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que les Payens les confultoient, pour en apprendre l'avenir: que ces figures étoient d'une forme humaine, puifque l'Ecriture Sainte rapporte que Michol en mit une dans le lit de David, pour faire croire qu'il dormoit encore: autrement il auroit été ridicule de mettre dans le lit de ce Prince toute autre figure que celle d'un homme, pour pouvoir tromper les Gardes; car il falloit bien qu'ils cruffent voir de loin quelque chofe qui reffemblât à un homme qui dort. J'ai eu raison auffi de conclure de cette hiftoire, qu'il devoit y avoir des Teraphims d'une grandeur approchante de la taille ordinaire de Phomme. En effet s'ils n'avoient été que de petits marmoufets, les Gardes de David n'auroient pas pû y être trompés: enfin que quelquefois le terme de Teraphim fe prend dans l'Ecriture en bonne part; comme dans le Prophete Osée (1), (1) C. 3. v. 4. où il femble qu'on les regardoit comme des Oracles, & qu'on nommoit de ce nom l'image de la verité, que portoit le Grand-Prêtre lorfqu'il confultoit le Seigneur: Quia dies multos fedebunt filii Ifraël fine Rege & fine Principe, & fine Sacrificio, & fine Altari, & fine Ephod, &fine Teraphim; fans Autel, fans Ephod, & fans Teraphim. On peut remarquer d'abord que ce Paffage eft fort obfcur, comme toute la Prophetie d'Ofée. Car enfin, fi les Teraphims étoient des Idoles des Payens, eft-ce une menace aux Juifs, de leur prédire qu'ils feront long-temps fans en avoir ?

Les Interpretes, embarraffés d'un endroit fi difficile, l'expliquent differemment, ainfi qu'on peut le voir dans leurs (2) In Ofe. Commentaires; mais S. Jerome (2), fur l'autorité de la ver- C. 3.v. 4. fion des Septante, femble l'avoir ramené à fon veritable fens. L'Ephod étoit l'habit de ceremonie du Grand-Prêtre, avec les pierres du Rational, & le Urim & Tummim, par le moyen defquels il rendoit des Oracles à ceux qui le conful toient; & comme les Septante ont entendu par le mot de Teraphim, cet Oracle du Seigneur, & par l'Ephod, le Sacerdoce, il eft clair que le Prophete a voulu prédire aux Ifraëlites, que s'ils continuoient d'être prévaricateurs de la Loi de Dieu, il arriveroit un jour qu'ils feroient fans Sacrifice, fans Autel, fans Sacerdoce & fans Oracle. Mais il faut convenir en même temps avec le même S. Docteur, que hors Dddd iij

s'il

cet endroit du Prophete Ofée, le mot de Teraphim eft toujours pris dans l'Ecriture Sainte en mauvaise part; & que fignifie dans le paffage que nous venons de rapporter l'Urim & le Tummim du Grand-Prêtre, il n'eft employé par-tout ailleurs que pour marquer de vaines Idoles, objet de la veneration des Payens (a).

Il paroît par ce que nous venons dire que les Teraphims étoient des Dieux particuliers, femblables à ceux qu'on a nommés depuis Lares ou Penates, & que chacun en avoit dans fa maifon pour fa confervation & pour celle de fa famille. S'ils avoient été des Dieux publics, Laban n'auroit pas dit pourquoi avez vous derobé mes Dieux? Et il n'auroit pas été le feul à pourfuivre Jacob; tout le Peuple intereffé à ce vol, l'auroit fecondé. L'exemple de Nabuchodonofor prouve qu'on les portoit dans les voyages & dans les expeditions militaires, puifque ce fut en chemin qu'il les confulta. Enfin, on peut prouver la même verité par celui de Micha qui avoit des Teraphims dans fa maifon pour les interroger dans le befoin. Mais étoient-ils des Dieux naturels, tels que les Aftres, ou des Dieux animés, c'eft-à-dire, les Ames des ancêtres? C'est ce qu'on ne fçauroit decider. Quelques Sçavans font perfuadés qu'ils étoient des Dieux animés ; & l'Auteur de Hiftoire Critique des Dogmes & des Cultes, en eft si convaincu, qu'il prétend que les Teraphims de Laban étoient Noé & Sem mais fur quelles preuves peut-on établir une pareille prétention? Sur ce fondement le même Auteur eft obligé de dire qu'il n'y avoit dans chaque maison que deux Teraphims, pour reprefenter ces deux Patriarches; mais comme l'Ecriture parle de ces Dieux fans en specifier le nombre, je ne crois pas qu'on puiffe le reftraindre à deux feulement. On fçait du moins que fi les Dieux Penates tirent leur origine de ces anciens Teraphims, comme il eft très-vraisemblable, il étoit libre à chacun d'en avoir autant qu'il en vouloit.

