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Sur ce principe, je crois qu'on pourroit expliquer leNama Sebefio, en fupofant 1°. que les Ouvriers en transcrivant le premier, ont mis une m, au lieu de deux n n. Ce qui peut bien être arrivé pour un mot barbare, que ceux qui commandoient l'ouvrage fur lequel il fe trouve, n'entendoient pas eux-mêmes, puifque les Ouvriers ont fouvent mal écrit des mots de la Langue, qui étoit en ufage de leur temps. 2°. Que pour mieux honorer les Dieux, on croyoit qu'il falloit leur donner le même nom qu'on leur donnoit dans les Pays d'où ils étoient venus. 30. Qu'on trouve dans les Anciens que Diane, qui étoit la même que la Lune, avoit plufieurs autres noms, ainsi qu'on le dira dans l'article où l'on parlera de cette Déeffe, entr'autres celui d'Anaïtis & de Nanna. 4o. Qu'on voit, comme on vient de le dire, fur les Bas-reliefs également la figure d'un homme, qui eft Mithras ou le Soleil, & celle d'une femme, qui eft la Venus celefte ou Diane, qui l'un & l'autre enfoncent le poignard dans le cou du Taureau. Cela fuppofé, rien n'empêche de croire qu'on a voulu mettre fur le marbre dont j'ai parlé, les noms barbares du Soleil & de la Lune, & qu'on doit lire ainfi l'Infcription: A Nanna & à Sebafius, ou Mithras, l'invincible Soleil, c'eftà-dire, à la Lune & au Soleil. Que d'Anaïtis ou de Nannea, on ait fait Nanna, ou même Nama, la chofe n'eft pas difficile à croire. Il eft arrivé de plus grands changer ens encore dans l'épithete Sabafius donnée à Bacchus ou au Soleil, puifque ce nom fe trouve écrit dans les Anciens, tantôt Sebefius, Sebafius, & même dans Macrobe, Sebedius.

Cette explication au refte, est differente de celle de Boulenger que j'ai rapportée, en ce que cet Auteur fuppofe que le mot Nama étoit un nom de Mithras, au lieu qu'il eft incontestablement celui de la Venus celefte, dont parle Herodote, ou de la Lune, que Strabon dit avoir été honorée par les anciens Perfes, fous le nom d'Anaitis.

Quoiqu'il en foit, il eft bon d'obferver, que parmi les Basreliefs de Mithras, il s'en trouve trois; l'un tiré de la Gallerie Juftinienne, l'autre de Beger, & le troifiéme rapporté par M. della Torré, où au lieu du jeune-homme qui égorge le Taureau, c'eft une femme avec des ailes qui fait cette

operation. Dans deux de ces marbres, font les deux jeuneshommes qui portent les flambeaux, pour defigner le matin & le foir; dans celui de Beger, il n'y a qu'un Autel. Ces trois Monumens ne reprefentent point Mithras, & je n'y vois ni les Signes, ni les Conftellations qui font fur les autres. II faut donc en revenir au fentiment d'Herodote, qui dit que les Perfes honoroient fous le nom de Mithras, la Venus celefte, dont le culte leur étoit venu des Affyriens: car c'est elle fans doute, & non une Victoire, comme l'a cru Beger, qui eft representée fur ces trois Bas-reliefs. De-là on peut conclure que les Romains qui avoient reçu des Perfes la connoiffance & le culte de Mithras, employoient auffi dans leurs myfteres les types & les reprefentations de la Venus celeste, honorée par cet ancien Peuple.

Nous devons obferver en premier lieu, que les Bas-reliefs qu'on vient d'expliquer, reprefentent des antres & des cavernes, qui font très-reconnoiffables fur la plufpart; parce que c'étoit dans des cavernes & dans des antres qu'on celebroit les myfteres de Mithras, dont nous parlerons dans un mo

ment.

2° Que le culte de Mithras, avant que de venir en Grece & à Rome, avoit paffé des Perfes dans la Cappadoce, où Strabon qui y avoit voyagé, dit qu'il avoit vû un grand nombre de Mages.

3°. Que le même culte avoit auffi penetré dans la Medie, puifque Lucien dans fon Dialogue du Confeil des Dieux dit que Mithras étoit un Dieu Mede: ce Mithras, dit-il, qui porte un Candys (a) & une Tiare, qui ne fait pas parler Grec, & qui n'entend pas même quand on boit à fa fante.

