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qui l'a fait graver? c'est ce qu'il n'eft pas aifé de deviner. Le (1) In Oedip. Pere Kirker (1) a cru y appercevoir les myfteres les plus caSynt. I. p. 89. chés de la Theologie Egyptienne, & eft entré dans un dé

18.

(2) Juv. Sat.

tail que je n'ai pas deffein de copier. Pignorius femble ne s'être attaché qu'à la description mecanique de cette Table fans entreprendre d'en penetrer le deffein. Pour moi je pense que c'étoit une Table votive, que quelque Prince, ou quelque particulier avoit confacrée à Ifis en reconnoiffance de quelque bienfait qu'il croyoit en avoir reçu. Cette Déeffe y occupe la principale place, & on a voulu en variant ses attitudes & fes fymboles, montrer de combien de manieres differentes on la reprefentoit, comme auffi les differens facrifices qu'on lui offroit. On y en remarque en effet de trois fortes, celui des animaux, celui des plantes, & les libations: peut-être que celui qui confacroit cette Table à Ifis, lui avoit offert toutes ces fortes de facrifices, foit pour avoir été gueri de quelque maladie confiderable, ou pour avoir été delivré de quelque grand danger qu'il avoit couru fur la mer : car on invoquoit également cette Déeffe dans les maladies, & lorfqu'on s'embarquoit pour un voyage de long cours, ce qui fit ajouter à fon nom les épithetes de Salutaris, & de Pelagia,

Rien au refte, n'étoit plus commun que les Tables votives confacrées à Ifis. Tous les Temples de cette Déesse en étoient remplis, & cette forte d'Ouvrages faifoit vivre une infinité de Peintres, comme le dit Juvenal :

Et quùm votivá teftantur fana tabellâ

Plurima, Pictores quis nefcit ab Ifide pafci (2).

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'HISTOIRE des Dieux Egyptiens nous conduit naturellement à celle des Arabes, leurs voisins. Ce Peuple toujours errant & vagabond, a souvent changé d'état & de Religion. Comme il defcendoit d'Ifmael, fils d'Abraham, on peut raisonnablement croire qu'il n'eut d'abord d'autre croyance que celle du fils de ce S. Patriarche ; mais l'Idolâtrie qui fe repandit dans ce temps là fur toute la terre, eut fans doute bien-tôt penetre dans l'Arabie. Cependant on ignore le temps où les Arabes commencerent à embraffer le culte des faux Dieux : ce qu'on fçait c'eft que comme le Sabisme étoit la Religion dominante de ces premiers temps, ce fut vraisemblablement celle-là qu'ils fuivirent. Il n'eft pas douteux même que c'est de cette forte de culte, que les Sabéens, Nation Arabe, avoient pris leur nom. Quoiqu'il en foit, voici ce qu'Herodote dit de cet ancien Peuple (1). Il n'y a point de Peuple au monde qui (1) L. 3. c. 8.garde mieux la foi promife, que les Arabes ; & ils s'engagent en cette forte. Quelqu'un d'eux fe met entre les deux Parties qui veulent traiter enfemble, tenant une pierre ai»gue avec laquelle il fait quelques incifions dans la paume » de leurs mains: puis prenant un morceau de leurs habits, il le trempe dans le fang qui fort de ces bleffures. Il en frotte fept pierres qu'il a placées entr'eux, invoquant pendant cette operation Dionyfius, ou Bacchus, & Uranie; » les Arabes, continue cet Auteur, croyent qu'il n'y a point d'autres Dieux que ces deux-là. Ils fe rafent les temples, & fe coupent les cheveux en rond, parce qu'ils » croyent que Bacchus les portoit ainfi. Ils appellent Dio

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nyfius, Urotal (a), & Uranie, Alilat »; fur quoi il eft bon de faire deux remarques. La premiere, que cet Auteur, qui nomme ici cette Déeffe Alilat, l'avoit appellée dans le Livre

(a) Voyez dans Voffius, de Idol. Liv. 1. Chap. 8. l'étymologie de ce nom.