(a) L'exemple de Micha eft peut-être une exception à la Regle établie par faint Jerôme. Car on croit communément qu'il avoit fait fes Teraphims pour confulter le vrai Dieu; & que s'il étoit prévaricateur, il n'étoit pas idolâtre.

ARTICLE I I.

Moloch, Dieu des Ammonites

MOLOCH, un des principaux Dieux de l'Orient, étoit ho¬ noré par les Ammonites, qui le reprefentoient fous la figure monftrueuse d'un homme & d'un veau. On avoit ménagé vers les pieds de la Statue plufieurs fourneaux, dans lesquels on jettoit les enfans qu'on immoloit à ce Dieu; & tandis que ces Victimes infortunées qui brûloient dans ces fourneaux, jettoient des cris qui attendriffoient les affiftans, les Prêtres battoient du tambour, pour empêcher qu'on n'entendît leurs plaintes. C'étoit de ce bruit que la Vallée où fe commettoient ces abominations étoit nommée la Vallée du Tophet, comme qui diroit, la Vallée du Charivari.

prouver

Les Interpretes de l'Ecriture Sainte, & quelques autres Sçavans ont cherché à découvrir quel pouvoit être ce Moloch. Quelques-uns ont cru, avec Antoine Fonfeca, qu'il étoit le même que Priape: Gerard Voffius s'eft efforcé de qu'il étoit le Soleil; mais l'opinion la plus commune eft que ce Dieu étoit le même que Saturne : & on appuye cette prétention, par la conformité des Sacrifices humains, qu'on offroit également à Moloch & à Saturne ; & comme ce dernier eft Abraham, il n'eft pas douteux que le premier n'ait été formé fur ce que les Payens avoient appris de l'Hiftoire de ce faint Patriarche. C'est ainsi qu'en ont raisonné Selden (1), le Pere Kirker (2), Beyer & plufieurs autres; mais perfonne n'a prouvé cette opinion avec plus de force que M. Fourmont (3). Moloch, dit-il, étoit une fournaise, ainfi que l'ont toujours T. I. cru les Orientaux. Or cette idée étoit prife de la Fournaise qu'on difoit avoir été allumée dans Ur, ville des Chaldéens, pour y faire perir Abraham, ainfi que le racontent les Rabbins ; & comme le nom de cette ville eft le même que celui du feu, au lieu de dire que ce faint Patriarche étoit forti de Ur des Chaldéens, on publia qu'il avoit été tiré du feu, ou de la fournaise.

Dans les Sacrifices de Moloch on offroit des enfans; n'eftce pas là une imitation du Sacrifice d'Ifaac, que les Payens

(1) De Diig

Syr.

(2)

Oed Ag. (3) Ref. Crit.

1. P. 357.

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ont toujours crû avoir été executé à la lettre? Aux Victimes humaines on en mêloit d'autres dans les Sacrifices de Moloch, fçavoir des tourterelles ou des colombes, une brebis ou un agneau, un belier ou des chevres, un veau, un taureau, & on y ajoutoit de la farine, fimila: d'où cela peut-il être pris, demande le même Auteur? C'eft, dit-il, que l'Hiftoire du Patriarche prefentoit tout cet appareil. Prenez, dit Abraham, une geniffe de trois ans, un belier auffi de trois ans, une (1)Gen.15.9. tourterelle & une colombe (1): fumite mihi vaccam triennem, & arietem annorum trium, turturem quoque & columbam. Qu'on ajoute à cela le belier qui fut immolé à la place d'Ifaac, la farine, ou plûtôt les pains cuits fous la cendre, dont il est parlé dans l'Hiftoire de ce même Patriarche, & le veau qu'il fit tuer dans le feftin qu'il donna aux Anges; & il fera bien difficile de ne pas convenir que toutes les circonftances des Sacrifices qu'on offroit à Moloch, étoient une expression des avantures d'Abraham.

