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teur. Ce Prêtre obfervoit le temps que la Déeffe y entroit, & alors il accompagnoit avec un grand refpect cette Litiere, tirée par deux Geniffes, dans la Proceffion qui fe faifoit à cette occafion. Tacite dit encore que partout où paffoit le chariot, la Déeffe étoit reçue avec des fêtes & des rejouiffances publiques; qu'après la Proceffion la Déeffe rentroit dans fon bois, comme fatiguée du commerce des mortels; & qu'alors le chariot, le voile qui le couvroit, & la Déeffe elle-même, étoient plongés dans un lac, & lavés par des Efclaves qu'on noyoit après cette Ceremonie.

Sulpice Severe dit que les Payfans Gaulois avoient coutume de porter leurs Dieux par la campagne, couverts d'un voile blanc. Simulachra Dæmonum candido tuta velamine, miferâ per agros fuos circumferre dementia.

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CHAPITRE VII.

Explication de la Table Ifiaque

UOIQUE CE Monument foit plus du reffort des Antiquaires que des Mythologues, je crois devoir le faire connoitre en peu de mots, parce qu'on y trouve Ifis & Ofiris, & prefque tous les autres Dieux d'Egypte avec leurs fymboles. Ainfi l'explication que je vais en donner fervira à faire entendre ce que nous en avons dit. La Table Ifiaque, ainsi nommée parce qu'elle paroît renfermer les myfteres d'Ifis, étoit une grande plaque de cuivre, gravée au premier burin & affez groffierement, fur laquelle étoient reprefentés prefque tous les Dieux de l'Egypte ; mais furtout Ifis & Oliris, qui y font repetés plufieurs fois avec tous leurs fymboles.

Sur ce fond de cuivre, ou de bronze, étoit un émail noir, entremêlé avec art de petites bandes d'argent. Lorsqu'en 1525. le Connétable de Bourbon prit la ville de Rome, un Serrurier l'acheta de quelque foldat, & la vendit enfuite au Cardinal Bembo, après la mort duquel elle paffa au Duc de Mantoue; & fut perdue enfin, fans qu'on ait jamais pu en apprendre aucune nouvelle, lorfqu'en 1630. les Imperiaux fe

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rendirent maîtres de cette ville. Heureusement elle avoit été gravée dans toute fa grandeur, & avec toute l'exactitude poffible par Enée Vico de Parme. Cette efpece de Tableau étoit divifé en trois bandes horisontales, dans chacune defquelles étoient differentes feparations, qui contenoient differentes actions. Ces compartimens font comme differens cartouches, diftingués quelquefois par de fimples traits feulement, mais plus fouvent par une bande affez large, qui est remplie d'hieroglyphes, c'eft-à-dire, de cette écriture mysterieufe, confacrée par les anciens Egyptiens aux myfteres de la Religion. Les quatre côtés de la Table étoient fermés par une bordure remplie comme le fond, de plufieurs figures de Dieux Egyptiens, & d'un grand nombre d'hieroglyphes.

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Cette Table reprefente-t'elle feulement les myfteres d'Ifis, dont la figure pofée dans une espece de niche, en occupe milieu ? ou contient-elle les principaux points de la Theologie des Egyptiens, puifque tous leurs Dieux y font reprefentés? c'eft ce qu'on ne fçauroit decider. Tout y paroît myf terieux & énigmatique, fuivant le genie de cette Nation. Pignorius fut prié d'expliquer ce Monument, & ne parut ceder qu'à regret aux empreffemens de fes amis. Auffi voit-on toujours un air de timidité dans les conjectures qu'il propose. Son Ouvrage, intitulé Menfa Ifiaca, fut imprimé in 4o. à Amfterdam, l'an 1669. Le Pere Kirker le fuivit de près, & traita le même fujet dans fon Edipe, avec cet air de confiance que lui donnoient la fuperiorité de fon efprit & la grande connoiffance qu'il avoit de la Religion des Egyptiens. Enfin Chifflet ajouta de nouvelles conjectures à celles du fçavant (1) In Notis Jefuite (1). Une Analyfe abregée de ce qu'ont rapporté au fujet de ce Monument les trois Antiquaires que je viens de nommer, fervira de fupplément à ce que j'ai dit des Dieux d'Egypte, & fera connoître plus particulierement leurs fymboles.

ad Mallarium.

