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CHAPITRE V.

De quelques autres Dieux Egyptiens.

N ne doit pas s'imaginer que j'aye renfermé dans ce Traité tous les Dieux qu'adoroit l'Egypte; la chose n'eft pas poffible: il fuffit d'avoir parlé des principaux, & des plus connus. Les autres, dont le culte penetra dans la Grece & dans l'Italie, feront la matiere du fecond Volume puifqu'à l'exception de Neptune & de quelques autres, tous les Dieux des Grecs & des Romains leur étoient venus de l'Egypte. Je dois cependant, avant que de finir cette matiere, dire qu'on a decouvert, & qu'on decouvre encore tous les jours, en ouvrant les puits des Momies, une infinité d'Idoles, qui reprefentent les Dieux Egyptiens. Quelques-unes de ces İdoles ont une tête ou de chien, ou de lion, ou de loup, ou de chat, & alors il eft aifé de voir que ce font, ou des Anubis, Dianes Bubaftes, &c. Mais quelquefois auffi elles prefentent des figures fi bizarres, & fi extraordinaires, qu'elles paroiffent plûtôt des monftres que des Dieux, ainsi qu'on peut le voir dans les Antiquaires qui en ont fait deffiner quelques unes.

ou des

Le Pere Kirker qui a parlé de ces Idoles, dans fon Edipe, dit qu'on les enterroit avec les cadavres pour être des prefervatifs contre les mauvais Genies, qu'on croioit inquieter les manes des morts; & je ne crois pas qu'on puiffe rien dire de plus vraisemblable.

Enfin, pour qu'il ne manquât rien à l'Idolâtrie des Egyptiens, ils avoient plufieurs Oracles, qu'ils confultoient dans (1) Liv. 2. toutes les occafions. Herodote (1) parle de ceux de Jupiter, de Minerve, de Latone, d'Apollon, de Diane, de Mars, & d'Hercule d'autres Auteurs nomment ceux d'Apis, du Lion, de la Chevre, & du Crocodile.

CHAPITRE VI.

Des Pompes & des Ceremonies publiques des Egyptiens, & de quelques autres Peuples.

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AMAIS Religion ne fut plus chargée de Ceremonies, que celle des Egyptiens, & il n'y eut jamais rien de plus brilTant que leurs Fêtes & leurs Proceffions. Un concours infini de monde, la licence, la joie, tout fe rencontroit dans la celebration de leurs Fêtes; & fi les Prêtres s'y préparoient par le jeûne, par , par la continence, & par d'autres ceremonies gênantes, le Peuple les attendoit comme les jours de leur vie les plus propres au plaisir & à la debauche.

Parmi ces Fêtes on en comptoit fix principales. La premiere étoit celebrée à Bubafte, en l'honneur de Diane; la feconde à Bufiris pour la Déeffe Ifis; la troifiéme à Saïs pour Minerve; la quatriéme à Heliopolis en l'honneur du Soleil: la cinquiéme à Butès, étoit la Fête de Latone; la fixiéme étoit celebrée à Papremis en l'honneur de Mars.

J'ai déja dit que la fête du Dieu Apis avoit cela de fingulier qu'après que le Peuple avoit paffé quelques jours dans le deuil & dans la trifteffe pour pleurer la perte de ce Dieu qu'on avoit noyé dans le Nil, il fe livroit à la joie dès que les Prêtres avoient publié qu'il en avoit paru un autre, diftingué par les mêmes marques, avec d'autant moins de moderation, qu'il avoit paru plus affligé. Les feftins, la danse, & toutes les autres demonstrations d'une allegreffe publique, fuccedoient aux larmes qu'on avoit repandues, & toute l'Egypte prenoit part à cette folemnité.