A toutes ces preuves on pourroit en ajouter une autre. Les noms de Moloch & de Melchon, qui étoient donnés au même Dieu, fignifient le Roi. Or les Auteurs profanes ont cru qu'A(2) Strabon. braham avoit été Roi (2): difons encore que le nom de Baal ou Bel, qui étoit, felon l'Ecriture Sainte, le même que Moloch, comme nous le prouverons dans l'Article fuivant, fignifioit le Seigneur, titre qu'on donne aux Souverains.

Pour comprendre ce que je viens de rapporter des differentes fortes de Victimes qu'on immoloit à Moloch, il eft bon d'avertir que c'eft fur l'autorité des Rabbins que les modernes l'ont crû: voici, felon Paul-Fage, ce qu'ils ont debité fur ce fujet. La Statue de Moloch étoit une figure creuse, dans laquelle on avoit ménagé sept efpeces d'armoires. On en ouvroit une pour y offrir de la farine, une autre pour des tourterelles, une troifiéme pour y immoler une brebis, une quatrième pour y facrifier un belier, la cinquiéme pour veau, la fixiéme pour un boeuf, & la feptiéme enfin pour y enfermer un enfant qu'on y faifoit brûler.

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Ces fept efpeces de chambres renfermées dans la Statue de Moloch, ont un rapport trop fenfible à ce qu'on difoit des fept portes de Mithras, par lefquelles il falloit paffer pour

être

être initié à fes myfteres, pour ne pas croire que c'eft fur lo modéle de ce Dieu, que les Docteurs Hebreux ont formé la defcription de la Statue de Moloch; foit que ce Dieu fût réellement le Soleil parmi les Ammonites, comme Mithras l'étoit chez les Perfes, ce qui eft très-vraisemblable, ainsi que nous le dirons de Baal, le même Dieu que Moloch; foit qu'il reprefentât Saturne, comme le veulent les Sçavans que j'ai nommés; c'eft à dire, la Planete qui porte ce nom. Car il ne faut jamais oublier que c'eft par le culte des Aftres que l'Idolâtrie commença parmi les Peuples de l'Orient.

Quoiqu'il en foit, ceux qui prétendent que Moloch étoit le même que Saturne, ne manquent pas de preuves pour appuyer leur fentiment. En effet le Saturne adoré par les Carthaginois, avoit beaucoup de reffemblance avec le Dieu des Ammonites, puifque felon Diodore de Sicile (1), il étoit reprefenté par une figure de bronze, dont les mains étoient renversées & penchées vers la terre, de maniere que quand on mettoit un enfant entre fes bras, pour le lui confacrer, il tomboit dans le moment fur un brafier allumé aux pieds de l'Idole, où il étoit bien-tôt consumé.

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Rien n'eft plus celebre dans l'Antiquité que les Sacrifices de Victimes humaines offertes à Saturne, non feulement à Carthage, & dans plufieurs autres endroits de l'Afrique, comme le remarque Minatius Felix (2), mais auffi dans la (2) In OdaPhenicie, quoique ce Dieu y fût reprefenté d'une maniere vio. differente de celle dont nous venons de parler, puisqu'on mettoit à fa Statue des yeux & des ailes, comme nous l'avons dit en rapportant le fragment de Sanchoniathon (a); & cette barbare coutume d'offrir à ce Dieu ces fortes de Victimes dura jufqu'au temps de Tibere, ainsi que le rapporte Tertullien (3).

(3) Apolog.

Ceux qui veulent que Moloch foit le Soleil, ont pour leur opinion des preuves encore plus fortes, ainfi qu'on peut le voir dans le Livre fecond, de l'origine & du progrès de l'Idolâtrie (4), de Gerard Voffius. Le Pere Calmet prétend (4) Chap. 3: que Moloch reprefentoit également le Soleil & la Lune.

Je crois avoir trouvé le moyen d'accorder ces differens

(a) Voyez le Chapitre des Theogonies.

Tome I.

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