Imágenes de páginas
PDF
EPUB

après Æfchile & Diodore, deux petits Lacs d'eau bouillante
& enfouffrée, toûjours pleins fans jamais deborder, que l'on
appelloit Delli, & que le peuple crédule honoroit avec beau-
coup de refpect, s'imaginant qu'ils étoient les freres des Pa-
lices, ou plûtôt que c'étoit de cet endroit-là qu'ils étoient
eux-mêmes fortis, lorfque leur mere en accoucha. Nec longè
inde lacus breves funt, fed immenfum profundi, aquarum fcatu-
rigine femper ebullientes, quos incola Crateras vocant, & no-
mine Dellos appellant, fratrefque eos Palicorum æftimant, &
habentur in cultu maximo (1). Ovide les décrit auffi. C'étoit (1) Loc. cit.
près de ces deux baffins que l'on faifoit les fermens folem-
nels, & c'étoit-là qu'étoient déterminées les affaires, dont
la décision étoit la plus difficile. Ceux qui étoient appellés à
ce ferment, fe purifioient ; & après avoir donné caution de
payer, fi les Dieux les y condamnoient, ils s'approchoient de
ces baffins, & juroient par la Divinité qui y préfidoit. Si leur
ferment étoit fincere, ils fe retiroient; mais les parjures étoient
punis fur le champ, comme tous les Auteurs qui en ont parlé,
en conviennent ,

Perque lacus altos, & olentia fulphure fertur
Stagna Palicorum, ruptâ ferventia terrá (2).
Et qui præfenti domitant perjura Palici
Pectora fupplicio (3). .

(2) Ovide:

(3) Sil. Ital. lib. 14.

quoiqu'ils ne foient pas d'accord fur le genre de punition. Macrobe prétend qu'ils tomboient dans un de ces Lacs, où ils fe noyoient. Quod fi fideliter faceret, difcedebat illæfus; fi verò fubeffet jurejurando mala confcientia, mox in lacu amittebat vitam falfus jurator (4). Polemon affûre qu'ils mouroient (4) Macrob. fubitement; Ariftote & Stephanus difent qu'ils étoient devorés par un feu fecret; & felon Diodore, il y en avoit qui perdoient la vie (a).

Que ces differens châtimens foient vrais, ou qu'ils n'ayent été inventés que pour épouvanter les parjures, comme il paroît par la diverfité de ces opinions, il eft fûr qu'on ne s'appro

(a) Solin, Prifcian & Ifidore difent la même chofe d'une fontaine de Sardaigne; mais ils ont confondu cette Ifle avec la Sicile, qui n'en eft pas éloignée, comme Saumaife l'a jndicieusement remarqué.

I iii iij

ibid.

près Callias.

2

choit de ces Baffins & des Autels de ces Dieux implacables (a) qu'avec beaucoup de frayeur, & ce lieu étoit un afyle affûré pour les Efclaves maltraités; leurs maîtres étant obligés pour les retenir, de les traiter avec plus d'humanité; ce qu'ils obfervoient religieufement de crainte de s'attirer quelque châtiment redoutable. N'oublions de dire que pas les anciens habitans de Sicile avoient appellé ces deux Lacs, (1) Voyez Delli (1), d'un mot Arabe, qui veut dire indiquer; parce que Macrobe a les fermens qu'on y faifoit, découvroient la verité; ou, ce qui eft encore plus vraisemblable, du mot d'Hebreu Daal puifer. J'adopte volontiers cette étymologie, parce qu'elle femble s'accorder mieux avec ce qu'Ariftote dit au fujet des fermens, dont nous avons parlé. Selon ce Philofophe, on écrivoit le ferment qu'on faifoit à ces Dieux, fur des billets qui furnageoient, fi celui qui le faifoit, juroit pour une chose vraie; & qui tomboient au fond de l'eau, lorfqu'on fe parjuroit. Comme la coûtume de ces fermens venoit d'Orient, ainfi que le culte des Dieux Palices, il y a bien de l'apparence que c'étoit une imitation de ce qui eft écrit dans le Livre des Nombres, touchant les épreuves de l'eau qu'on faifoit boire aux femmes adulteres ; & les châtimens, dont parlent les Auteurs que j'ai cités, n'étoient peut être qu'une tradition de ce qui arrivoit à celles qui étoient coupables du crime dont on les accufoit (b).

