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ples voifins, dont nous venons de parler. L'Auteur de la Chronique d'Alexandrie confirme ce fentiment, en traduisant le même mot par celui d'Adonis.

De fçavoir maintenant pourquoi le Prophete nomme Adonis, Thammus; c'eft ce qu'il n'eft pas aifé de deviner : je vais cependant en apporter deux raifons. La premiere, eft que Adonis ayant été pris pour le Soleil, comme je le ferai voir plus bas, le texte facré lui a donné le nom du mois, où cet Aftre entrant dans le figne du Cancer, porte fur notre hemisphere la chaleur avec la fecondité; ce qui arrive au mois de Juin, appellé Thammus par les Hebreux; & ce qui prouve que cette conjecture n'eft pas fans fondement, c'eft que les Aftronomes Juifs nommoient l'entrée du Soleil dans ce figne, Tecupha Thammus, Periodus Tammus. La feconde eft tirée de la tradition, qui portoit qu'Adonis ayant été tué au mois de Comm. Juin, ainfi que nous l'apprenons de S. Jerôme (1), c'est selon ce fçavant Pere de l'Eglife, ce qui fit donner ce nom au Prince dont nous parlons: Quia tamen menfe Junio amasius Veneris pulcherrimus juvenis occifus, eumdem Junium mensem eodem appellant nomine, & anniversariam ei celebrant folemnitatem. Cette raifon me paroît la meilleure, parce que je fuis perfuadé que le fond des Fables, & des ceremonies de la Religion payenne, étoit prefque toûjours hiftorique, & que les allegories ne font venues que dans la fuite au fecours de l'ignorance ou de l'avarice des Prêtres.

in Ezechiel.

De la Syrie & de la Palestine, le culte d'Adonis paffa dans la Perfe, dans l'Ifle de Chypre, & enfin dans la Grece, furtout à Athenes, où la fête d'Adonis étoit celebrée avec beaucoup de magnificence; fur quoi on peut confulter ma Differ

tation.

Quand le temps de la fête d'Adonis étoit arrivé, on avoit foin, comme le remarque Plutarque, de placer dans plusieurs quartiers de la Ville des reprefentations de Cadavres reffemblants à un jeune homme, mort à la fleur de fon âge. Les femmes vétues d'habits de deuil, venoient enfuite les enlever pour en celebrer les funerailles, pleurant & chantant des Cantiques, qui exprimoient leur affliction. Les larmes de ces femmes étoient accompagnées de cris & de gemiffemens, au

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rapport d'Ariftophane & de Bion; ce qu'Ovide exprime trèsheureufement (1).

Lustus monumenta manebunt

Semper, Adoni, mei; repetitaque mortis imago
Annua plangoris peraget fimulamina noftri."

Plutarque ajoute encore, que les jours pendant lefquels on celebroit cette fête, étoient reputés malheureux, & qu'on prit pour un mauvais augure le départ de la Flote des Atheniens, qui mit à la voile en ce temps-là, pour aller en Sicile; & Ammian Marcellin, fait la même remarque au fujet de l'entrée de l'Empereur Julien dans la ville d'Antioche. Et vifum eft trifte, quod amplam Urbem, Principum domicilium, introeunte Imperatore nunc primùm, ululabiles undique planctus & lugu, bres fonitus audiebantur.

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(1) Met. I.

Nous voyons auffi parmi les autres ceremonies de la fête d'Adonis, qu'on portoit dans des vafes de terre, du bled qu'on y avoit femé, des fleurs, de l'herbe naiffante, des fruits, de jeunes arbres, & des laitues. Suidas, Hefychius (2) & Theophrafte (3), nous apprennent ces circonftances,& (2) In A'davıils ajoutent, qu'à la fin de la ceremonie, on alloir jetter ces Jardins portatifs, ou dans quelque fontaine, ou dans la mer, lors qu'on en étoit voifin, comme le remarquent Euftathe (4), & le Scholiafte de Theocrite (5). C'étoit une efpece de Sacrifice qu'on faifoit à Adonis, comme nous l'apprenons d'Hefychius.

