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L'Infcription nous apprend bien à la verité qu'Aglibolus & Malachbelus étoient deux Divinités Syriennes, puifqu'ils font appellés Dieux du Pays de celui qui leur a confacré ce Monument, Tarpos 90s, & que Palmyre étoit dans la Syrie; mais quels Dieux reprefentoient-ils ? Ecoutons le fçavant Spon, dont l'opinion n'a pas été contredite. Quelques Auteurs, dit-il, prétendent que ces deux figures reprefentoient le Soleil d'hyver & d'été; mais comme un des deux a derriere lui un Croiffant, il vaut mieux croire que c'eft le Soleil & la Lune. Qu'on ne foit pas étonné au refte, de trouver la Lune reprefentée en jeune homme, puifqu'il eft certain que fouvent on donnoit les deux fexes aux Dieux, & qu'il y avoit le Dieu Lunus, .comme nous l'avons déja dit, après Spartien & d'autres Auteurs encore (a).

Pour Aglibolus, il n'eft pas douteux que ce ne fût le Soleil, ou Belus, car les Syriens peuvent fort bien avoir prononcé ainfi ce nom, que d'autres appelloient Baal, Belenus, Bel ou Belus; le changement de l'e, en o, eft peu de chofe dans les differens dialectes d'une Lange; mais le mot Agli, fera inintelligible, à moins qu'on n'admette la conjecture du fçavant Malaval, qui prétend que ce nom fignifie la lumiere qu'envoye le Soleil ; ce qu'il confirme par l'autorité d'Hefichius, qui met parmi les épithetes du Soleil, celle d'Ayan ǹ:or

il n'eft pas étonnant que les Grecs ayent prononcé Aglibolos,

au lieu d'Egletes-Belos.

Au refte, que les Palmyreniens ayent adoré le Soleil, ce n'eft pas un fait qui foit douteux. Herodien après avoir raconté l'heureux fuccès d'Aurelien, qui fe rendit maître de Palmyre, dit qu'il fit conftruire à Rome en memoire de cette victoire, un Temple fuperbe où il mit les depouilles des Palmyreniens, & entr'autres chofes les Statues du Soleil & de Belus.

Pour ce qui regarde Malachbelus, comme ce mot eft compofé de deux autres, fçavoir, Malach qui veut dire Roi, & Baal qui signifie Seigneur, & que ce Dieu eft representé avec un croiffant & une couronne, il eft certain qu'il repre

(4) Parmi les Medailles de Seguin, il y en a une qui reprefente le Dieu Lunus, avec le bonnet Armenien,

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fente la Lune, ou le Dieu Lunus. L'Ecriture fainte defigne fouvent la Lune par l'épithete de Reine du Ciel; le Prophete Jeremie qui condamne l'ufage d'offrir à cette Déesse des Gâteaux, s'exprime ainfi : Placentas offert Regina Cali; ou comme il dit dans un autre endroit : facrificemus Regina Cæli, & libemus ei libamina ; facrifions à la Reine du Ciel, & offrons lui des libations.

On peut voir dans le même Auteur que la date de l'Infcription, étant fuivant l'Ere des Seleucides, elle tombe fur la fin de l'Empire de Severe, l'an de Jefus - Chrift 254. & que le mois Macedonien nommé Peritius, répond à notre mois de Fevrier; mais ces difcuffions ne regardent point la Mythologie.

Suivant M. l'Abbé Renaudot, on trouve dans les Infcriptions de Palmyre, le nom de Jupiter foudroyant ; mais elles ne font peut-être que du temps où les Romains en furent les maîtres. Enfin ce Peuple fupeftitieux jufqu'à l'excès, reçut fans doute tous les Dieux qu'adoroient leurs Conquerants, & pouffa la flaterie jusqu'à rendre les honneurs divins à Alexandre & à Hadrien, lorfqu'ils allerent à Palmyre.

CHAPITRE VIII.

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Des Dieux Cabires.

UOIQUE CES Dieux ayent été connus dans la Grece dès les temps les plus reculés, comme leur origine eft certainement Phenicienne, j'ai cru que je devois les mettre dans la Claffe des Dieux des Syriens & des Pheniciens.

