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nous le dirons dans l'Hiftoire des Geants. Inachus étoit de cette race. Il y a bien de l'apparence même que le nom d'Inachus n'étoit pas le nom propre de celui qui conduisit la premiere colonie dans la Grece, & qu'il ne lui fut donné que par allufion à Enac; mais nous difcuterons ce point plus particulierement dans le 3. Volume. Au refte je fuis perfua dé qu'on ne donna pas le nom d'Anactes à tous les Rois en général (quoique ce nom dans la Langue Grecque veuille dire proprement un Roi ) (a); mais à ceux des Defcendans d' nachus, qui fe rendirent célébres par leurs belles actions..

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Voffius eft bien perfuadé auffi que le nom des Dieux Ana Яes étoit originaire de Phenicie; mais il croit qu'il avoit été apporté dans l'Occident par Cadmus, ou par les Chananéens que Jofué avoit obligés par fes conquêtes de fortir de Phenicie, & qui s'étoient retirés dans la Grece; & il ajoûte que les Spartiates qui fe difoient Alliés des Ifraëlites, com (1) Ant. 1. me nous l'apprend Jofeph (1), étoient une colonie de ces Chananéens, dont la plupart defcendoient d'Abraham par Agar & Cethura: & c'eft pour cela que les plus fameux des Anactes Grecs, étoient Caftor & Pollux, originaires de Sparte;. les Lacédemoniens leur ayant donné ce nom pour honorer la memoire des Defcendans d'Enac, dont ils avoient oui raconter tant de merveilles. Il eft für que les Grecs connoiffoient eet: Enac, dont il eft fait mention dans les Livres facrés, & qu'ils fçavoient que c'étoit un Homme d'une taille extraor dinaire, & le Pere des Geants. Ce que raconte Paufanias du Geant Afterius, en eft une preuve. Vis-à-vis de Milet, dit (2) In Att. cet Auteur (2), il y a l'ifle Ladé, qui fe fepare en deux autres petites ifles, dont l'une porte le nom d'Afterius, parce qu' Afterius y a fon tombeau. Il étoit fils d'Anax que l'on dit avoir été fils de la Terre. Le corps d'Afterius n'a pas moins de dix coudeés de long.. Hn'eft pas étonnant au refte que les Grecs ayent publié que cet Enac, ou comme ils l'appellent Anax, étoit fils de la Terre; c'étoit l'origine qu'ils donnoient à ceux qu'ils ne connoiffoient qu'imparfaitement. Voilà, je crois ce qu'on peut dire de plus

C. 35.

(a) Anaces, Reger. Homere donne ce nom à la plupart des Dieux & des Rois, pour marquer le foin qu'ils prenoient de leurs peuples; & on le trouve fur plu keurs Médailles: il vient du Verbe dva, Regno.

vraisemblable

vraisemblable fur les Dieux Anactes, fi connus dans les Poëtes Grecs. Paffons maintenant aux Dieux Pataïques, qui ont une même origine.

L

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CHAPITRE IX.

Des Dieux Pataïques.

Es Pataïques ou Pataques, car ce nom fe prononçoit de ces deux manieres, étoient, felon Hefichius (a), des Dieux Pheniciens, dont on mettoit les Statuës fur la Poupe des Vaiffeaux. Si nous en croyons Herodote, ils avoient beaucoup de reffemblance, au moins quant à leurs figures, à de petits Pygmées ; & ils étoient fi mal faits qu'ils attirerent le mépris de Cambyfe, lorfqu'il entra dans le Temple de Vulcain en Egypte : Voici ce qu'en rapporte cet_ancien Hiftorien. Cambyfe étant entré un jour dans le Temple de Vulcain, fit à l'image de ce Dieu une infinité d'injures & d'ignominies, parce qu'elle reffembloit à ces Dieux que les Pheniciens appellent Pataïques, & qu'ils mettent à la prouë de leurs Vaiffeaux. J'avertirai en paffant ceux qui » ne les ont pas vûs, qu'ils font faits comme des Pygmées. » Il entra auffi dans le Temple des Cabires, où il n'eft mis à perfonne d'entrer, fi ce n'eft au Prêtre, & fit brûler toutes les Statues qui y étoient, après s'en être moqué; car elles font femblables à celles de Vulcain dont ces Peuples difent que les Cabires font defcendus ». Surquoi il eft bon de remarquer 1°. que les Statues des Dieux Pataï& des Cabires, étoient fort reffemblantes, & que parques mi les Egyptiens Vulcain, le plus ancien de leurs Dieux étoit représenté comme eux, ainfi que le furent dans la fuite, chez les Grecs & les Romains, les Dieux Penates; 2°. qu'Herodote fe trompe, lorfqu'il dit que les Pheniciens mettoient leurs Dieux Pataïques fur la prouë de leurs Vaiffeaux, au lieu que c'étoit fur la Pouppe, comme Hefichius, Suidas (b),