(1) Liv. 10.

fecond, Mylitta. La feconde, que quoiqu'il donne dans un endroit le nom d'Aphrodite à cette Venus, & dans un autre celui d'Uranie, il est évident qu'il ne les diftingue pas l'une de l'autre.

Strabon qui parle auffi des Dieux des Arabes, dit (1) qu'ils n'adoroient que Jupiter & Bacchus, fans faire aucune mention d'Uranie; & Arrien, qui ne leur donne pour Divinités que le Ciel & Bacchus, femble favorifer le fentiment de cet Auteur: mais il y a apparence que ces deux Ecrivains étoient moins inftruits qu'Herodote, de la Religion de cet ancien Peuple, ou il faut convenir qu'elle avoit reçu quelque changement; peut-être que dans le fond ils ne fe contredifent point les uns les autres. Bacchus étoit inconteftablement le Soleil ; & Uranie, ou la Celeste, nommée par les Arabes & par quelques autres Peuples, Alilat, étoit la Lune; & c'étoient en effet ces deux Aftres qu'ils adoroient.

&

Comme l'Idolâtrie, qui ne connoiffoit dans fes commencemens que ces deux Aftres, ne demeura pas long-temps dans cette premiere fimplicité, on ne doit pas trouver étrange que d'autres Auteurs moins anciens que ceux que je viens de citer, ayent donné aux Arabes un plus grand nombre de Dieux. Ainfi Etienne de Byfance dit que leur Dieu s'appelloit Dufarès, que ce fut lui qui donna fon nom à une haute montagne, & à ceux qui l'habitoient, qu'on nomma Dufareniens. Il raconte auffi un fait qui en nous faifant connoître la vanité d'Alexandre, prouve en même temps ce que dit Herodote de la Religion des Arabes: car ce Conquerant ayant appris qu'ils n'adoroient que deux Dieux, leur propofa d'être le troifiéme; puifqu'il étoit comparable à Bacchus, dont il avoit égalé les Conquêtes & les Voyages.

Il eft vrai que cet Auteur dit que les deux Divinités adorées par les Arabes, étoient Uranus, ou le Ciel, & Dionyfius, ou Bacchus ; mais les Sçavans donnent à jufte titre la preference à Herodote. Tertullien dans fon Apologetique, & dans le Livre XI. contre les Nations, nomme ce Dufarès, & le met au nombre des Dieux des Arabes, avec Obodan qui étoit un Roi du pays, dont on voyoit le Tombeau dans le pays des Arabes Nabathéens.

Philoftorge,

Philoftorge, dans Photius, affûre que les Homerites, Nation celebre parmi les Arabes, facrifioient au Soleil, à la Lune, & aux Demons. Maxime de Tyr dit qu'ils rendoient un culte divin à une pierre quarrée; & quand quelqu'un d'eux embraffoit la Religion Chrétienne, on l'obligeoit à anathématiser cette pierre qui avoit été l'objet de fon culte. D'autres Auteurs prétendent que la Tour, nommée Acara, ou Aquibila, bâtie autrefois par leur Patriarche Ismaël, étoit devenue parmi eux un objet de Religion. S. Jerome, dans fon Commentaire fur le Prophete Ofée, nous apprend qu'ils adoroient auffi Baal-Peor, dont parlent les Livres Saints, & croit que ce Dieu étoit le même que Priape; mais comme dans les meilleures Mythologues Priape eft le Soleil, comme nous le disons ailleurs, il faut toujours en revenir au sentiment d'Herodote.

