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Strabon; qui avoit fait un voyage en Cappadoce, Pays affez voisin de la Perfe, s'eft fort étendu fur la Religion de (1) L. 15. cet ancien Peuple (1), & ce qu'il en dit, doit être pour nous d'une autorité d'autant plus grande, qu'il convient prefqu'en tout avec l'Auteur que je viens de traduire. « Les Perfes

P.732.

(2) Herodote

donne ce nom

autrement é

crit à Venus Uranie.

(3) Ce que

rodore.

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dit-il, n'ont ni Statues, ni Autels, & ils facrifient dans des » lieux élevés. Ils croyent que Jupiter eft le Ciel : ils ho» norent le Soleil qu'ils appellent Mithras (2), la Lune, Ve»nus, le Feu, la Terre, les Vents, & l'Eau. Ils facrifient dans un lieu pur, & font des prieres (a) fur la Victime, qui eft couronnée (3). Lorfque le Mage l'a découpée e dit pas He- chacun des Affiftans en prend fa part, & on n'en laiffe aucune pour les Dieux, croyant qu'ils n'exigent pour eux, que l'âme de la Victime: on dit pourtant, ajoûte-t'il, que quelquefois on jette dans le feu une partie de la graiffe. Ils facrifient furtout, au feu & à l'eau ; au feu du bois fec, dont ils enlevent l'écorce, après l'avoir couvert du gras. » du lard, & avoir répandu de l'huile deffus. Ils l'allument, non pas en foufflant, mais en faifant du vent avec une ef → pece d'éventail. Si quelqu'un y fouffloit, ou qu'il jettât dedans quelque ordure, il feroit puni de mort. Voici de quelle maniere ils facrifient à l'eau; c'eft toûjours Strabon qui parle. Lorfqu'ils font arrivés près d'un Lac ou d'un Fleuve, ou d'une Fontaine, ils font une foffe, & y étran glent la Victime, prenant bien garde que le fang ne rejailliffe pas jufqu'à l'eau; car alors tour feroit fouillé. Enfuite mêlant les chairs avec du myrte & du laurier, les Prêtres les font brûler; & après quelques prieres ils répandent de l'huile & du lait, mêlés avec du miel, non pasdans le feu ni dans l'eau, mais fur la terre. Pendant queles Prêtres font les prieres, qui durent long-tems, ils tien» nent à la main un faisceau de Tamarin. Dans la Cappadoce - où l'on trouve un grand nombre de Mages Perfans, qu'on nomme Pyrethes, cen'eft point avec un couteau qu'on frappe la Victime, mais on l'affomme avec un bâton ». Cet Auteur, comme on voit, confond la Religion des Perfes,

(a) Cafaubon a retabli la veritable leçon, en fubftituant des prieres, precation nes, aut mot d'imprecations, dont s'étoit fervi Xilander dans fa Traduction.

1

dont il avoit oui parler, avec celle des Mages de Cappadoce qu'il avoit vûs, & avec lefquels il s'étoit entretenu. Ce que je vais rapporter de lui au sujet des Pyrées, regarde uniquement ces derniers.

Les Pyrées, qu'il nomme zupabera, étoient, felon lui, de grandes enceintes, au milieu defquels étoit un Autel. Les Mages y confervoient le feu avec de la cendre, & y alloient tous les jours pour offrir leurs prieres, tenant à la main le faisceau dont j'ai parlé, & ayant la tête couverte de leurs Mitres, dont les bandelettes tomboient fur leurs vifages & fur leurs lévres. C'eft ce qui fe pratiquoit furtout dans les Temples d'Anaïtis & d'Omanus ; car ces deux Divinités avoient leurs Temples, & on portoit la Statue du dernier avec beaucoup de pompe & de ceremonie; c'eft, pourfuit Strabon, ce que j'ai vû moi-même (1). Ce qu'il ajoûte enfuite fur le refpect que cet ancien Peuple avoit l'eau pour dans laquelle on n'ofoit même laver fes mains, encore moins d'Anaitis, les corps morts, ni jetter aucune ordure, il avoue qu'il l'a- dans le Chap voit appris des autres.

