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premier Livre

des Arg.

(r) Sur le nius (1), affùre que Mnafeas comptoit trois Cabires, qu'il nommoit Axepos, Axioxiрoa', & Axepods. Enfin Dionyfiodorus y en ajoute un quatrième, fçavoir, Camillus ou Mercure, en quoi il eft d'accord avec Herodote.

mifcell.

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Bochart, qui eft celui de tous les modernes qui a le plus heureusement interpreté ces noms, les tire de la langue Phenicienne, & croit que le premier marque Cerès, le fecond, Proferpine, le troifiéme, Pluton, & le quatriéme enfin, Mercure on peut voir les preuves qu'il en donne, dans le Chapitre XII. du premier Livre de fon Chanaan. Reland, (2) Differt. qui a fait une fçavante Differtation fur les Cabires (2), admettant les noms de ces quatre Cabires, tels que je viens de les rapporter, conclut qu'ils étoient les Dieux des morts. Que Cerès étoit la terre, qui les recevoit; que Pluton & Proferpine marquoient les Enfers, où ils alloient habiter; & que Camillus ou Mercure, étoit le Dieu qui les y conduifoit. Que fi les Grecs fe contentent ordinairement de nommer les Cabires, les Dieux Samothraces, c'eft que leur culte qui avoit paffé d'Orient en Occident, s'étoit fur-tout établi dans l'Ifle qui porte ce nom, & dans celle d'Imbros qui n'en eft pas éloignée, comme Stephanus nous l'apprend, & comme on peut le prouver par le foin qu'avoient la plupart des Princes de ce temps-là d'y voyager, & de s'y faire initier aux myfteres redoutables de ces grandes Divinités. En effet Dio(3) Liv. 5. dore nous apprend (3), que Cadmus alla dans ce pays, & qu'il y époufa Harmione, ou Hermione, après avoir participé à ces myfteres. Orphée, Hercule, Caftor & Pollux, & quelques Argonautes ne manquerent pas auffi d'y aller, pour fatisfaire à un vœu qu'ils avoient fait dans une grande tem(4) T. III. pête, comme nous le dirons dans un autre endroit (4). Agamemnon, Ulyffe, & les autres Heros de la guerre de Troye, voulurent recevoir le même honneur, comme les Hiftoriens le rapportent (a). Macrobe nous apprend (5), que Tarquinius, fils de Demarate Corynthien, fut auffi initié à ces myf teres, ainsi que Philippe, pere d'Alexandre le Grand, & plufieurs autres. Les Atheniens, qui felon Herodote reçurent les

Hift. des Argonautes.

(5) Sat. L. 3.

C. 4.

(a) Voyez Diodore, Apollonius, Plutarque in Alexand. Suidas, &c.

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Sc. 1. v. 15.

premiers les myfteres de Samothrace, y envoyoient leurs enfans pour participer à ces myfteres; en quoi ils furent imités par les autres peuples de la Grece. Terence, dans fon Phormion (1), fait allufion à cette coutume. » Quand l'enfant (1) A&. 1. » fera né, dit-il, combien de prefents ne faudra-t'il pas faire, » que la mere s'appropriera ! Il faudra donner au moment qu'il viendra au monde ; le jour qu'on celebrera celui de fa naiffance; lorfqu'on l'initiera, &c. » Donat en interpretant cet endroit du Poëte, dit qu'il fait allusion à la coutume qu'on avoit d'envoyer les enfans d'un certain âge en Samothrace, pour y être initiés, ainfi que le dit Apollodore.

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Ce qui engageoit à cette démarche, c'eft qu'outre qu'on croyoit recevoir des Dieux Cabires de grands fecours dans les expeditions les plus dangereuses, principalement lorsqu'on étoit expofé à quelque tempête, comme le dit le Scholiafte d'Apollonius, on voyoit qu'on avoit un grand refpect pour ceux qui avoient participé à ces myfteres, comme l'affûre Diodore de Sicile.

Les Anciens nous apprennent les ceremonies qui fe pratiquoient dans cette occaffion. On plaçoit fur un trône celui qui devoit être initié, on lui mettoit une couronne d'Olivier fur la tête, on lui lioit le ventre d'un ruban pourpre, & les autres initiés dansoient autour de lui (a).