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Il eft aifé, au refte, de rendre raifon de ces ceremonies: on faifoit allufion par là, aux circonftances de la vie & de la mort d'Adonis, & je ne fçais pourquoi on y a cherché du myftere. Cette herbe tendre, ce bled nouvellement germé, qui fechoit peu de temps après, marquoient que ce Prince étoit mort à la fleur de fon âge, & avoit été moiffonné comme une jeune plante.

J'ai dit qu'on portoit des laitues dans cette même fête ; & les Anciens ont rendu differentes raifons de cet ufage. Ils ont cru que c'étoit à caufe de la tradition qui apprenoir que Venus avoit caché parmi les laitues fon cher Adonis, après fa

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ους κήποι.
(3)Hift. plant.

L. 6. c. 7.

(4) Sur le dixième de

l'Iliade.

(5) Loc. cit.

D

bleffure, comme le rapporte Hefychius. Nous avons même un Fragment d'Eubulus, qu'Athenée nous a confervé (1), qui (1) Liv. 2. en rend la même raison. Ne me fervez pas des laitues, dit » un Interlocuteur à une femme, car on dit que c'est parmi » des laitues que Venus cacha fon cher Amant après la mort »; & ce même Auteur appelle ce legume, la viande des morts. Nicandre de Colophon, comme on peut le voir dans le même Athenée (2), étoit dans ce fentiment, puifqu'en racontant (2) Loc. cit. de quelle maniere Adonis pour éviter le fanglier qui le pour fuivoit, s'étoit caché derriere une plante que les Cypriens nommoient brentim; il a traduit ce mot barbare par celui de laitue. M. le Clerc corrige heureusement cet Auteur, en difant (3) qu'il faut lire, Bepar, mot qui dans la langue Pheni(3) Bib. univ. cienne, fignifie un fapin, afyle plus für pour mettre à cou vert Adonis, que des laitues ; ce qu'Ovide femble infinuer dans ces vers :

T. 3.

(4) Loc. cit.

Mundo.

(6) Sat. L. 1.

C. 2.

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fe

Il ne me refte enfin pour finir l'explication de toutes les circonftances du culte d'Adonis, qu'à rechercher la raison pourquoi dans fes fêtes on faifoit fucceder la joye à la trifteffe. (5)De Diis & Phurnutus,Lactance (5), Macrobe (6), & quelques autres, font efforcés à prouver qu'Adonis n'étant autre chofe que le Soleil, les myfteres qu'on celebroit en fon honneur, devoient s'y rapporter ; & qu'ainfi la mort d'Adonis marquoit l'éloignement du Soleil pendant l'hyver; comme la joye de le voir reffufcité, figuroit le retour de cet Aftre, qui après avoir parcouru les Signes meridionaux, & être defcendu, pour ainfi dire, dans le Royaume de Pluton, marqué par le Pole qui nous eft oppofé, revenoit au bout de fix mois vers ceux du Septentrion, & ramenoit avec les beaux jours, la joye & l'allegreffe. Ces Auteurs ajoutent que c'étoit pour cela qu'on avoit heureusement imaginé que Proferpine avoit (7) Hyg. poet. voulu retenir Adonis dont elle étoit amoureuse (7), & que Venus voulant auffi le poffeder, Jupiter avoit remis la decifion de ce differend entre les mains de Calliope, comme

Aftron.

nous l'avons dit. On ajoutoit qu'un fanglier avoit causé la mort d'Adonis, parce que cet animal eft le fymbole de l'hyver, comme le dit Macrobe (1): Hyems veluti vulnus eft folis, quæ {(1) Loc. cit. & lucem ejus nobis minuit & calorem, quod utrumque animantibus accidit morte.

D'autres prétendent qu'Adonis marquoit le grain, qui eft renfermé pendant fix mois dans les entrailles de la terre, comme s'il étoit entre les bras de Proferpine, qui en eft la Déeffe; d'où il venoit voir fa chere Venus, lorfqu'il commençoit à croître.