4°. Que quand les Perfes difoient que Mithras étoit né d'une pierre, cela fignifioit, ou le feu qui fort de deux cailloux qu'on frape l'un contre l'autre ; femina flammæ abftrusa in venis filicis, ou que c'étoit de cette maniere qu'on avoit eu le premier ufage du feu : ce qui revient à la Fablé rapportée par Plutarque (1), qui dit que Mithras, né lui-même d'une (1) De fitpierre, & fouhaitant avoir un fils fans le commerce des fem- min.

(a) Lucien defigne par ce mot le manteau que Mithras porte quelquefois fur fes épaules, dans les marbres que nous avons expliqués.

tro Nymp.

mes, avoit couché avec une pierre, de laquelle il avoit eu un fils nommé Diorphus, ou la lumiere.

5°. La Fable par laquelle on apprenoit que Mithras étoit un Voleur de boeufs qu'il conduifoit dans des antres, figni(1) De An- fioit, comme le dit Porphyre (1), que le Soleil qu'on regardoit comme l'Auteur de la fecondité de toute la nature, operoit cette fecondité d'une maniere cachée. Car comme les Voleurs, dit cet Auteur, cachent avec foin les chofes qu'ils ont derobées; de même la chaleur du Soleil, fource de la fecondité, ne la procure que d'une maniere cachée & invifible. Mais il eft temps de parler des myfteres de ce Dieu.

Myfteres de Mithras.

Quoique fon culte eût été porté à Rome dès le temps de Pompée, ce ne fut que vers le fecond fiécle de l'Ere vulgaire que les myfteres de ce Dieu furent bien connus. Comme les Perfes n'avoient point de Temples, & qu'ils celebroient les fêtes de Mithras dans des cavernes, ainfi qu'ils l'avoient appris de leur Legislateur Zoroaftre, qui le premier, felon le témoignage de Porphyre, avoit choisi pour cela un antre arrofé de fontaines & couvert de verdure, les Romains à leur exemple celebroient les mêmes myfteres de ce Dieu, dans des antres & dans des cavernes ; & quand cela ne paroîtroit pas par les marbres mêmes qui nous reftent, & qui reprefentent Mithras dans un antre, avec les Symboles que j'ai expliqués ; & que toute l'Antiquité ne feroit pas, comme elle l'eft, d'accord fur ce fujet (a), les Infcriptions qui nous reftent, ne laifferoient aucun lieu d'en douter. On voit en effet encore les noms de quelques-uns de ceux qui avoient confacré des antres à ce Dieu : Deo Soli invicto Mithra Sofimus fpeleum conftituit. Speleum Tib. Claudius voti compos dedit.

?

Les Prêtres qui étoient initiés aux myfteres de ce Dieu, prenoient plufieurs noms. Nous trouvons en effet dans les (2) Voyez Ecrits des Anciens (2), qu'ils étoient appellés Coraces, ou Porphyre de Corbeaux, Hierocoraces, Corbeaux facrés, Leones ou LeonJerome, Epift. tini, Lions; & les Prêtreffes Leana, Lionnes; car Mithras

Abft. c. 16. S.

ad Lætam.

avoit auffi des Prêtreffes, comme il paroît par cet endroit du

(a) Confultez le Livre de M. della Torré, qui cite à ce fujet plufieurs autori tés, parmi lesquelles on trouve celles de Tertullien, de S. Juftin, de Jul. Firmicus, de S. Paulin', de S. Jerôme, &c.

Livre

Livre fecond de Justin, où il eft dit qu'Artaxerxès confacra Afpafie au culte de ce Dieu. Tous ces Prêtres fe revêtoient des figures des animaux, dont ils portoient les noms : les feuls Leontins, ainsi que semble l'infinuer Porphyre, avoient le droit de prendre les figures de tous les animaux qu'ils vouloient. De-là les myfteres eux-mêmes furent appellés Coracia, Leontica, Gryphia, Perfia, Heliaca, &c.