Dans la bande fuperieure, en commençant par la gauche, on voit Ofiris qui tient d'une main un anneau, où paroît une croix bien formée ; & de l'autre, un bâton, ou plûtôt un Sceptre, terminé par une tête d'oifeau. Que la croix fe trouve parmi les fymboles des Divinités Egyptiennes, c'eft ce qui

paroît, quoiqu'en dife Jufte Lypfe (1), non feulement dans (1) DeCruce. les figures qui nous reftent, mais encore fur les Obelifques que le temps nous a confervés. L'Oifeau eft fans doute l'Epervier, confacré à Ifis. On voit après cela un Prêtre qui immole un chevreuil à cette Déeffe, qui eft vis-à-vis de lui, l'Autel au milieu. Ifis y eft reprefentée tenant d'une main un anneau avec fa croix, & de l'autre fon fceptre, terminé par la fleur du Lotus, qui étoit fon fymbole ordinaire. Son ornement de tête eft un peu different de ceux qu'elle porte dans d'autres figures; nous en parlerons dans la fuite. Vient après Ofiris le Sceptre à la main, qui prefente un Oifeau à Ifis, laquelle de fon côté lui prefente un Vase en forme de gobelet. Derriere la Déeffe eft un homme, qui tient d'une main un vafe femblable à celui que tient Ifis, & de l'autre un couteau recourbé comme une ferpe. Entre Ifis & Ofiris, dans la partie fuperieure du cartouche, eft un bouc, & dans l'inferieure le Singe, , que l'on nommoit Cercopitheque. Le perfonnage qui vient enfuite, & qui porte fur la tête un ferpent à tête d'oiseau, pendant qu'il tient d'une main un rameau, & de l'autre un bâton recourbé par le haut en forme de crosse, eft encore une Ifis. Ofiris avec les fymboles qu'il porte dans les autres figures, vient après, & fe trouve en regard avec une autre Ifis, qui tient une fleur à la main : le Griffon, animal confacré au Soleil, est au milieu. La bande eft terminée par trois figures, dont l'une eft encore un Ofiris, l'autre une Ifis, & la troifiéme, qui eft au milieu, un Prêtre qui tient un bâton d'une main, & de l'autre quelque efpece d'offrande, qu'on ne fçauroit diftinguer.

La bande du milieu, qui paroît la principale, reprefente des fcenes differentes : celle qui occupe le fond eft la principale. C'est d'abord une Ifis fur un Throne, dont la corniche eft foutenue par deux colomnes. L'ornement de tête de la Déeffe eft fingulier : c'eft un oiseau couché, dont les ailes éployées, vont jufques fur fes épaules. Cet oifeau, qui paroît tout moucheté, eft felon Pignorius, la poule de Numidie, que Martial appelle, Numidica guttata (2). Au deffus font (1) Lib. 3. deux tiges, apparemment du Lotus, qui au lieu de fleurs, Epig. 58. n'ont encore que des boutons le tout furmonté de deux

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grandes cornes, fermées par un trait; avec un difque dans l'efpace qu'elles laiffent entr'elles. Les ornemens de tête que porte cette Déeffe dans les Statues que nous en avons, font toujours fort elevés & fort extraordinaires. Elle paroît même quelquefois avec une tête de boeuf & de grandes cornes; mais plus fouvent avec la fleur de Lotus, formant un croiffant, avec un globe au milieu. Comme elle reprefentoit la Lune, il eft aifé de voir qu'on a voulu, foit par les cornes de bœuf, foit par le Lotus, pofé comme nous venons de le dire, marquer le Croiffant de cette Planete; & par le globe, figurer le monde dont elle fait le tour.