Les myfteres des Dieux Cabires & des Samothraces étoient très-respectables ; & il y a bien de l'apparence que puifque ces Infulaires en avoient appris le culte des Pheniciens & des Egyptiens (4), l'entrée de leur Temple, du moins du Sanctuaire, devoit en être interdite à tout le monde, excepté aux Prêtres, comme Herodote le dit de celui des Cabires d'Egypte (2) ; & ils avoient apparemment grand foin (2) Liv. 3. de ne pas expofer les Simulacres de ces Divinités à l'impie mépris des fpectateurs, comme firent les Egyptiens à Cambyfe. Auffi Paufanias ayant nommé les Cabires de la Grece, s'excufe fur le filence qu'il eft obligé de garder à l'égard de

(a) Voyez Platon, Dial d'Euthedeme; Dion Chryf. Orat. 2. Proclus Livre 6. C. 13. &c.

(b) Comme les Grecs n'en fçavoient point l'origine, ils difoient que c'étoit Jupiter qui les avoit inftitués à l honneur d'un de fes fils; ou un certain Etion, comme le dit S. Clement d'Alexandrie, Admonit. ad Gentes.

L. I. C. 57.

leurs myfteres. Stephanus (a) nous apprend qu'il y avoit dans l'Ile de Samothrace un antre, nommé Zerinthe, confacré aux Cabires, dans lequel, fi nous en croyons Lycophron (b) & Suidas, on immoloit des chiens à Hecate. Cette Déeffe que l'on confondoit fouvent avec Proferpine, Cerès ou la Terre, étoit au nombre des Dieux Cabires, comme nous l'avons dit. Mais ce qui rendoit ces myfteres encore plus refpectables, c'est que les Prêtres dans leurs ceremonies fe fervoient d'une langue étrangere, comme nous l'apprend Diodore (c); & l'on ne fçauroit douter que ce ne fût celle des anciens Pheniciens qui s'étoient établis dans cette Isle, & y avoient apporté le culte des Cabires. Auffi lifons-nous dans Hefichius, que le Prêtre de ces Dieux s'appelloit Coes, mot dérivé de l'Hebreu Cohen, qui veut dire un Prêtre.

Voilà fans doute quels étoient les vrais Dieux Cabires & (1) De Idol. leur culte ; & je ne fçaurois être du fentiment de Voffius (1), qui croit que par ce nom on ne devoit entendre que les Miniftres des Dieux, comme les Curetes & les Dactyles de I'Ifle de Crete, & les Corybantes de Phrygie. Cependant ce n'eft pas fans fondement que ce fçavant homme parle ainfi : car, 1. les Cabires étoient fouvent nommés Camilles, qui veut dire, Miniftres. 2°. Les Prêtres de Cybele, ou les Corybantes, étoient aussi nommés Cabires, d'une montagne de ce nom qui eft en Phrygie: mais il devoit fe rendre au temoignage de toute l'Antiquité, qui met les Cabires au nombre des Dieux les plus refpectables, & qui les diftingue trèsnettement des Miniftres qui avoient foin de leur culte; & il ne (2) Liv. 1o. devoit pas, felon moi, s'en rapporter à ce que Strabon dit (2),

(a) Stephanus, de Urbibus. Le Scholiafte de Nicandre dit la même chofe, ainf que Nonnus dans la defcription de la Samothrace, Liv. 13. des Dionyfiaques. Ovide s'exprime ainfi Livre 1. des Faftes

Inde levi vento Zerinthia littora naɛta,

Threiciam tetigit feffa Carina Samon.

(b) Zerinthon antrum immane Canicida Dea. Lycophron, in Caff. versu 77. ex correctione Bocharti, loc. cit. Voyez le Scholiafte de ce Poëte, qui prouve que Canicida Dea étoit Hecate.

(c) Habuerunt autem Indigena linguam veterem fibi propriam, cujus in facrificiis hodieque multa fervantur. Diod. Lib. 5.

que

que quelques Auteurs confondent les Curetes, les Corybantes & les Cabires.

Il faut remarquer auffi que ceux qui mettent au nombre des Cabires Caftor & Pollux, Jafon & Dardanus, fe font certainement trompés ; & ce qui peut les avoir induit en erreur, c'est que ces Heros s'étoient fait initier aux myfteres de ces anciennes Divinités ; & que ce dernier en avoit peut-être apporté le culte dans la Phrygie, avec celui de Cybele, qui étoit la même que la Terre, ou Proferpine, & la principale des Cabires, comme on l'apprend de Varron (1). Le culte (1) Liv. 10. & les ceremonies de cette Déeffe pafferent enfuite dans Italie où Enée les porta avec les Penates, qui felon Macrobe & Varron, n'étoient pas differens des Dieux Cabires (2) ; & cette opinion n'eft pas fans vraisemblance, puifque, comme nous le dirons en parlant des Pataïques, les figures de toutes ees Divinités reffembloient fort à celles des Penates.

