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tâcherent dans la fuite d'en cacher l'origine au peuple, & inventerent les explications allegoriques que je viens de réfuter.

Je conviens qu'il y a des Auteurs qui prétendent que le 1() culte d'Adonis avoit rapport au Soleil, dont il étoit devenu le fymbole; mais comme mon deffein eft de remonter à la fource de la fable, je n'y trouve que les monumens que l'amour & la reconnoiffance avoient confacrés en l'honneur d'un Prince cheri.

Ovide parle élegantment de cette fête d'Adonis (1) & de (1) Met. 1. 10. fa metamorphofe en fleur. « Venus defefperée de la mort de V. 125. fon Amant, s'adreffe au deftin & dit: non mon cher Ado

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nis ne fera pas entierement foumis à ta puiffance, & la pofterité du moins confervera un monument éternel de fon malheur, & de mon affliction. La fête qui fera celebrée » tous les ans en memoire d'un accident fi funefte, rappellera fans ceffe le fouvenir de la douleur qu'il me caufe, & du fang d'un Amant si cheri, naîtra une fleur

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Après ce difcours, elle repandit du Nectar fur le fang qui couloit En moins d'une heure, il de la playe d'Adonis » en fortit une fleur rouge, comme celle de la grenade. Cette fleur dure peu, puifque les mêmes vents qui la font Déclorre, la font auffi tomber ».

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On juge bien que la naiffance de cette fleur, eft un épisode, inventé pour orner cette hiftoire. Cette fleur au refte étoit, felon Pline, l'Anémone, & on la nommoit ainsi, parce que c'eft le vent avéμas, qui la fait éclorre: ce que le Poëte Latin exprime heureusement dans ce feul vers:

Excutiunt iidem, qui præftant nomina venti.

Comme après la mort d'Adonis, Aftarté gouverna fon Royaume avec beaucoup de douceur & d'équité, elle fut, comme lui, mise au rang des Dieux, & honorée d'un culte particulier. Ce culte fut affez pur d'abord; mais il s'y mêla dans la fuite, des infamies que je n'ai pas deffein de décrire. Cette Déeffe étoit honorée principalement dans ces Bois. facrés, que l'Ecriture Sainte nomme Aferim, ainfi que nous Tome I. Bbbb

l'avons dit; & S. Jerôme traduit toujours ce mot; par celui de Priape, pour marquer les defordres qui s'y commettoient. Outre les Bois facrés, cette Déeffe avoit des Temples. He(3) Liv. 1. rodote (1) parle de celui d'Afcalon, qui lui étoit dedié, & qui, felon cet Auteur, étoit le plus ancien de fes Temples. Elle en avoit auffi dans les Ifles de Chypre & de Cythere, & fans doute dans plufieurs autres endroits.

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Comme Aftarté étoit devenue le fymbole de la Lune, ainsi qu'Adonis celui du Soleil, les Livres Saints joignent toujours le culte de Baal, qui reprefentoit cet Afre, avec celui d'Aftaroth, ou Aftarté.

Pour faire voir en peu de mots à quel excès étoit portée la fuperftition pour ces deux Idoles, il fuffit de dire qu'Achaz avoit quatre cens cinquante Prophetes, ou Prêtres de Baal, & que Jezabel fon époufe, qui avoit introduit dans Ifraël le culte d'Afera, ou d'Aftarté, en avoit quatre cens de cette Déeffe (2), dont Itobal Roi de Tyr fon pere étoit Grand Prêtre, comme nous l'apprenons de Menandre d'Ephefe, cité par Jofeph (3).

Remarquons encore que les Bois confacrés à cette Divinité, étoient toujours proche des Temples de Baal, & que pendant qu'on offroit à celui-ci des Sacrifices fanglans, & même des Victimes humaines, on ne prefentoit à celle-là que des gâteaux, des liqueurs & des parfums; mais on s'abandonnoit en fon honneur, aux prostitutions les plus honteuses, dans des tentes faites exprès, ou dans des cavernes qui fe trouvoient dans les Bois qui lui étoient confacrés. Les adorateurs de cette fauffe Divinité, fe faifoient imprimer fur la chair la figure d'un arbre, & on les appelloit pour cela, Dendrophori, porte-arbres ; ce qui revient merveilleufement à ce que dit l'Ecriture Sainte d'Aftaroth, dont le nom d'Afera qui lui eft donné par les Prophetes, fignifie des arbres, ou un bocage.