Mais ne prêtons-nous pas trop d'efprit aux premiers inventeurs des ceremonies & des fêtes, qui n'avoient d'autre but que de rappeller le fouvenir des évenemens qui y avoient donné lieu? Le Soleil, pour s'éloigner pendant l'hyver, defcend-il aux Enfers? Abandonne-t'il les hommes, furtout dans la Syrie & la Phenicie, où les hyvers font fi courts, & quelquefois plus fupportables que les étés ? Si c'étoient des Lappons ou des Siberiens qui euffent inftitué cette fête, on pourroit croire que l'absence totale du Soleil les y auroit portés; mais on ne fçauroit fe le perfuader des habitans de la Syrie, qui jouiffent toujours d'un ciel fi ferein, & où l'inégalité des jours n'eft pas même fort confiderable. D'ailleurs, fi ce fyftême étoit vrai, il auroit fallu celebrer la fête d'Adonis dans des remps differens de l'année, & à fix mois l'une de l'autre ; au lieu qu'on ne la celebroit qu'une fois l'an, & dans un mois éloigné des deux Equinoxes, qui auroient mieux marqué le moment où le Soleil commence à s'éloigner ou s'approcher de notre Pole.

J'aime donc mieux croire que le fondement de cette double ceremonie, étoit tiré de la tradition qui portoit, qu'Adonis ne mourut point de la bleffure qu'il avoir reçue fur le mont Liban, & que le Medecin Cocytus le guerit contre toute forte d'apparence. Car c'eft en ce fens que Ptolemée, fils d'Epheftion, prend un vers grec de l'Hyacinthe, d'Eupho rion, où il eft dit que ce Medecin, Difciple de Chiron, lava feul la playe d'Adonis ; c'eft-à-dire, qu'il fut le feul qui fut employé à une cure fi difficile: autrement ce vers n'auroit aucun fens raifonnable. On regarda, cette guérifon comme une espece de

miracle, & dans les tranfports d'allegreffe, on difoit fans doute que ce Prince étoit reffufcité, qu'il étoit forti des Enofers; expreffions metaphoriques affez ordinaires dans ces fortes d'occafions.

Hygin, &c.

Il eft vrai que la plupart des Anciens, furtout des Latins, (1) Ovide, ont cru qu'Adonis étoit mort de fa bleffure (1); mais quelques Auteurs Grecs nous apprennent qu'il n'en mourut pas, ce qu'ils ont toutefois exprimé d'une maniere poëtique, en di(2) Idill. 15. fant, comme on peut le voir dans Theocrite (2), que les Heures ramenerent Adonis de l'Acheron, après qu'il y eut demeuré douze mois; ce qui veut dire fans doute, que ce Prince ne guerit qu'au bout d'un an, & que les Heures, c'eftà dire, le temps & les faifons, car c'eft la propre fignification (3) paj. du nom que les Grecs donnent à ces Déeffes (3), le rendirent enfin à sa chere Venus: & fi on ne prend point en ce fens là le vers de Theocrite, il faudra toujours que le fyftême des Mythologues tombe, puifqu'il detruit l'idée du partage que le Soleil fait des deux hemifpheres, en faifant demeurer Adonis un an chez Proferpine, c'est-à-dire, fans tant de façons, entre les bras de la mort. Ainfi on peut croire avec beaucoup de raifon, que le deuil de Venus, à la premiere nouvelle de la bleffure d'Adonis, fut fi grand que le bruit fe repandit dans toute la Phenicie, que ce Prince étoit mort. On le pleura comme tel, tant qu'il fut en danger, & l'on ne commença à fe rejouir que lorsqu'il fut entierement gueri: double circonftance, dont on conferva le fouvenir dans les deux parties de la ceremonie qu'on inftitua à ce fujet : car on fçait que les grands évenemens donnoient lieu à l'établiffement des fêtes, comme l'Hiftoire fainte & profane nous l'apprennent.?

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Que fi l'on s'obftine à croire qu'Adonis mourut de fa bleffure, je dirai pour rendre raifon de cette joye qui fuccedoit à la trifteffe au dernier jour de la fête ; que l'on vouloit fignifier par là, que ce Prince ayant été mis au rang des Dieux, ne laiffoit plus aucun fujet de s'affliger, & qu'après avoir pleuré fa mort, on devoit fe rejouir de fon Apothéofe. Les Prêtres, qui n'auroient pas trouvé leur compte à une tradition qui portoit que le Dieu qu'ils fervoient avoit été fujet à la mort;

tâcherent

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