Dans la même fcene font fix figures, trois de chaque côté du Thrône, qui ont le vifage tourné vers la Déeffe. Deux debout avec de grands bâtons, qu'on peut regarder comme fes deux Gardes-du-Corps ; de affifes, ce font deux Ofiris, l'un avec le pennache ordinaire, l'autre avec une tête d'Ibis. Dans le bas du fiege de celui qui eft à droite, est le bœuf Apis, & fous celui qui eft à gauche, eft un crocodile.

Les deux dernieres figures de ce cartouche, qu'on a placées aux deux extrêmités, font affez fingulieres. Ce font deux femmes qui fe reffemblent entierement, foit dans leur habillement, foit dans les fymboles qu'elles portent. Leur ornement de tête eft compofé d'un grand pennache, avec des cornes & un difque; elles ont de grands cheveux, & des ailes fur les hanches. Comme elles tiennent une espece de couteau, tourné vers deux vafes qui font fur deux gueridons, il paroît qu'elles offrent un facrifice à Ifis, & que ce font deux de fes Prêtreffes, & non la Déeffe elle-même, comme le croit Pignorius.

Aux deux extremités de cette bande, font deux cartouches, feparés auffi en deux, & entierement femblables. Dans le haut, eft le bœuf Apis, avec deux Prêtres qui le regardent attentivement. Pignorius veut qu'ils obfervent s'il a les marques qu'il devoit avoir, pour reprefenter Ofiris; mais comme le Prêtre qui eft devant le bœuf, tient d'une main un vafe, & de l'autre quelque viande qu'il lui prefente, il eft évident qu'ils regar dent l'un & l'autre, s'il prend ce qu'on lui offre à manger: car, comme nous l'avons dit, on tiroitun bon augure s'il mangeoit

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ce qu'on lui offroit; & un mauvais, s'il le rejettoit enforte qu'on eft étonné que Pignorius, & après lui de trèshabiles Antiquaires, fe foient trompés fur cet article. La partie inferieure de ces deux petits cartouches, represente deux Ifis, ou plûtôt deux de fes Prêtreffes qui lui offrent un Sacrifice.

La bande d'en bas contient treize perfonnages, & peut être divifée en plufieurs actions. La premiere, en commençant par la gauche, eft compofée de trois figures. Celle du milieu eft un Orus, emmailloté, de maniere cependant qu'il a les mains libres, & qu'il tient un long bâton, terminé par une tête d'Epervier, femblable à celui d'Ofiris ; & un autre plus petit, qui pourroit bien être un fouet. Ce Dieu representoit le Soleil, de même que fon pere, comme nous l'avons dit dans fon Article; ainfi il en avoit les fymboles. Aux deux côtés d'Orus font deux figures, qu'on croit être deux Ifis; mais je fuis perfuadé que ce font deux Prêtreffes, avec l'habillement de cette Déeffe, qui offrent un facrifice. En effet, une d'elles prefente une coupe au jeune Dieu, & l'autre une petite table fur laquelle font cinq vafes.

La feconde action de cette bande reprefente Ifis affife entre deux Ofiris, dont l'une lui prefente un oifeau. La troifiéme montre un Ofiris avec une tête d'Epervier, & deux Ifis, dont l'une paroît lui offrir un vafe. La quatriéme renferme cinq figures, dont la principale eft une Ifis, avec une tête de lion. Près d'elle eft un Anubis, enfuite un Ofiris, qui tient fon bâton d'une main, & de l'autre les marques de fa mutilation. Vient ensuite un autre Orus emmaillotté, qui a près de lui un chat, ou le Dieu Ælurus, avec un fiftre. Enfin on voit encore un Ofiris, avec une pique terminée en crosse, ayant. fur la tête un ferpent furmonté d'un Soleil ; ce qui marque fans doute l'obliquité du cours de cet Aftre.

Comme la bordure eft remplie des mêmes figures, quoique: avec quelque varieté, nous nous contenterons de renvoyer à Pignorius qui l'a expliquée.

Telle eft la defcription de cette Table, fur laquelle j'ai cru devoir m'étendre, à caufe des fymboles finguliers qu'y portent les Dieux d'Egypte. Mais quel a été le deffein de celui

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