On lui dreffoit auffi des tables fur les toits des maisons, auprès des portes, ou dans les veftibules, comme aussi dans les carrefours; & au premier jour de chaque Lune, on préparoit un fouper pour la Déeffe ; & c'eft, pour le dire en paffant, ce que les Grecs nommoient le fouper d'Hecate: on préparoit les mêmes repas pour Adonis.

La maniere de reprefenter ces deux Divinités étoit differente, fuivant les lieux qui avoient adopté leur culte ; & quelquefois Baal ou le Soleil, étoit vêtu en femme, pendant qu'Aftarté ou la Lune paroiffoit armée & avec de la barbe; mais plus fouvent fous la figure d'une femme, ayant pour coëffure une tête de boeuf avec fes cornes, ou pour marquer fa Royauté, comme le dit Porphyre dans Eufebe (1), ou (1) Prep. 1. 1. pour reprefenter le Croiffant de la Lune, comme Ifis, qui étoit en Egypte (2) le Symbole de cette Planete, l'annonçoit par

cornes.

les

c. ult.

(2) Herod. L. 2. C. 41.

(3) Sat. L.

Macrobe (3) fait la defcription de la Venus Architis, qu'on adoroit fur le mont Liban. Elle étoit, felon lui, en posture I. c.41 d'une femme trifte & affligée, ayant la tête couverte & appuyée fur fa main gauche, enforte qu'on croyoit voir couler fes larmes; image vive & parlante de l'affliction que fit paroître Aftarté, à la premiere nouvelle de la bleffure d'Adonis. Enfin les Medailles de la ville de Tyr (a), frappées en l'honneur de Demetrius, fecond Roi de Syrie, reprefentent Astarté, ou la Venus Tyrienne, vétue d'un habit long avec un manteau retrouffé fur le bras gauche. Elle a une main avancée, comme commandant avec autorité, pendant que de l'autre elle tient un bâton recourbé, & fait en forme de croix. Parmi les fleurs la rofe lui étoit confacrée, parce qu'elle avoit été teinte du fang d'Adonis, qu'une de fes épines avoit piqué. On ajoutoit que cette fleur, blanche auparavant, étoit devenuë rouge depuis ce moment, ainsi qu'on le voit dans Ovide (4). Finiffons cet Article , en remarquant, 1o que Celeste que Sanchoniathon, & après lui Porphyre, nomment Baltis (5), la Maitresse ou la Reines que la Venus d'Afcalon; l'Alilat des Arabes; l'Ifis des Egyptiens, reprefentoient toutes la Lune, chez les differens Peuples qui adoroient cette Planete dont le culte étoit fort répandu dans l'Orient. 2°. Qu'il fe pouvoit faire encore qu'Aftarté, ou Venus, la même les Grecs nommoient Venus Uranie, ou la Celeste, reprefentoit la Planete de ce nom mais il eft conftant par Herodote, & par les autres Anciens, qu'elle étoit le plus fou-

que

,

la Déeffe

(a) Voyez Vaillant, Hiftoria Seleucidarum p. 272. & 273. venit Parifiis apud Briaffon * Bbbb ij,

Tome I.

(4) Metam.

1. 10.

(5) Ap. Euf. Prep. Liv. 1. 10.

c.