Rien n'eft plus celebre dans l'Antiquité, que les Cabires & leurs myfteres; mais rien en même temps de plus incertain (1) Liv. 2. que l'origine de ces Dieux. Si nous en croyons Herodote (1), c'étoient les Pelafges, qui étant allés s'établir dans l'Ifle de Samothrace, , y avoient porté le culte des Cabires & leurs myfteres, qu'ils apprirent enfuite aux Atheniens, parmi lefquels ils allerent demeurer lorfqu'ils fortirent de cette Ifle. Mais cet Auteur ne nous apprend pas, de qui ces mêmes

Pelafges avoient reçu la connoiffance de ces Dieux & de leurs myfteres; il y a même quelque chofe d'inintelligible dans ce qu'il rapporte (a). Car, felon lui, ces Pelafges étant dans la Grece, ignoroient encore les noms des Dieux, fur lefquels ils allerent confulter l'Oracle de Dodone, qui leur repondit qu'ils devoient apprendre ces noms de ces Barbares, c'est-à-dire, des Egyptiens. Cependant il dit au même endroit, qu'ils avoient appris aux Samothraces, & enfuite aux Atheniens, à honorer les Cabires & à celebrer leurs myfteres; & il parle à cette occafion, de la maniere obfcéne dont les Atheniens, conformement aux Samothraces, reprefentoient Mercure.

Quoiqu'il en foit, les Pelafges, peuple errant & vagabond,
avoient appris des Etrangers le culte des Dieux dont nous -
parlons : mais étoit-ce des Egyptiens ou des Pheniciens, que
leur en venoit la connoiffance? Quels Dieux étoient les Ca-
bires; quel étoit leur nombre; qu'étoit-ce que ces mysteres,
fi celebres dans l'Antiquité? Les Cabires étoient-ils les mê-
mes que les Corybantes, les Dactyles, &c ? Ce font autant
de queftions, qu'il faut examiner. Si nous en croyons San-
choniathon, les Cabires étoient originaires de Phenicie : cet
Auteur en parle dans deux endroits du fragment que nous avons
rapporté; il les fait defcendre de Sydik, & les confond avec
les Diofcures, les Corybantes & les Samothraces. De Sydik,
dit-il, venoient les Diofcures, appellés auffi Cabires, Corybantes,
Samothraces. Dans le fecond endroit où il parle des mêmes
Dieux, il rapporte que Chronos donna deux de fes villes,
fçavoir Byblos à la Déeffe Baaltis, & Beryte, à Neptune &
aux Cabires, &c. Il paroît donc par cet ancien Auteur, que
les Cabires étoient fils de Sydik (b), & qu'ils habiterent à
Beryte dans la Phenicie ; & comme les defcendans de ce
Sydik, quel qu'il foit, furent mis au rang des Dieux, il y a
foute apparence que les Cabires reçurent les mêmes honneurs,
&
que ce fut dans la ville que je viens de nommer, qu'on
commença à leur rendre un culte religieux. Il est donc cer-
tain que les Cabires étoient des Dieux Pheniciens; leur nom

(a) Voyez le commencement du Livre VI. où je rapporte ce paffage.
(b) Voyez le fragment, Livre II. Art. des Theogonies.

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tius.

même le prouve, comme je le dirai dans un moment. Dama(1)Dans Pho- feius (1), parlant d'Efculape, un des fils du même Sydik, dit formellement: Efculape, qui étoit à Beryte, n'eft point Egyptien, mais Phenicien d'origine; car parmi les enfans de Sydik, qui furent nommés Diofcures ou Cabires, le huitiéme s'appelloit, Efmunus ou Efculape.

Cependant quelque vraisemblable que foit cette opinion, je crois devoir mettre ici ce que d'anciens Auteurs ont pensé (2) Liv. 3. fur l'origine de ces Dieux. Si nous en croyons Herodote (2), les Cabires étoient fils de Vulcain, le plus ancien des Dieux d'Egypte. Comme l'endroit où cet Auteur le dit, a été mal traduit par Laurent Valla, M. Altori, d'ailleurs habile Antiquaire, s'eft trompé dans la Differtation qu'il a composée sur les Cabires, prétendant détruire par le temoignage de cet Hiftorien, l'opinion de Pherecyde & de Nonnus, qui donnoient Vulcain pour pere aux Cabires. Cambyfe, dit Herodote, étant entré dans le Temple de Vulcain, fit plusieurs railleries au sujet des Statues qu'il y trouva, & ordonna qu'on les brûlât; puis il ajoute, felon la traduction de Valla ; Sunt enim & hæc illis Vulcani fimilia, à quo fe hi homines aiunt esse oriundos: au lieu qu'il falloit traduire ; Cujus ipfos (id eft Cabiros) effe filios dicunt ; duquel, ( Vulcain ) difent-ils, les Cabires font defcendus. M. Du Ryer s'eft auffi mépris en cet endroit, en traduifant fur la version latine de Valla.

