(1) Liv. 2. Egyptiens, puifque le même Herodote, dans l'endroit où α » Il n'y eut point de lieu au monde où le culte des Cabires devint plus celebre qu'en Samothrace, où les Pelafges l'avoient établi. C'étoit-là qu'on celebroit ces affreux myfteres,qui avoient pris le nom de l'lfle même, & qu'on appelloit aufli les Orgies. Il falloit que les infamies qui accompagnoient ces myfteres, fuf fent bien abominables, ainsi qu'on l'a déja vû, puifque les Anciens qui fe trouvoient engagés à parler des Cabires & du culte qu'on leur rendoit, proteftent qu'ils n'oferoient les reveler. Paufanias (2) après avoir dit que le Temple que les Cabires avoient (2) In Beot. dans la Beotie, n'étoit qu'à fept ftades du Bois facré de Ce- c.25. rès Cabiria & de Proferpine, ajoute, le Lecteur me pardonnera si je ne fatisfais pas fa curiofité fur les Cabires, ni fur les ceremonies de leur culte & de celui de Cybele, &c. Saint Clement d'Alexandrie, pour combattre avec plus d'avantage le Paganifme, a cru devoir reveler une partie de ces horreurs ; mais ce qu'il en dit ne pouvant deformais fervir au même deffein, on ne trouvera pas mauvais que je le fupprime. Arnobe nous apprend (3) que dans la celebration de ces myfteres, on tuoit un des initiés; apparemment pour l'offrir en facrifice aux Cabires : Oblivioni etiam Corybantia facra donentur, in quibus fanctum illud myfterium traditur; frater trucidatus à fratribus. Firmicus femble avoir copié Arnobe, lorfqu'il dit que dans les myfteres des Corybantes on honoroit Thomicide, puifqu'il arriva une fois qu'un initié y fut tué par deux de fes freres. Celui, continue-t'il dans un autre endroit, qui veut verfer le fang de fon frere, n'a qu'à participer aux myste teres des Corybantes (a). Mais fans prétendre juftifier ces myf(a) In facris Corybantium parricidium colitur ; nam unus frater a duobus interemptus. Hhhh ij (3) Lib. I. teres, je crois que le fait que rapporte Arnobe, & après lui Firmicus, regarde quelque accident arrivé dans la fureur de quelques initiés qui tuerent leur frere. Les Anciens en effet ne nous apprennent rien de femblable. Ce qu'il y a de certain, c'est que ceux qui avoient commis quelque homicide, alloient à Lemnos pour en être expiés, comme nous l'apprend Hefi(1) Au mot chius (1). Quoiqu'il en foit, la fête des Cabires, inftituée d'abord à Lemnos, fut adoptée par les habitans de l'Ile d'Imbros, & paffa enfuite dans la Grece, fur-tout à Thebes, où elle devint celebre (a). Κόης. Enfin la derniere queftion que nous devons examiner, eft fi l'on doit confondre les Cabires avec les Corybantes, les Curetes, les Dactyles Idéens, & les Telchiniens: & il faut avouer d'abord que plufieurs Anciens ne les diftinguent pas les uns des autres. Strabon dans l'endroit que j'ai cité, rapporte le fentiment de Scepfius & de quelques autres Auteurs qui le foutiennent ; & parmi les Modernes, Voffius & M. Altori ont fuivi la même opinion. Pour moi, je crois qu'il faut les diftinguer, & voici les raisons fur lefquelles je me fonde. D'abord, Sanchoniathon, Herodote, Pherecyde & Nonnus, qui parlent des Cabires & qui donnent leur genéalogie, ne font mention ni des Corybantes, ni des Dactyles, ni des Curetes. Selon tous les Anciens, les Cabires étoient au nombre des grands Dieux, des Dieux puiffants: or, on n'a jamais rien dit de pareil des Corybantes, ni des autres que je viens de nommer. L'idée que donnent des Dactyles les meilleurs Auteurs, eft