vent prife pour la Lune, ou ce qui eft la même chofe, pour la Reine du Ciel. 3°. Que le nom d'Adonis, qui est à peu près le même que celui d'Adonaï ou celui de Kúpios, le Sei gneur qu'on a donné à ce même Prince, font tous convenables au Soleil, qui eft comme le Maître & le Seigneur du ciel. 4°. Que dans ce qui regarde Adonis & Aftarté, ainfi qu'Ifis & Ofiris, il faut toujours diftinguer deux fortes de Divinités, des Dieux animés, & des Dieux naturels. Dans le premier cas ce font des Rois d'Egypte & de Phenicie, qui par leurs belles actions ont merité d'être mis au rang des Dieux dans le fecond, c'eft le Soleil, la Lune & les autres Aftres, dont le culte, anterieur à celui des grands Perfonnages, a été confondu avec celui qu'on leur a rendu ; soit qu'on crût que leurs ames après leur mort euffent choisi ces Aftres pour leur demeure; foit pour quelque autre raifon, que nous ne connoiffons pas. Cette diftinction fi néceffaire dans la matiere que je traite, fait le fond de la Mythologie, & fans elle il feroit impoffible d'y rien entendre; car je ne crois pas qu'on puiffe nier que les quatre perfonnes, dont je parle, n'ayent veritablement exifté, puifque l'Hiftoire parle de leur naissance, de leurs actions, de leur mort, & qu'elle fixe le lieu de leur demeure; ni qu'ils ayent été mis au rang des Dieux, & honorés d'un culte particulier; encore moins, que dans ce culte il ne fe rencontre des chofes qui ne peuvent fe rapporter qu'au Soleil, à la Lune, & aux autres Planetes.

Aftarté dans la fuite des temps fut nommée Junon l'Affy(1) De Dea rienne, comme l'affûre Lucien (1); mais felon cet Auteur, Syr. ce n'étoit pas fon nom, & elle ne le prit qu'au temps où l'on commença de celebrer en fon honneur les grands mysteres. Ce même Auteur affûre que de toutes les Villes de Syrie, Hierapolis, ou la Ville facrée, étoit celle où Aftarté étoit le plus honorée : & comme il étoit Syrien d'origine, & qu'il n'avance rien, comme il le dit lui même au commencement de fon curieux & fçavant Traité de la Déeffe de Syrie, qu'il n'ait vû, ou appris de fes Prêtres, fon autorité doit être ici d'un grand poids. « De tous les Temples de la Syrie, dit-il, le plus celebre & le plus augufte eft celui qui eft dans cette Ville: car outre les ouvrages de grand prix, & les offrandes

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qui

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qui y font en très-grand nombre, il y a des marques d'une Divinité qui y prefide. On y voit les Statues fuer, fe mouvoir, rendre des Oracles ; & on y entend fouvent du bruit, les portes étant fermées : auffi eft-il le plus riche de tous ceux qui font venus à ma connoiffance

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Après avoir rapporté les differentes opinions au fujet de celui qu'avoit fait bâtir ce fuperbe Temple, il en fait la defcription. Il est tourné, dit-il, vers l'orient, & élevé de deux toifes au deffus du rez de chauffée, & on y monte par un degré de pierre. D'abord on trouve un grand Portique d'une ftructure admirable. Les portes de ce Temple font d'or, auffi bien que la couverture, fans parler de l'interieur qui brille partout du même metal. Cet Edifice eft feparé en deux parties, dont l'une eft comme le Sanctuaire, & eft plus élevée que l'autre ; mais il n'eft permis qu'aux Prêtres d'y entrer, & feulement aux principaux. C'eft dans ce Sanctuaire que font deux Statues d'or; l'une de Jupiter portée fur des boeufs, l'autre de Junon, foutenue fur des lions. Cette derniere eft une espece de Panthée, qui porte les fymboles de plufieurs autres Déeffes (1), & tient d'une main un Sceptre & de l'autre une Quenouille, & a la tête environnée de rayons, & couronnée de tours. On voit auffi dans le même Temple plufieurs autres Statues, d'Apollon, d'Atlas, de Mercure, de Lucine, &c.

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Tel étoit, felon Lucien, l'interieur du Temple.» Au dehors étoit un grand Autel d'airain, accompagné de plufieurs Statues, faites par les meilleurs Maîtres. Il y avoit plus de trois cens Prêtres, employés feulement au foin des Sacrifices, fans parler d'une infinité d'autres Miniftres fubalternes. Les Prêtres étoient vétus de blanc, & le Souverain Pontife, de pourpre, avec une Tiare d'or. On facrifioit » dans ce Temple deux fois le jour; & il y avoit des fêtes » où ces Sacrifices s'offroient avec plus de folemnité qu'aux jours ordinaires ».

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A ce que je viens de rapporter d'après Lucien, je dois joindre deux reflexions. La premiere, que le Temple dont il parle, n'étoit pas l'ancien, que le temps avoit ruiné, ainsi qu'il le dit lui-même; mais celui qui avoit été bâti par Stra

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