Mais il faut ajoûter ici que le Temple des Palices n'étoit pas feulement refpectable par tout ce que je viens de dire, mais encore par les Propheties qui s'y rendoient de temps en temps. Macrobe, après Xenagore, raconte que la Sicile étant affligée par la famine on confulta l'Oracle des Palices, & qu'il répondit que fi on facrifioit un certain Heros, que ces Auteurs ne nomment point, la fterilité cefferoit; ce qui arriva, Les Siciliens, pour reconnoître ce bienfait, chargerent de fruits & de préfens les Autels de ces Divinités favorables; & c'eft felon Macrobe, ce qui a fait dire à Virgile: · Pinguis ara Palici.

Quá gratiâ Siculi omne genus frugum congefferunt in aram Pali(a) C'est ainfi que Macrobe les appelle.

(b) Les épreuves par le feu & l'eau on été long-temps en ufage, furtout en France, même après l'introduction du Chriftianisme

corum. Ex qua ubertate ara ipfa pinguis vocata eft (1). On (1) Mac. I. porta dans la fuite la fuperftition, jufqu'à immoler à ces Dieux cit. des victmes humaines. Mais cette barbare coutume fut enfin abolie, & les Palices fe contenterent des offrandes ordinaires : c'est à cela que l'ingénieux Poëte, que je viens de citer, fait allusion, lorsqu'il dit :

Placabilis ara Palici.

Stephanus parle de la Ville & de la Fontaine des Palices, & Foreftus célébre Hiftorien de Sicile, nous apprend que les deux Baffins, dont je viens de parler, portent aujourd'hui le nom de Nephti.

Je me fuis principalement attaché dans cet article, à Macrobe, qui paroît avoir puifé ce qu'il dit des Palices, dans les Auteurs Siciliens; car outre le Poëte Æfchile, il cite encore Xenagore & Callias qui avoient écrit l'Hiftoire de Sicile.

S'

CHAPITRE X I.

Des Dieux des Perses.

(2) De Rel. veter. Perf. eorumque

I l'on s'en rapporte à Thomas Hyde, fçavant Anglois, qui a fait un Traité de la Religion des anciens Perses (2) Ouvrage rempli de l'érudition la plus profonde, ce Peuple, dont on trouve encore, felon lui, quelques reftes en Afie, Magorum. Ofous le nom de Pharfis ou de Guebres, avoit une Religion xoniæ 1700. beaucoup moins groffiere que celles de leurs voifins, & n'adoroit point, comme eux, de vaines Idoles. Il ne reconnoiffoit qu'un Souverain Etre, dont le feu étoit le Symbole; & s'il rendoit un Culte religieux à cet Element, ce n'étoit qu'un Culte relatif à la Divinité qu'il repréfentoit. Cette Religion, qu'on appelle le Magifme, fubfifte encore dans la Nation que je viens de nommer (3).

(3) Voyez

dit là - deffus

Mais quelques fçavantes que foient les recherches de cet ce qui a été Auteur, il est für que l'Antiquité a toûjours regardé les Per- dans le Liv. fes comme un Peuple, qui adoroit non feulement le feu & III.

le foleil, mais encore d'autres Divinités. Herodote (4) sou- (4) L. 3. e. 16.

& Ofir.

10.

tient que les Perfes croyoient que le Feu étoit un Dieu, & que la raifon pour laquelle ils ne faifoient pas brûler leurs Morts, étoit parce qu'ils auroient cru commettre un sacrilége, fi un Cadavre avoit été confumé par un Dieu. Plu(1) De Ind. tarque (1), parlant des deux principes, Oromase & Arimanius, l'un bon, l'autre mauvais, ajoûte que les Perses, suivant la Loy de Zoroaftre, honoroient Mithras & l'invoquoient comme le médiateur entre ces deux Divinités. D'ail leurs fi ce Mithras étoit le Soleil, comme nous le prouverons dans la fuite, il eft certain qu'ils adoroient cet Aftre à qui ils offroient des Chevaux en Sacrifice, ainsi que le dit Juftin après Trogue Pompée : Solem unum Deum esse cre(2) L. i. c. dunt, & Equos ei Deo facratos ferunt (2). Le même Auteur raconte de quelle maniere Artaxerxès Mnemon obligea Afpafie, dont lui & fon Fils étoient amoureux, à fe faire Prêtreffe du Soleil. Herodote, que nous venons de citer, dit la même chose des Maffagetes, voifins des Perfes. Il n'eft donc pas douteux que le Feu, ou le Soleil, n'ait été adoré comme un Dieu par cet ancien Peuple. Ce qu'on invoque comme une Divinité ; l'objet d'un culte religieux, des vœux, des demandes, & des prieres, eft un Dieu or les Perfes invoquoient le Soleil, lui offroient des Sacrifices, lui adreffoient leurs prieres, & avoient des Prêtres deftinés à fon culte. Si les autorités, que je viens de rapporter, ne fuf