Voilà donc trois anciens Auteurs, Herodote, Pherecyde & Nonnus qui donnent Vulcain pour pere aux Cabires : avec cette difference cependant, que les deux derniers l'affûrent, pendant que le premier dit feulement, que c'étoit l'opinion des Egyptiens. Acefilaüs Argien, dont le fentiment eft rap(3) Liv. 10. porté par Strabon (3), prétendoit que les Cabires n'étoient pas les fils, mais les petits-fils du Vulcain, & que Camillus, que d'autres mettent au nombre des Cabires mêmes, étoit pere. Les Auteurs que je viens de citer difent auffi, que leur mere s'appelloit, Cabire, & Pherecyde ajoute qu'elle étoit fille de Protée.

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Strabon, qui a recueilli dans un grand détail le fentiment des Anciens au fujet des Dieux dont il eft queftion, n'en adopte aucun; & l'article où il en parle, curieux d'ailleurs,

manque de cette critique qui fçait donner le prix aux matieres que l'on traite. Quoiqu'il en foit, il eft certain que les Cabires étoient des Dieux venus de l'Orient ; & comme Herodote rapporte l'opinion des Egyptiens fans paroître l'adopter, on' peut s'en tenir à ce qu'en dit Sanchoniathon, & dès-là il eft inconteftable que c'eft dans la Phenicie, & à Beryte en particulier, qu'il faut chercher l'origine de ces Dieux, & du culte qu'on leur rendoit. Les Pheniciens qui s'établirent dans plufieurs Ifles de la Mediterranée & de l'Archipel, porterent les myfteres de ces Dieux fur-tout en Samothrace, où ils devinrent très-celebres dans la fuite; & les Pelafges qui y habitoient alors, étant venus dans la Grece, les firent connoître aux Atheniens. Le nom de ces Dieux n'eft point Grec d'origine, il vient de l'Hebreu & de l'Arabe, puifque dans ces deux Langues, comme le remarque le fçavant Bochart (1), Cabir, ̧ (1) Chan. veut dire, grand, puissant. Varron (2), & après lui Tertul-L. 1. c. 12. lien (3), ont fans doute connu cette étymologie, puifqu'ils Lat. L. 4. nomment les Cabires, des Dieux puiffants; Deos potentes: ce (3) De Spec. qui convient auffi à l'épithete que leur donne Orphée dans fon Hymne aux Curetes (4), & à celle de Grands Dieux, (4) devácomme on les appelle communément (a).

Si nous voulions maintenant rechercher combien il y avoit de Cabires, & quels étoient leurs noms, nous trouverions dans les Anciens une grande diverfité de fentimens. Comme, fuivant Sanchoniathon, les enfans de Sydik furent nommés Cabires, il faut, fi on fuit fon opinion, en admettre huit, puifqu'Efculape étoit fon huitiéme fils. Strabon ne compte que trois Cabires, & s'il y ajoute trois Nymphes Cabirides, cela n'augmente pas le nombre de ces Dieux, puifqu'on leur donnoit indifferemment les deux fexes. Tertullien en fixe auffi le nombre à trois: Tres are trinis Diis parent magis potentibus; eofdem Samothraces exiftimant. Quelques Auteurs n'admettent que deux Cabires, encore les nomment-ils differemment; car les uns les appellent Jupiter & Bacchus, & d'autres le Ciel & la Terre. L'ancien Scholiafte d'Apollo

(a) Selden, Synt. 2. c. 4. tire l'origine de leur nom, de Cubar, Dieu Arabe, dont le culte, felon Hornius, d'après Nonnus, paffa d'Arabie dans la Samothrace. Voyez Hornius, Hift. Phil. L. z. c. 4.

(2) De Ling.

T४5.

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