(1) Voyez

ce que je dis ⚫ d'Omanus &

Quoiqu'il en foit, il eft bon d'obferver en paffant, qu'il femble que Strabon fe contredise dans le paffage que nous venons de rapporter ; car après avoir dit au commencement, que les Perfes n'avoient ni Temples, ni Statues il parle dans la fuire & du Temple, & des Statues d'Omanus & d'Anaïtis; mais on peut le juftifier, en difant que la premiere partie de fa narration, doit s'entendre de l'ancienne & primitive Religion des Perfes, qui n'avoient alors ni Temples, ni Statues; & que la derniere regarde les temps', où l'on avoit alteré la pureté de l'ancien culte. La premiere partie semble être copiée d'Herodote ; dans la derniere l'Aufeur rapporte ce qu'il avoit vû lui-même quatre cens ans après: or il n'eft pas étonnant que dans cet intervalle l'ancienne Religion de ce Peuple ait fouffert quelque changement. Le fait même n'eft pas douteux, puifque Clement d'Alexandrie (2) avance fur l'autorité de Berofe (3), que les Perfes, après une longue fuite d'années, avoient commencé à rendre un culte divin à des Statues humaines; ufage qui fut introduit par Artaxerxès fils de Darius, & pere d'Ochus. Ce fut lui, con

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fuivant.

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tanes,

tinue cet Auteur, qui érigea le premier à Babylone, à Ecba. & à Sufe, la Statue de Venus Tanaïde, & qui apprit par fon exemple aux Perfes, aux Bactres, & aux Peuples de Damas & de Sardes, qu'il falloit l'honorer comme une Déeffe.

Il eft vrai que cet Auteur femble contredire Herodote, qui rapporte, comme nous l'avons vû ci-deffus, que le culte de cette Déeffe étoit connu de fon temps dans la Perfe, & en même temps qu'il n'y avoit point de Statues des Dieux dans ce Pays; mais il fe peut faire que ce culte ait précedé, & que le Prince que nomme Clement d'Alexandrie, y a ajoûté des Statues de la Déeffe, comme Strabon l'a dit de celles d'Omanus & d'Anaïtis. Quoiqu'il en foit, je crois que les Perfes n'eurent que fort tard des Temples & des Autels: de là fans doute la fureur que Xerxès exerça contre les Temples d'Athenes, qu'il fit brûler: on pouvoit bien croire à la verité qu'il voulut fe venger des Atheniens, en détruifant ce qu'ils avoient de plus facré; mais ne voulut-il pas auffi venger les Dieux, qu'il croyoit outragés par la nature du culte qu'on leur rendoit dans la Grece?

Les Philofophes Grecs ont beaucoup raisonné fur cette ancienne Religion des Perfes; & quoique je ne veuille pas garantir leurs Allegories, je ne puis cependant m'empêcher de les rapporter. Voici comme en parloit Celfe, au rapport (1) Lib. 6. d'Origene (1). On voit, dit-il, dans la doctrine des Perfes', contra Cel- & dans les myfteres de leur Mithras, le Symbole de deux Periodes céleftes; de celle des étoiles fixes, de celle des Planétes, & du paffage que fait l'ame par celles-ci. Ce Symbole eft un Efcalier élevé, qui mene jusqu'à une huitiéme Porte. La premiere de ces Portes eft de plomb, la 2o. d'étain, la 3o. d'airain, la 4o. de fer, la se. de bronze mixte, la 6. d'argent, la 7. d'or. Les Perfes attribuent la premiere à Saturne, le plomb marquant la lenteur de cette Planéte à parcourir fon orbite : la 2e. à Venus, à laquelle ils comparent la molleffe & l'éclat de l'étain : la 3e. qui eft ferme & folide, à Jupiter : la 4e. à Mercure, parce que le fer & le mercure font bons à mettre en œuvre en toutes chofes, & d'un grand ufage dans le monde : la se. qui eft d'une nature mê

lée & inégale, à Mars; la 6°. qui eft d'argent, à la Lune: la 7. qui eft d'or, au Soleil. N'est-ce pas prêter trop d'efprit de raffinement aux anciens Perfes?

&

trop

(1) De I.