fifoient pas pour le prouver, j'y joindrois Quint-Curce,

qui raconte que Darius, fur le point de combattre avec Alexandre , pour infpirer du courage à fes Troupes, invoqua le Soleil, Mithras, & le Feu. Solern, Mithrem, facrumque & di(3) Q. Cur. vinum invocavit ignem (3).

1. 4. c. 13.

(4) L. c. 131.

pour

Les Perfes honoroient donc le Feu, comme représentant le Soliel qui étoit leur grande Divinité: mais donner un Abregé de leur ancienne Religion, il faut rapporter tout ce qu'en difent Herodote & Strabon, les deux Anciens qui paroiffent avoir le mieux connu cet ancien Peuple. « Voici, dit le premier de ces deux Auteurs (4), ce que j'ai appris des Ceremonies Religieufes des Perfes. Ils ne croyent » pas qu'il foit permis d'avoir ni Statuës, ni Temples, ni Autels, & regardent, comme des infenfés, ceux qui en »ont; & cela, parce qu'ils ne penfent pas, comme font

D

» les

[ocr errors]

les Grecs, que les Dieux aient une figure humaine. Ils ont coutume de facrifier à Jupiter fur les montagnes les plus élevées, appellant Jupiter, la vafte étendue du Ciel. Ils facrifient au Soleil, à la Lune, à la Terre, au Feu, & aux Vents ; & c'est à ces Dieux feuls qu'ils offrent des Sacri»fices, de toute antiquité. Outre cela, ils ont appris des Affyriens & des Arabes, l'ufage de facrifier auffi à Uranie: les premiers de ces deux Peuples nomment cette Venus, Mylitta, les feconds, Alitta, & les Perfes l'appellent Mitra (1). Dans leurs Sacrifices, ils n'élevent point d'Autels, n'allument point de feu, & ne fe fervent ni de libations, nom fans af

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

(1) Hero dote écrit ce

»ni de gâteaux ; mais lorfque quelqu'un veut offrir un Sacri- piration. fice, il conduit fa Victime dans un lieu pur & net, & im

[ocr errors]

32

[ocr errors]
[ocr errors]

D

D

[ocr errors]

D

plore le Dieu auquel il veut l'offrir, ayant fur la tête sa Tiare, environnée de Myrte. Il n'eft pas permis à personne d'offrir le Sacrifice pour lui feul; il faut qu'il prie pour tous les Perfes & pour le Roi. Lorfque le Sacrificateur a offert la Victime, & qu'il l'a coupée en piéces, il la couche fur l'herbe la plus tendre, fur tout fur celle qu'on nomme le treffle. Les chairs de la Victime étant ainfi difpofées, le Mage qui affifte au Sacrifice, chante la Theogonie, que les Perfes regardent comme une espece d'enchantement » & il ne leur eft pas permis de facrifier fans Mage. Quel» ques inftans après, celui qui a offert la Victime, en enleve les chairs, & les employe à tels ufages qu'il lui plaît. De tous les jours de l'année, celui qu'ils obfervent avec le plus de folemnité, eft le jour de leur naissance. Les plus riches font rôtir un Boeuf ou un Cheval, ou un Chameau ou un Afne, pour en faire un feftin public; les pau>vres fe contentent de donner quelques méchantes Brebis». Le même Auteur ajoûte dans le Chapitre 138. du même Livre, que les Perfes ont encore une grande veneration pour les Fleuves, dans lefquels ils n'oferoient ni cracher, ni laiffer couler leur urine. C'eft pour cette même raison fans doute qu'il leur étoit défendu d'éteindre le feu avec de l'eau, n'employant pour cela que de la terre, ainfi qu'on peut le voir dans le Traité de Mr. Hyde, que j'ai cité au commencement de ce Chapitre.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Tome I.

Kkkk

« AnteriorContinuar »