A ces Auteurs anciens, il ne fera pas inutile d'ajouter l'autorité de quelques modernes, qui avoient puifé ce qu'ils rapportent de la Religion des Arabes, dans leurs Livres mêmes; je veux dire, d'Herbelot, qui en parle dans plusieurs endroits de fon Dictionnaire, & Pocock, dans fon Hiftoire d'Arabie. Ce dernier nomme fept de ces Dieux Celeftes; Dzohl, qu'il croit être Saturne; Dzohara, ou Venus; Mofchtara, ou Jupiter; Atharid, ou Mercure ; Abdabaram, ou l'Eil du Taureau; Sohail, ou Canopus, & Aicheera, ou Sirius. On peut confulter les fçavantes Differtations de cet Auteur, & on y verra qu'il y fait monter le nombre des Dieux adorés par les Arabes, à plus de quarante.

Beger en nomme cinq, qu'il dit avoir tenu le premier rang parmi les Dieux de ce Peuple; Vuodd, chez les Kelibites; Scuvac, parmi les Hadéilites; Nefu, chez les Duikelaïtes; Jagout ou Jaug. On fçait encore qu'autour de la Kaaba (a), il y avoit trois cens foixante Statues. Reprefentoient-elles des Dieux, ou feulement les grands Hommes de la nation'? c'est ce qu'on ne fçauroit decider; mais il eft du moins certain que plufieurs de ces Statues étoient respectées, ou plûtôt adorées : le témoignage des Auteurs Arabes, comme le dit M. Fourmont (b), (a) Temple de la Meque.

(b) Reflexions fur les anciens Peuples.

Tome I.

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ne nous permet pas d'en douter. Selon les mêmes Auteurs, ajoute cet Academicien, l'Idolâtrie des Arabes eft plus ancienne que le Deluge. Les cinq derniers Dieux que nous avons nommés après Beger, étoient felon Budauvi, des hommes vertueux qui avoient vécu avant le Deluge, & dont le culte avoit été, après cet évenement, rétabli chez les Arabes.

Je ne m'étendrai pas davantage fur les Dieux de ce Peuple; on en peut voir la Lifte dans Pocock & dans M. Fourmont, & je fupprime ce Catalogue d'autant plus volontiers, qu'il eft peu inftructif. Je me contente d'obferver que ceux de ces Dieux qui n'avoient aucun rapport aux Aftres & aux Planetes, étoient quelques Hommes illuftres, qui avoient merité un culte religieux, parmi lesquels étoient fans doute Abraham & Ifmaël, defquels defcendoient les Arabes. Quoiqu'il en foit, il paroît que les Arabes n'avoient d'abord que deux Dieux naturels, Dionyfius & Alilat, c'eft-à-dire, le Soleil & la Lune comme le , très-bien Gerad Voffius; prouve mais que dans la fuite ils joignirent à ces deux Divinités, les Dieux animés, leurs Rois & leurs Hommes illuftres; & qu'enfuite ils reçurent les Dieux de leurs voisins.

Au refte, aucun des Auteurs que j'ai cités, ne parle de la forme des Sacrifices des Arabes, ni des Victimes qu'ils immoloient. Strabon nous apprend feulement qu'ils offroient chaque jour au Soleil, ou à Dionyfius de l'encens fur un Autel qui étoit dans un lieu couvert ; & Theophrafte avoit dit longtemps avant lui, que les Sabéens ramaffoient avec grand foin la myrrhe & l'encens, pour l'offrir dans le Temple de ce Dieu ce qui leur étoit commun avec les Ethiopiens, ainsi que nous le dirons dans le Chapitre fuivant.

On ne s'étend pas davantage fur la Venus Uranie, ni fur Dionyfius, qui étoit l'ancien Bacchus, ou plûtôt Ofiris, dont le culte avoit paffé d'Egypte en Arabie, parce qu'on aura occafion d'en parler ailleurs.

Les Arabes demeurerent Idolâtres jufqu'au temps de Mahomet, fous lequel ils abandonnerent le culte des Idoles, & ont toujours été depuis fes plus fideles Difciples.

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