La celebration de ces myfteres avoit des jours marqués comme les autres fêtes, ainfi qu'il paroît par une Infcription rapportée par Chifflet (1), où il eft dit « que Nonius & Victor

R

(1) De

→ celebrerent les Perfiques le jour avant les Nones d'Avril; Gemm. Abra. » les Eliaques le 16. des Kalendes de May; & les Gryphes » le 8. des Kalendes du même mois ». Une autre Inscription nous apprend que les Leontiques étoient celebrés le 16. des Kalendes d'Avril, & le 5. des Ides de Mars; & les Coraciques le 6. des Ides d'Avril: d'où l'on doit conclure, non feulement que ces fêtes avoient leurs jours marqués mais auffi que les ceremonies en étoient differentes. Car pourquoi auroient-elles porté differens noms, dans les jours differens où elles étoient celebrées ? En fecond lieu, que c'étoient les Prêtres nommés Coraces, qui préfidoient aux Coraciques; les Leontins, aux Leontiques, ainfi des autres. Ces Prêtres celebroient ces differens myfteres, avec les habits qui diftinguoient leur Sacerdoce; c'eft-à-dire, fur lefquels étoient peints les animaux dont ils prenoient le nom, ou qui étoient faits de leurs peaux : ce qui devoit prefenter un spectacle ridicule, & tout-à-fait digne de l'extravagance des myfteres du Paganifme; comme le fait entendre Archelaüs Evêque de Mefopotamie, en reprochant à Manès, qui avoit celebré lui-même les myfteres de Mithras, qu'il y avoit joué le rolle d'un Bouffon (2).

(2) Voyez

M. della Tor

ré, d'où j'ai

détails,

Rien n'étoit égal aux peines, aux tourmens, aux fatigues qu'il falloit effuyer pour être initié aux myfteres de ce Dieu. tiré tous ces On éprouvoit celui qui demandoit cette initiation, en lui impofant des chofes fi difficiles, que fouvent il y fuccomboit, & mouroit dans l'exécution. Nonnus dit qu'il falloit paffer par quatre-vingt fortes d'épreuves. Pour ne pas effaroucher ceux qui fe préfentoient pour être initiés, on commençoit, dit Tome I.

Nnnn

Abft.

vita.

cet Auteur, par les épreuves les moins difficiles. D'abord on les faifoit baigner, puis on les obligeoit à fe jetter dans le feu; enfuite on les releguoit dans un lieu defert, où ils étoient soumis à un jeûne rigoureux, lequel, felon Nicetas, duroit cinquante jours. Après cela, continue le dernier Auteur que je viens de citer, on les fuftigeoit pendant deux jours entiers, & on les mettoit pendanr vingt autres dans la neige. Lorsqu'on avoit paffé par toutes ces épreuves, on étoit admis aux myfteres de Mithras. Parmi les autres cerémonies de Finitiation, on mettoit un Serpent dans le fein de celui qui vouloit participer aux myfteres de ce Dieu; & Arnobe dit que ce Serpent étoit d'or. On fçait que cet infecte, qui reprend tous les ans une nouvelle vigeur, en changeant de peau, étoit un des Symboles du Soleil, dont la chaleur fe renouvelle au Printemps, lorfqu'il commence à parcourir les Signes Septentrionaux.

Ces myfteres au refte étoient également abominables & impies; abominables, puifqu'on y immoloit des Victimes, hu(1) L. 2. de maines, comme l'infinue Porphyre (1). Il est vrai que l'Empereur Adrien abolit la coûtume d'y immoler des hommes, (2) In ejus mais Commode la rétablit, puifque, felon Lampridius (2), il fouilla par l'homicide les myfteres de ce Dieu: Sacra Mithriaca homicidio vero polluit. Il eft vrai qu'on ne peut pas conclure de ce paffage que cet homicide fût un veritable Sacrifice (a); mais le fait que raconte Socrate dans fon Hiftoire (2) L. 2. ch. Ecclefiaftique (3), ne laiffe aucun lieu de douter qu'on n'immolât des Victimes humaines à Mithras, puifque cet Auteur rapporte que les Chrétiens d'Alexandrie ayant decouvert un antre fermé depuis long-temps, dans lequel la tradition portoit qu'on avoit autrefois celebré les myfteres dont nous parlons, ce que prouvoit encore le mot de Mithrius, que portoit ce

(a) Je dis qu'on ne peut pas conclure de ce paffage, que Commode ait immolé un homme à Mithras: comme parmi les autres épreuves des initiés il y en avoit une, dont je n'ai pas parlé, & de laquelle Tertullien fait mention, & qui confiftoit à effrayer celui qui vouloit être admis aux myfteres, en lui préfentant la pointe d'un glaive, comme fi on avoit voulu veritablement le percer, il peut être arrivé que Commode le tua veritablement. C'eft fans doute ce qui arriva à cette occafion, & ce qui fait ajouter à Lampridius immédiatement après les paroles que j'ai citées: cum illic, c'eft-à-dire, dans ces myfteres, aliquid ad fpeciem timoris vel dici, vel fingi foleat.

t

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