Suivant la doctrine que Zoroaftre avoit enfeignée, Plutarque (1) expliquant l'ancienne opinion des deux principes, & Of l'un bon, qui étoit la lumiere ; l'autre mauvais, principe des tenebres, dit que les anciens Perfes y en ajoûtoient un 3e. qu'ils nommoient Mithras. Ils invoquent, continuë cet Auteur, le Dieu Pluton & les tenebres, en cette maniere. Après avoir pilé dans un Mortier la plante nommée Omomi, ils la mêlent avec le fang d'un loup qu'on vient d'immoler, & emportent cette compofition dans un lieu obfcur, où le Soleil ne luit jamais. Ils croyent outre cela, que parmi les arbres & les plantes, les unes appartiennent au bon principe, & les autres au mauvais; & qu'entre les animaux, les chiens, les oifeaux & les heriffons de terre, font foumis au domaine du premier de ces deux principes; & que tous ceux de ces animaux qui vivent dans l'eau, appartiennent au fecond. Oromafe, felon eux, c'eft toûjours Plutarque qui parle, est né de la plus pure lumiere, & Arimanius des tenebres; & ces deux principes ont toujours été en guerre l'un contre l'autre.

Tels font les témoignages des Anciens au fujet de la Religion des Perfes. On pourroit encore y en ajoûter d'autres, mais ceux-là font fuffifans. Il faut remarquer feulement, que malgré les variétés qui s'y rencontrent, tous conviennent du moins que cet ancien Peuple adoroit le Soleil & le feu. Le fçavant Anglois, dont nous avons parlé au commencement de ce Chapitre, en convient auffi, mais il affûre en mêmetemps, que tous ces Auteurs fe trompent, lorfqu'ils difent que les anciens Perfes avoient des Temples & des Statues; mais ce fçavant Homme n'a pas voulu faire attention luimême, que quand il feroit vrai que les Guebres d'aujourd'hui ont un culte auffi épuré qu'il le prétend, il peut être arrivé que la Religion primitive de cet ancien Peuple ait reçu plufieurs changemens, comme on l'a prouvé, & qu'elle aura été épurée dans la fuite par quelque Mage. Les changemens qui étoient arrivés dans cette même Religion depuis Herodote jufqu'au temps où vivoit Strabon, prouvent qu'il Kkkk iij

peut bien y en être arrivé d'autres. Mais toute cette Mytho logie Perfane fe développera mieux dans l'Hiftoire du Dieu Mithras, duquel je vais parler un peu au long.

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MITHRAS, ancien Dieu des Perfes, n'a été bien connu en Europe, , que depuis que fon culte fut porté à Rome; tranfla (1) Vie de tion qui fe fit, felon Plutarque (1), du temps de la guerre

Pompée.

des

Pirates, l'an de Rome 687. C'eft depuis cette Epoque, & furtout dans le temps du fecond & du troifiéme fiècle de l'Ere Chrétienne, que le culte & les myfteres de cette Di vinité furent célebres à Rome. Van-Dale qui prétend que le culte de Mithras n'a été connu en Grece & à Rome que depuis la venue de Jefus-Chrift, n'avoit pas fans doute fait attention à cet endroit de la vie de Pompée, écrite par Plu

tarque.

On ne fçauroit douter, que les Romains n'aient regardé Mithras & ne l'aient honoré comme le Soleil: les Infcriptions quifont fur les Monumens qui repréfentent cette Divinité; Deo Soli invicto Mithra: au Dieu Soleil Pinvincible Mithras,en font foi, Cette Epithete, d'invincible, eft souvent donnée au Soleil fur d'autres Monumens, & elle marque que cet Aftre eft le premier, & comme le Maître de tous les autres. Il feroit inutile de citer les Auteurs Grecs & Latins, qui affûrent que ce Dieu repréfentoit le Soleil : ils en conviennent tous ; & leur fentiment étant conforme, à ce que nous apprennent à ce sujet les Infcriptions que l'Antiquité nous a transmises, il n'y a nul lieu d'en douter. Cependant Herodote que nous avons cité plus haut , prétend que parmi les Perfes, Mithras, dont il écrit le nom fans afpiration, étoit Venus Uranie, & ajoûte qu'ils en avoient reçu le culte des Affyriens & des Arabes, qui la nommoient, les premiers Mylitta, & les feconds Alitta. Mais nous fuivons l'opinion commune, felon laquelle ce Dieu étoit le Soleil; ce qui eft inconteftable, du moins à l'égard des Grecs & des Romains.

Malheureufement les Monumens qui nous reftent de Mi

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