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per

(a) Пaraixo, Dii Phenices, quos ftatuunt ad Puppes Navium. Hefichius verbo Haraixo. Suidas, Harpocration, & Phavorin difent la même chose. (b)Пaraixo: Phenicii in Puppibus collocati.

Rome I.

I iii

(1) Sat. 6.

(2) Epift. Paridis.

(3) Georg.

& après eux Scaliger & Bochart (a) en conviennent ; & ni les Pheniciens ni les Grecs, chez qui cette coûtume étoit paffée, ne renverferent jamais cet ordre. Auffi l'on mettoit toûjours fur la Pouppe l'image d'un de ces Dieux, qui étoit regardé comme le Patron & le Protecteur du Vaiffeau; ce qui fait dire à Perse (1): Ingentes de Puppe Dei. & à Ovide

Accipit& pictos Puppis adunca Deos. (2)

Au lieu qu'on ne mettoit fur la prouë que la figure de quelque animal ou de quelque monftre, qui donnoit fon nom au Navire; ce qu'Ovide exprime par ce vers:

Navis & à picta Casside nomen habet.

C'eft pour cette raifon qu'on avoit coutume d'orner de fleurs & de couronnes la Pouppe des Vaiffeaux, comme le lieu confacré à la Divinité qui le protegoit, ainfi que nous l'apprend Virgile:

Puppibus & læti Nauta impofuere coronas (3);

ce que l'on n'observoit pas à l'égard de la prouë, où l'on ne voyoit que la figure de quelque animal qui ne meritoit pas les mêmes hommages.

Que fi on demande l'origine de ce nom, je répondrai que nos plus fçavans Auteurs le tirent ou de l'Hebreu ou du Phenicien; foit comme le prétend Scaliger, du mot Hebreu Patach, infculpere, graver; ou felon Bochart (b), de Batach, confidere, avoir confiance : étymologies qui conviennent parfaitement l'une & l'autre à l'ufage que faifoient les Pheniciens, & après eux les Grecs, des Dieux Pataïques.

Au refte, l'usage de donner aux Vaiffeaux le nom des animaux qui étoient représentés fur la prouë, eft très-ancien ; nous voyons en effet que Virgile nomme ceux qui compofoient la Flotte d'Enée, le Centaure, la Baleine, &c.

(a) Aliud Tutela, aliud mugonμa infigne Navis; illius locus perpetuus in Puppe▾ hujus in prora fuit. Bochart Chan. 1. 2. c. 3. Scaliger dit la même chofe, Can. Chron. (b) Bochart, Chan. 1. 2. c. 3. prouve que les Pheniciens & les Hebreux chan goient fouvent le P, en B, & prononçoient Balach au lieu de Palach, & Bataïque au lieu de Pataïques.

Confultez fur cet article Selden, de Diis Syriis, Synt. 2. c. 16.

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CHAPITRE X.

Des Dieux Palices.

'ACROBE (1), dans l'endroit de fes Saturnales, où il

(1) Saturn. fait l'éloge de l'érudition de Virgile, qui avoit fçu 1.5.c. 19. employer dans fes ouvrages plufieurs morceaux tirés de l'Hiftoire Grecque, cite, entre autres paffages de ce grand Poëte, les vers du ge. Livre de l'Eneïde:

Symetia circum

Flumina, ubi placabilis ara Palici,

& dit qu'aucun Auteur Latin n'a parlé de ces Dieux, fi connus en Sicile, & qu'Æfchile, Poëte Sicilien, dans fa Tragedie intitulée Etna, eft le premier qui en ait rapporté l'origine de cetre forte (a). Ce fut près du Fleuve Symete, qui coule dans la Sicile, que Jupiter devint amoureux d'une Nymphe nommée Ætna, d'autres la nomment Thalie, laquelle pour derober à Junon la connoiffance de fa foibleffe & éviter fa vengeance, pria fon Amant de la cacher dans les entrailles de la terre; ce qu'elle obtint : & lorfque le terme où elle devoit accoucher, fut arrivé, il fortit de la terre deux enfans, qui furent appellés Palices, comme qui diroit, fortis de la terre où ils étoient entrés (b). Ces deux enfans furent mis dans la fuite au rang des Dieux.