qu'ils étoient originaires de l'Ifle de Crete; qu'ils furent les premiers qui trouverent l'art de forger le fer, après l'embrafement du mont Ida: évenement qui fait une des époques des Marbres de Paros; enfin qu'ils étoient cinq, comme leur nom, tiré des doigts de la main, le prouve fans replique. Certainement cette idée n'eft point celle que donnent des Dieux Cabires Sanchoniathon, Herodote, & les autres Aciens que j'ai cités. Ce qu'on a dit des Curetes, qu'ils eurent foin de l'enfance eft (a) Voyez Meurfius, Gracia fer. L. 4. au mot KABeipia, de Jupiter, & qu'ils s'étudioient à empêcher qu'on ne l'entendît crier, en faifant du bruit avec leurs lances, & danfant autour de lui, ne s'accotde nullement avec ce que l'Antiquité rapporte des Cabires. Pour les Corybantes, c'étoient des Prêtres de Cybele, qui dans les Myfteres de cette Déesse fautoient auffi en danfant, & faifoient un grand bruit avec leurs armes. Les Telchiniens étoient pareillement regardés comme des Enchanteurs, qui couroient le pays pour dire la bonne-avanture, & s'attirer l'admiration du peuple, toujours prêt à admirer ce qui lui paroît merveilleux. Mais, dira-t'on, les myfteres de Samothrace, ou des Cabires, font fouvent appellés les myfteres des Corybantes, ainfi qu'on l'a yû dans les autorités mêmes dont je me fuis fervi.. C'eft-là précisément ce qui peut avoir trompé les Auteurs. que je refute. Les Corybantes étoient les Miniftres de ces myfteres, non feulement à Lemnos & à Imbros, mais auffi. dans toute la Phrygie & ailleurs eft-il étonnant qu'on ait nommé indifferemment ces myfteres, les myfteres des Corybantes, ou les myfteres des Cabires? Il eft donc certain qu'il ne faut pas confondre les Cabires avec les Corybantes, les Dactyles, &c. ni prendre pour ces Dieux fi refpectés dans l'antiquité, les Miniftres de leur Culte; Miniftres qui par leur conduite fe rendirent extrémement méprifables. On parlera encore des Corybantes dans l'Hiftoire de Cybele, dont ils étoient les Miniftres. Mais que penferons-nous d'une ancienne Infcription que rapporte M. Altori, par laquelle il paroît que les Cabires font confondus avec les Diofcures? Caïus, fils de Caïus Acharnanien, qui a été fait Prêtre des grands Dieux Diofcures Cabires, a pofé ce Monument en l'année où Dionyfius fut Archonte après Licifcus. Je dis, & c'est encore une autre queftion à examiner, qu'on a quelquefois confondu les Cabires avec les Diofcures & les Anaces ou Anactes; fentiment adopté par l'Antiquaire que je viens de nommer, & qu'il tâche de prouver par le paffage de Ciceron que j'ai rapporté dans ce Chapitre : mais je crois qu'il faut les diftinguer les uns des autres, comme le prouvent leurs Génealogies. Selon Ciceron, les Anaces & les Tome I.. Hhhh iij " Diofcutes étoient fils de Jupiter l'ancien : les Egyptiens don- Des Dieux Anaces ou Anacles. (1) In The feo. " PLUSIEURS Auteurs, parmi lesquels font Plutarque (1), Theodoret (2), & quelques autres, ne mettent au rang (2) Græcarum Affect.1.8. de ces Dieux que Caftor & Pollux, les deux Diofcures (3) Axpo ou fils de Jupiter (3), dont je raconterai l'Hiftoire en parlant des Argonautes, qu'ils accompagnerent à la conquête de la Toifon d'or; mais Ciceron, plus exact en cela, parle de trois fortes d'Anaces : les premiers étoient fils d'un ancien Jupiter, Roi d'Athenes, & de Proferpine, & ils fe nommoient Titopatreus, Eubuleus, & Dionyfius; les feconds étoient fils de Jupiter troifiéme & de Leda; c'étoient Caftor & Pollux. Les derniers enfin étoient Aleo & Melampus Emolus, fils d'Atrée (a). Quelques Anciens en mettent un plus grand nombre, puifqu'ils les confondent avec les douze grands Dieux. En effet Paufanias raconte qu'Hercule, après avoir faccagé Elis, pour fe venger d'Augias, éleva fix Autels aux douze grands Dieux ou Anactes, enforte qu'il y avoit deux de ces Dieux pour chacun de ces Autels. L'Ancien Scholiafte de Pindare nomme quelques-uns de ces Anactes; mais le paffage où il en parle, eft trop corrompu pour qu'on en puiffe tirer rien de certain. (a) Atoonpos etiam apud Græcos multis modis numerantur. Primi tres qui appelantur Anaces, Athenis ex Jove Rege antiquiffimo & Proferpina nati, Tritopatreus, Eubuleus, Dionyfius. Secundi Jove tertio nati & Leda, Caftor & Pollux. Tertii dicuntur à nonnullis Aleo & Melampus Emolus, Atrei filii, qui Pelope natus fuit. Cic. de Nat. Deor. 1.-3. " Les Les Auteurs ne font pas d'accord fur l'étymologie du nom que portoient ces Dieux. Plutarque croit qu'il fut donné aux Tyndarides, ou à caufe qu'ils avoient procuré la Paix (a), ou parce qu'on les avoit placés parmi les aftres; ce qui fait dire à Horace, Sic fratres Helene lucida fidera (1), ou pour d'autres raisons qui ne font pas meilleures (b). C » 8 Voici le paffage de Plutarque, fuivant la traduction de Mr. Dacier. Caftor & Pollux étant maîtres dans Athenes, ne demanderent qu'à être initiés. . . . Ils furent donc reçus dans la Confrérie des grands Myfteres, après avoir été adoptés auparavant par Aphidnès, comme Hercule l'avoit été par Pylius. On leur rendit des honneurs divins, & on les appella Anaces, foit parce qu'ils avoient fait ceffer la guerre, » ou qu'ils avoient eu fi grand foin des Atheniens, que, quoique la Ville für pleine de Troupes, perfonne n'y avoit » reçu le moindre déplaifir; car ce mot eft tiré d'un terme qui fignifie proteger, avoir foin, & peut-être que de là les Rois ont été appellés Anactes, comme Protecteurs Peres des peuples. Il y en a pourtant qui difent, que ce » nom fut donné aux Tyndarides à caufe de leurs étoiles qui paroiffent dans le Ciel; car les Atheniens difent Anecas & Anecathen, ce que les autres difent Ano & Anothen » en haut (c).» Quoiqu'il en foit, Caftor & Pollux furent bien mis, à la verité, au nombre des Dieux Anactes pour la rais fon que je rapporterai dans la fuite; mais ils n'étoient pas les feuls, ni les plus anciens Dieux de ce nom, qui ne fur connu des Grecs qu'à l'arrivée des Pheniciens, parmi lesquels les Defcendans d'Enac qui avoient regné à Arbé, ou ou Hebron comme on le voit dans Jofué (d), étoient fameux, ainsi ou 99 n que (a) Sed hic, Plutarchus, arbitratur poffe etiam ex eo nomen videri, quia procurarint ávozás, five inducias; vel ab vw, hoc eft fupra quia in cælis inspiciuntur. Voffius de Idol. 1. 1. c. 13. (b) Putabat Euftharius in Ody. I., avang's vocatos, quia Græcè vaxes dicunt pro opovrsinas, curiosè. Voffius, loco cit. (c) Mr. Dacier dans la Note qu'il a faite fur cet endroit de Plutaque, adopte l'étymologie qui fait venir le mot d'Anactes, d'Anaffein, avoir foin, & le prouve par quelques autorités; mais il y a plus d'apparence, qu'il étoit étranger à la Grece. (d) Deditque eis Jofue urbem Arbe Patris Enac, ea eft Hebron. Jofué 15. v. 15. Et ailleurs il dit: Nomen autem Hebronis olim fuerat Cariatharbe : hic fuerat homo inter Enacinos maximus. Jofué 11. v. II. (1) Lib. I. Ode 3. |