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Içais qu'il y avoit dans le pays des Moabites, près de Jericho, une montagne & une ville qui portoient le nom de Nabo; mais ce n'eft ni de la ville, ni de la montagne, qu'il s'agit dans le paffage que je viens de citer. D'ailleurs il y a apparence que le culte de cette fauffe Divinité, ayant été porté dans le pays des Moabites, ils donnerent fon nom à une de leurs villes, & à la montagne fur laquelle ils l'adoroient. Car c'étoit ordinairement fur les lieux élevés qu'étoient les Temples & les Bois-Sacrés, comme il paroît par cent paffages de 'Ecriture Sainte, & des Auteurs profanes.

Deor. L. 3.

A

CHAPITRE I I.

Aftarté ou Aftaroth, Thammus ou Adonis.

STARTE' étoit la grande Divinité des Peuples de Syrie,

& on voit par plufieurs endroits de l'Ecriture Sainte, qu'elle étoit honorée également par les Pheniciens & par les Philiftins. Tous les Sçavans conviennent qu'elle eft la même que Venus, comme nous le dirons dans l'Hiftoire des Dieux de la Grece. Ciceron qui parle des differentes Venus que la (7) De Nat. Theologie Payenne reconnoiffoit, dit (1) que la quatrième, qu'on appelloit Aftarté, étoit née à Tyr dans la Syrie, & mariée à Adonis : Quarta Venus Syria, Tyroque concepta, que Aftarte vocatur, quam Adonidi nupfifle tradunt. Il auroit parlé plus jufte s'il l'avoit confondue avec la premiere, qu'il dit avoir été fille du Ciel & de la Lumiere ; car comme Aftarté étoit parmi les Syriens la même que la Lune, ainsi que nous le dirons, cette origine lui convenoit parfaitement. On ofe même affûrer que les quatre Venus dont il parle, fe reduifent à la feule Aftarté. On vient de le voir de la premiere, & il n'eft pas difficile de le prouver de la feconde, qu'on croyoit auffi être née dans la mer, du fang qui coula de la playe de Coelus; mais je referve cette difcution pour le fecond Volume (2).

(2) Hiftoire

de Venus.

Quoiqu'il en foit l'Ecriture Sainte qui parle fouvent de cette (3) Reg. 31. Déeffe, la nomme fouvent Aftaroth (3), & quelquefois le

V. 10.

11. 5.

14.

Dieu (1), ou l'abomination des Sidoniens (2): fur quoi il eft (1) 3. Reg. bon de remarquer, 1°. Que quoique le mot Aftaroth foit au (2) 4. Reg. pluriel, il ne fignifie pas pour cela plufieurs Divinités. 2°. 23.13. Que le nom mafculin de Dieu des Sidoniens, n'eft pas non plus une preuve qu'Aftaroth foit un Dieu; car outre que les Hebreux n'ont point de mot qui marque une Déeffe, il est für que la Déeffe des Sidoniens étoit adorée fous les deux fexes, ainfi que plufieurs autres Dieux. Les Anciens en effet font mention du Dieu Lunus, qui étoit la Lune elle-même, & Virgile parlant de Venus, l'appelle un Dieu puiffant; Pollentemque Deum Venerem. 3°. Qu'Aftaroth, fignifie proprement des troupeaux de brebis & de chevres (3). Le Pro- (3) Deut. 17. phete Jeremie (4) appelle cette Déeffe la Reine du Ciel: les (4) Cap. 7. enfans, dit-il, amaffent le bois, les peres allument le feu, & les v. 18. femmes mêlent de la graiffe avec de la farine, pour faire des gâteaux à la Reine du Ciel. Sur quoi je fais encore deux remar ques: la premiere, que le titre de Reine du Ciel eft celui qui convient le mieux à Aftarté, qui parmi les Syriens étoit la même que la Lune. La feconde, qu'on voit dans ce Paffage une partie du culte qu'on rendoir à cette Déeffe, & l'empreffement qu'avoit tout le monde à préparer les Sacrifices qu'on lui offroit. Dans d'autres endroits des Livres Saints, elle eft designée seulement par les mots d'Afera, ou Afero, ou Aferim; ce qui veut dire, les Bois, ou l'Idole du bocage, parce qu'en effet on l'honoroit dans les bois facrés, qui lui fervoient de Temple. Les Septante n'ont pas fait difficulté de mettre quelquefois Aftarté, au lieu d'Aferot (5), puifque ces deux (5) Paral. 15. termes defignent veritablement la même Divinité.

