) Liv. 2. quand il arrive quelque incendie, les chats font agités d'un c. 66. mouvement divin, & que les Egyptiens qui les gardent, negligent l'incendie pour obferver ce que font alors ces animaux; & il ajoute, que malgré les foins qu'on fe donne pour les retenir, ils s'échapent & vont fe jetter dans le feu. Alors, continue cet Auteur, les Egyptiens prennent le deuil, & pleurent la perte qu'ils viennent de faire. Le même Historien remarque encore, que quand un chat meurt de fa mort naturelle, tous ceux de la maifon où cet accident eft arrivé, se rafent les fourcils en figne de trifteffe; & fi c'eft un chien qui meurt, ils se rasent tout le corps & la tête. Le deuil fini, on embaume les chats, & on va les enfevelir à Bubaste.

Le Chien, le Lion, l'Ichneumon, l'Epervier, le Singe; & d'autres animaux encore, étoient l'objet de la veneration du même Peuple ; ce qui fait dire à Herodote, que les Egypriens regardoient comme facrés, tous les animaux qui naiffoient dans leur Pays; dont le nombre cependant n'étoit bien confiderable, quoiqu'ils fuffent voifins de la Libye, qui en produit en fi grande abondance. De- là tant de figures monftrueuses de Divinités Egyptiennes, qu'on trouve dans les Antiquaires, avec des têtes de chat (a), de chien, de loup, de lion, de finge, &c.

pas

(a) Voilà quel étoit en Egypte le Dieu Chat ou lurus, dont on trouve plufieurs
Tome I.
Sss

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