(2) Voyez

Macrobe Sat. L. 3.

L'Antiquité n'avoit rien d'auffi celebre que les myfteres de Samothrace, ou des Cabires, comme il paroît par le foin qu'on avoit de s'y faire initier; mais les Auteurs qui auroient pu nous inftruire des ceremonies qui s'y pratiquoient, retenus par je ne fçais quel refpect religieux, n'ofent entrer en cela dans aucun détail. Heureufement ils ne nous ont derobé que. la connoiffance des infamies qui accompagnoient ces mysteres, fur lesquelles nous tirerions volontiers le rideau, s'ils nous les avoient dévoilées. Herodote nous fait affez entendre de quoi il s'agiffoit, puifqu'en affùrant que les Pelafges avoient porté à Athenes les myfteres de ces Dieux, il dit que c'étoient eux qui avoient appris aux Atheniens la maniere de represen ter Mercure, un des Cabires, d'une maniere obfcéne & tout-à-fait indecente. Auffi prenoit on la nuit pour celebrer ces myfteres, comme le dit Ciceron: Prætereo Samothraciam, eaque quæ Lemni nocturno aditu occultè coluntur (3).

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(3) De Nat,

Deor. L I

Les Anciens connoiffoient encore d'autres Cabires, dont les uns, comme nous le dirons dans un moment, étoient fils. de Vulcain, & les autres fils de Mercure. Mercure lui-mê, me, felon Herodote (4), étoit au nombre de ces Dieux, (4) Voyez ainfi cy-deffous. que Cerès qui étoit furnommée Cabiria, Proferpine, Cy bele, Promethée, &c. Car les Grecs qui ramenoient tout à Hhhh.

Tome I..

$25.

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leur Religion, penfoient des Cabires bien autrement que les Egyptiens qui leur en avoient donné la connoiffance. La tra(1) In Beot. dition des Thebains portoit, ainsi que le dit Paufanias (1), qu'il y avoit autrefois une ville en ce lieu, & des hommes appellés Cabires; que Promethée l'un d'eux, & fon fils Etneus, ayant eu l'honneur de recevoir Cerès, la Déeffe leur confia un depôt, & l'ufage qu'on en fait : voilà ce que je ne puis divulguer. Mais du moins peut-on tenir pour » certain que les myfteres des Cabires font fondés fur un pre» fent que Cerès leur fit ».

C. 37.

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Lorfque les Epigones'eurent pris Thebes, dit le même Au»teur, les Cabires ayant été chaffés parles Argiens, le culte de » Cerès Cabiria demeura interrompu pendant quelque temps. » Dans la fuite Pelargé, fille de Potneus, & Iftmias fon marile retablirent, mais en même temps ils le transfererent dans » un lieu nommé Alexiarès, hors des anciennes limites où » il avoit été inftitué. Aussi-tôt Telondès & les autres Cabi»res que la guerre avoit difperfés, fe raffemblerent en ce » lieu Au refte la Religion des Cabires & la fainteté de leurs ceremonies n'ont jamais été violées impu

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» nément ».

Ainfi parle Paufanias, qui paroît confondre les Miniftres des Cabires avec les Dieux-mêmes qui portoient ce nom: mais ce n'eft pas dans la Grece qu'il faut chercher la veritable origine de ces Dieux. C'eft dans l'Egypte, puifque nous trou(2) Liv. 3. vons dans Herodote (2) qu'ils étoient fils de Vulcain, le plus ancien de leurs Dieux, & qu'ils avoient un Temple à Memphis. En effet, cet Auteur ayant raconté de quelle maniere Cambyfe s'étoit comporté dans le Temple de Vulcain ajoute qu'il entra auffi dans celui des Cabires, dans lequel le Prêtre feul avoit permiffion d'entrer; & qu'après s'être moqué des Statues de ces Dieux, il avoit ordonné qu'on les fit brûler.

Les Pelafges qui connoiffoient fans doute ces Dieux par le moyen des Egyptiens, ou, ce qui revient au même, par les Prêtreffes de Dodone, en établirent le culte en Samothrace, & de-là chez les Atheniens; mais fans doute qu'ils ajouterent aux myfteres de ces Dieux, plufieurs infamies inconnues aux

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