Lorfque je dis qu'Aftarté reprefentoit la Lune chez les Syriens, je veux dire qu'elle en étoit devenue le fymbole, & à ne la confiderer que comme une Divinité phyfique. Car on doit faire ici au fujet de cette Déeffe & de fon époux Adonis, la même diftinction que j'ai déja faite pour Ifis & Ofiris. Aftarté & Adonis regnerent dans la Syrie, & s'y firent tant aimer par les biens dont ils comblerent leurs Sujets, qu'après leur mort ils furent mis au rang des Dieux. Comme on croyoit dans ces premiers temps que les ames des grands hommes, & de ceux furtout qui avoient enfeigné les Arts neceffaires à

V. 16. & 24.

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(1) Met. I. 10.

la vie, alloient après la mort habiter dans les Aftres, on voulut bien croire que celles de ce Prince & de fon Epouse avoient pris le Soleil & la Lune pour leur demeure, & on les honora comme ces Aftres mêmes, dont le culte étoit déja établi : car il faut toujours fe reffouvenir que les Aftres & les Planetes furent les premiers Dieux du Paganisme; & que la même Divinité pouvoit être un Dieu naturel, ou phyfique, & un Dieu animé.

Ce n'eft pas que l'Hiftoire nous ait confervé le détail des actions de ces anciens Princes, qui meriterent après leur mort d'être mis au rang des Dieux, les monumens qui la contenoient s'étant perdus ; mais il eft aifé de juger que les fables qui font parvenues jufqu'à nous, font allufion à l'Hiftoire de ces hommes celelebres. Celles que les Grecs & les Latins ont publiées de Venus & d'Adonis, étoient fondées fans doute fur quelques anciennes traditions que les Pheniciens leur avoient apprises: le fond de ces traditions étoit hiftorique ; mais ces peuples l'avoient embelli de plusieurs fictions, pour rendre leurs Dieux plus refpectables.

Selon Ovide (1), Adonis étoit le fruit du commerce de Cinyras avec fa fille Myrrha. Cette Princeffe obligée de fe derober à la colere de fon pere, qui s'en étoit approché fans la connoître, dans le temps qu'une fête que celebroit la Reine, la feparoit de fon mari, fe retira en Arabie, où les Dieux touchés de fes malheurs & de fon repentir, la changerent en l'arbre qui porte le parfum précieux auquel elle a donné fon nom. Ce fut en cet état qu'elle mit au monde le jeune Adonis, que les Nymphes du voilinage reçurent en naiffant, & nourrirent dans les antres de l'Arabie. Adonis devenu grand, alla à la Cour de Byblos dans la Phenicie, dont il fit tout l'ornement. Ici les Poëtes fe font donné une libre carriere. Venus, difent-ils (a), en devint éperduement amoureuse, préfera fa conquête à celle des Dieux-mêmes, & abandonna le fejour de Cythere, d'Amathonte & de Paphos, pour le fuivre dans les forêts du mont Liban, où il alloit chaffer. Mars jaloux de la préference que cette Déeffe donnoit à ce jeune Prince, employa pour se venger le fecours de Diane, qui (a) Voyez Theoc. Hygin, Ovide, &c.

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fufcita un Sanglier qui ôta la vie à Adonis (a). Venus ayant
appris ce trifte accident, donna toutes les marques de la plus
vive douleur;

Pariterque finus, pariterque capillos

Rupit, & indignis percuffit pectora palmis (1).

Cependant le jeune Prince defcendit dans le Royaume de
Pluton, & infpira de tendres fentimens à Proferpine. Venus
monta au ciel pour obtenir fon retour de Jupiter fon pere,
& la Déeffe des Enfers refusa de le rendre. Le pere des Dieux
embarraffé d'une affaire fi difficile, s'en remit à la décision
de la Mufe Calliope, laquelle crut contenter les deux Déesses
en le leur rendant alternativement: on députa les Heures chez
Pluton qui ramenerent Adonis, & depuis ce temps-là il de-
meura chaque année fix mois fur la terre auprès de fa chere
Venus, & fix mois dans les Enfers.