Il n'y avoit rien de fi brillant, rien de fi pompeux que les Proceffions qu'on faifoit en l'honneur d'Ifis & d'Osiris: on y portoit folemnellement les Statues de ces deux Divinités avec leurs fymboles. Les Prêtres, pour y affifter, se faifoient rafer la tête, pendant que les Prêtreffes confervoient leur cheveleure. Des habits blancs, faits du lin le plus fin, des couronnes & des guirlandes diftinguoient ces Prêtres & ces Prêtreffes

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(1) Liv. 4.

du nombre infini de peuple qui affiftoit à ces Proceffions ; & le bruit des Siftres, des Tambours & des Cymbales, rempliffoit les Affiftans d'un trouble mêlé de joie, qu'il est difficile d'exprimer. Herodote (1) parle d'une Fête d'Isis, où l'on portoit fa Statue fur un chariot à quatre roues, tiré pár les Prêtres de cette Déeffe; & Clement d'Alexandrie (2) décrit une autre Proceffion Egyptienne, où l'on portoit deux chiens d'or, un Epervier & un Ibis. Le même Auteur rapporte dans (3) Idem. un autre endroit (3), les paroles de Menandre qui railloit ces Divinités coureufes, qui ne pouvoient demeurer en place.

(2) Strom.

Liv. 5.

Protrep.

La Fête de Bubafte, dans. là Baffe-Egypte, étoit encore plus folemnelle. On y venoit de toutes parts, & le Nil étoit durant plufieurs jours chargé de Barques, que ceux qui les rempliffoient avoient ornées de tout ce qui leur avoit paru propre à les embellir: & comme chaque Barque avoit fes Muficiens & fa fymphonie, l'air retentiffoit partout du bruit de leurs inftrumens. On accouroit de tous côtés fur les bords du fleuve pour voir paffer ces Barques : ceux qui étoient dédans, fuivant un ufage fort ancien & qui dure encore aujourd'hui prefque partout, apoftrophoient avec des railleries piquantes, & fouvent avec des injures groffieres, ceux qui venoient les voir; lefquels de leur côté les leur rendoient avec ufure. Les femmes qui étoient dans les Bateaux fe prefentoient à ces curieux d'une maniere trop immodefte pour la décrire ici. On avoit foin de préparer fur les bords du fleuve une infinités d'Hotelleries, où l'on venoit fe rafraîchir, & on y trouvoit en abondance tout ce qui pouvoit contribuer à la bonne chere. On comptoit jufqu'à fept cens mille perfonnes qui affiftoient à cette fête, fans parler des enfans qui accompagnoient leurs parens. Lorfqu'on étoit arrivé à Bubaste, on se livroit entierement à la joie & à la debauche, & il fe confumoit plus de vin dans cette ville pendant le fejour qu'on y faifoit à l'occafion de cette folemnité, que dans tout le refte de l'année.

Comme il n'y a rien qui s'aboliffe plus difficilement que les Ceremonies où fe mêle la debauche, cette fête dure encore aujourd'hui, quoique l'objet en foit changé; & tous les ans les Egyptiens, & les Turcs qui les gouvernent, descendent

le Nil dans une certaine faifon de l'année, depuis le Caire jufqu'à Rofette, avec une fi grande affluence de monde, que le fleuve reffemble à une ville flotante (a). Les Inftrumens de mufique, les Hôtelleries, & les injures qu'on dit à ceux qui font fur les bords du Nil, tout y reffemble à l'ancienne Fête de Bubafte. Mais rien ne fut jamais fi magnifique, fi pompeux, que la Proceffion folemnelle faite par l'ordre de Ptolemée, dont on trouve la defcription dans Theocrite, & dans Athenée, qui l'a tirée d'un ancien Auteur.

A la Fête de Bufiris qu'on celebroit à l'honneur d'Ifis, les Sacrifices étoient fuivis d'une flagellation dont les hommes & les femmes ne s'exemptoient pas; mais c'étoient fur-tout les Cariens qui habitoient en Egypte, qui fe donnoient le fouet avec plus de courage, & ils ajoutoient même à cette ceremonie, celle de fe percer le front avec la pointe d'une épée.

Ce qui diftinguoit la fête de Minerve à Saïs, étoit le grand nombre de lampes qu'on y allumoit pendant la nuit ; & ceux qui ne pouvoient affifter à cette fête, en allumoient chez eux. La Fête d'Heliopolis & celle de Butès, n'avoient pour toutes Ceremonies que les Sacrifices qu'on y offroit au Soleil & à Latone.