Mais ce n'eft-là qu'une fable, inventée fur l'équivoque du nom de ces Divinités. C'étoit une reffource ordinaire aux Grecs, quand ils vouloient rechercher l'origine de leurs Dieux, d'inventer des Hiftoires fur le frivole fondement des étymologies d'une Langue qu'ils n'entendoient pas: & la fable que nous expliquons ici, en eft une preuve manifefte, puifque le culte des Dieux Palices étoit venu de Phemicie, comme leur nom ne laiffe aucun lieu d'en douter. Il est très-proba

(a) Macrobe confirme en ce Chapitre tout ce qu'il dit des Palices, par les témoignages non seulement d'Aschile, mais auffi de Callias, de Palemon & de Xenagore.

(b) Palici, da man ixia. Macrob. loco cit.

Iiii ij

ble qu'il vient du mot Hebreu Palichin, qui fignifie venerable, refpectable, comme Bochart le prouve (a); ce que le Poëte Æfchile, d'où Macrobe a emprunté la fable, semble infinuer, lorfqu'il dit que Jupiter avoit ordonné qu'on donnât aux Dieux Palices, le titre de refpectables. Hefichius confirme auffi l'heureuse conjecture de Bochart, puifqu'il dit qu'Adranus, dont le nom eft auffi Phenicien, étoit pere des Palices: car apparemment on ne donnera pas dans l'erreur ridicule de quelques Sçavans, qui ont crû qu'il falloit lire dans Hefichius, Adrien, au lieu d'Adranus, comme fi cet Empereur Romain qui ne fut mis au rang des Dieux, que cent quarante ans après ła venuë de Jefus-Chrift, pouvoit avoir été le pere de ces anciennes Divinités, dont le culte étoit célebre dans la Sicile plufieurs fiécles avant qu'il fût au monde ; & avoir donné fon nom au fleuve Adranus, qui le portoit long-tems auparavant.

Cet Adranus, au refte, qu'Hefichius dit avoir été le pere des Palices, contre l'opinion d'Efchile, qui affûre qu'ils étoient fils de Jupiter, eft un Dieu inconnu hors de la Sicile; ainsi il y a bien de l'apparence qu'il étoit le même que l'Adra(1) Cap. 17. melech, dont il eft parlé dans le second Livre des Rois (1): & dont le nom veut dire, un Roi magnifique, & que fon culte, de même que celui des Palices, fut porté dans cette Ifle par les Colonies Syriennes ou Pheniciennes, qui vinrent (2) Loc. cit. s'y établir; c'eft ce que nous apprend Bochart (2), & fa conjeature paroît tout à fait vraisemblable. Car enfin on doit préferer au fentiment d'Hefichius, qui donne Jupiter pour pere aux Palices, celui d'Æfchile, qui prétend qu'ils étoient fils d'Adranus, & qui comme Sicilien d'origine, devoit mieux connoître les antiquités de fon Pays, que le Lexicographe Grec que je viens de citer.

Quoiqu'il en foit, les Palices étoient fort honorés dans la Sicile, & Diodore affûre (b) qu'ils avoient un Temple près de la Ville d'Erice (c), également refpectable par fon antiquité & par les choses admirables qui y arrivoient. En effet 3) Loc. cit. il y avoit près de ce Temple, fi nous en croyons Macrobe (3)

(a) Chan. 1. 1. c. 28. Ce mot vient de Pelach, colere, venerari.

(b) Fanum hoctum antiquitate tum religiofa veneratione quòd in eis multa Tara & fupenda eveniant. Diod. Lib. 11.

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(*) Elle étoit fur une montagne de ce nom : c'eft aujourd'hui Trajano Vecchio.

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