Voilà fans doute une fable bien myfterieufe, & une énig-
me qu'on feroit bien embarraffé d'expliquer dans tous fes
points: mais il eft aifé de juger qu'elle eft mêlée d'Hiftoire
& de Phyfique, & c'eft ce que nous tâcherons de développer
dans la fuite.

(1) Ovi. Met. Liv. 10.

T. 3.

M. le Clerc, après Selden & Marsham, ayant mieux aimé prendre cette fable dans Phurnutus & dans d'autres Mythologues que dans Ovide, la rapporte & l'explique ainfi (2). (2) Bib. Uni, Cinnyr, ou Cinyras, grand-pere d'Adonis, ayant bû un jour avec excès, s'endormit d'une maniere indecente. Mor ou Myrrha fa bru, femme d'Ammon, accompagnée de fon fils Adonis, l'ayant vû en cet état, en avertit fon mari : celui-ci après que l'yvreffe de Cinyras fut paffée lui apprit cette avanture, dont il fut fi piqué qu'il combla de maledictions fa fille & fon petit-fils. Voilà d'abord, dit M. le Clerc, le fondement du prétendu incefte de Myrrha, dont parle Ovide; ce Poete ayant reprefenté l'indifcrete curiofité de cette Princeffe, comme un veritable incefte. Myrrha chargée des maledictions de

(a) Il y a une autre tradition qui porte que c'étoit Apollon qui avoit fufcité le Sanglier pour se venger de Venus, qui avoit aveuglé Erimanthe fils de ce Dieu, pour s'être mocqué de fes galanteries.

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1

fon pere, fe retira en Arabie, où elle demeura quelque temps; & c'est encore ce qui a donné lieu au même Poëte de dire, que ce fut dans ce pays qu'elle accoucha d'Adonis, parce qu'en effet ce jeune Prince y fut élevé. Quelque temps après, continue M. le Clerc, Adonis avec Ammon fon pere & Myrrha fa mere, alla en Egypte, où Ammon étant mort, ce jeune Prince s'appliqua entierement à cultiver l'efprit de ce Peuple, lui enfeigna l'Agriculture, & fit plufieurs belles Loix touchant la proprieté des terres. Aftarté ou Ifis fa femme l'aimoit avec paffion, & ils vivoient ensemble comme un amant & une maîtreffe. Adonis étant allé en Syrie fut bleffé à l'aine par un fanglier dans les bois du mont Liban, où il chaffoit. Aftarté qui crut que fa bleffure étoit mortelle, fit paroître tant de douleur qu'on le crut mort, & il fut pleuré dans l'Egypte & dans la Phenicie. Cependant il guerit, & la joye fucceda à la trifteffe. Pour perpétuer la memoire de cet évenement on inftitua une fête annuelle, pendant laquelle, après avoir pleuré Adonis comme mort, on fe réjouiffoit enfuite comme s'il étoit reffufcité. Adonis fut tué, fuivant le même Auteur, dans une bataille; & fa femme le fit mettre au rang des Dieux. Après la mort d'Adonis, Aftarté gouverna paifiblement l'Egypte, & merita les honneurs divins. Les Egyptiens, dont la Theologie étoit toute fymbolique, les representerent dans la fuite l'un & l'autre fous la figure d'un bœuf & d'une vache, pour apprendre à la pofterité qu'ils avoient enfeigné l'Agriculture.

Pour ce qui regarde la fuite de Myrrha, dont parle Ovide, elle ne fignifie, dit M. le Clerc, que la malediction qu'elle s'attira, & fa retraite en Egypte avec fon mari ; & fa metamorphofe en arbre n'a été inventée que fur l'équivoque du nom de Mor qu'elle portoit, & qui parmi les Arabes vouloit dire de la myrrhe.

On voit par cette explication, que le fçavant Auteur que je viens d'abreger, étoit perfuadé qu'Adonis & Aftarté étoient les mêmes qu'Ofiris & Ifis, & il n'eft pas le feul qui foit de ce fentiment, qui ne manque pas de vraisemblance. Lucien, & Plutarque, parmi les Anciens; Selden, Marsham & plufieurs autres, parmi les Modernes, l'avoient dit avant lui. M. le

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