Mais celle qu'on celebroit à Pampremis en l'honneur de Mars, étoit accompagnée d'une fingularité remarquable. Les Prêtres portoient fur un char à quatre roues la Statue de ce Dieu, qui étoit enfermée dans une petite chapelle de bois doré; & dans le temps qu'ils s'efforçoient de faire entrer le char & la Statue dans le Temple de cette Divinité, des hommes armés de maffues fe prefentoient pour l'empêcher; & comme les Prêtres qui accompagnoient la Proceffion avoient auffi leurs armes, il fe livroit un combat, où naturellement il devoit perir beaucoup de monde. Les Egyptiens affuroient cependant que perfonne ne mouroit des coups qu'on recevoit en cette occafion.

Les Egyptiens avoient encore plufieurs fortes de Proceffions, mais moins folemnelles que celles que je viens de décrire. Macrobe (1) nous apprend qu'on promenoit fur un (1) Sat. L. 1o

(a) Voyez le troifiéme Voyage de Paul Lucas.

brancard, le Jupiter d'Heliopolis, porté fur les épaules des hommes, à peu près comme les Romains portoient leurs Dieux dans la pompe des Jeux du Cirque, & comme nous portons dans de pareilles occafions les Chaffes de nos Saints.

Les Hebreux qui prirent des Egyptiens le funefte penchant qu'ils avoient pour l'idolâtrie, ne les imiterent que trop fouvent, non feulement dans la folemnité du Veau d'or, ainfi que nous l'avons dit, mais encore dans l'ufage de leurs Proceffions. Le Prophete Amos leur reproche d'avoir porté dans le Defert la Tente du Dieu Moloch, l'Image de leur Idole, & l'Etoile du Dieu Rempham (a). Saint Etienne, dans les (1) Chap. 7. Actes des Apotres (1), leur fait à peu près le même reproche. Voilà des Dieux portés en ceremonie, logés dans une tente; des figures d'Aftre, & une Divinité reconnue pour le Roi de ceux qui l'adoroient; c'est-à-dire, les Dieux d'Egypte, le Soleil ou Ofiris, & les autres que ce Peuple fuperftitieux croyoit les avoir delivrés de la fervitude, & qui difoit : Voilà res (2) Ex. 32. Dieux, qui t'ont tiré d'Egypte (2).

V43.

Eul. Præp.

L. 1. 11. 10.

Plufieurs autres Peuples pratiquoient les mêmes Ceremonies, foit qu'ils les euffent apprifes des Egyptiens, comme il y a beaucoup de vraisemblance, foit qu'ils les euffent inventées eux-mêmes. Philon de Byblos, en parlant d'Agrotès fameufe Divinité des Pheniciens, raconte au rapport d'Eu(3) Apud. febe (3), qu'on la portoit en Proceffion dans une Niche coudes animaux. Servius (4) nous apverte, fur un chariot trainé par (4) Ad 6.a. prend que les Carthaginois avoient des Dieux reprefentés par des Simulacres fort petits, qu'ils portoient dans des chariots couverts, & qui rendoient des Oracles par le mouvement (5) Liv. 4. qu'ils imprimoient à leur voiture. Quinte-Curce (5) affûre, (6) Chap. des ainfi que nous l'avons dit ailleurs (6), que l'Oracle de Jupiter Hammon se rendoit à peu près de la même maniere. Les an(7) De Mor. ciens Germains, au rapport de Tacite (7), avoient une Déeffe qui refidoit dans un bois facré d'une Ifle de l'Ocean, & cet Auteur ajoute qu'il y avoit dans ce même bois un chariot couvert, dont perfonne n'ofoit approcher que fon Sacrifica

Oracles.

German.

(a) Le texte Hebreux dit, » Vous avez porté les Tentes de votre Roi, & la baze » de vos figures, l'étoile de vos Dieux: ou, fuivant un autre Leçon, Chium votre » image, & l'Aftre votre Dieu que vous vous êtes faits. Amos. Ch. 26.

teur.

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