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le dénouement de l'Elegie qui étoit compofée à ce fujet, étoit de la changer en Fontaine ou en Rocher. L'adreffe & l'agilité de Periclymene, frere de Neftor, qui fut tué par Hercule, ont fait dire que ce jeune Prince prenoit toutes fortes de figures, & qu'il fe changea en Aigle. On doit penfer de même de Protée, de Thetis, & de Metra fille d'Ereficton. Si quelqu'un fe rendoit haiffable, comme Afcalaphe, on le changeoit en Hibou. La ftupidité de Mydas, ou peutêtre l'excellence de fon oüie, lui ont fait donner des oreilles d'âne. On dit qu'Amphion bâtit les murailles de Thebes au fon de fa Lyre, parce qu'il fut affez éloquent pour perfuader à un peuple barbare, de bâtir une ville pour y vivre en focieté qu'Orphée charma les Tygres & les Lions, & rendit les arbres & les rochers fenfibles à fes accords, parce qu'il étoit fi infinuant & perfuafif, que rien ne pouvoit refifter à la force de fon éloquence. Au lieu de dire que quelqu'un étoit gueri d'une maladie defefperée, comme Hypolite, on publioit qu'il étoit reffufcité ; & le Medecin qui en avoit pris foin, étoit toûjours Efculape,

pour

Quelquefois la reffemblance des noms donnoit lieu à la metamorphofe: ainsi furent changés Picus en Pivert, Cygnus en Cygne, Hierax en Epervier, Alopis en Renard, les Cercopes en Singes. Enfin on trouve des Fables, dont le fondement eft le fruit de l'imagination des Poëtes : ainsi nous apprendre que Cephale fe levoit de grand matin pour aller à la chaffe, on publia que l'Aurore, qui en étoit amoureuse, venoit l'enlever : qu'Hebé, Deeffe de la jeunesse, avoit rajeuni Iolas compagnon d'Hercule, parce qu'il vécut trèslong-temps, & qu'il conferva fa vigueur jufqu'à une extrême vieilleffe: que Cerès avoit aimé Jafion, parce qu'il avoit perfectionné l'Agriculture, dont cette Deeffe avoit appris l'ufage à la Grece que Diane venoit vifiter Endymion dans les montagnes de la Carie, parce que ce Berger s'y appliquoit à confidérer le cours de la Lune; ainfi des autres.

On en trouve qui ne font que des defcriptions métaphoriques de quelques effets naturels; ainfi les amours d'Apollon & de Daphné, marquent la verdure perpetuelle du Laurier, appellé Daphné par les Grecs. Enfin on doit penfer que tou

tes les metamorphofes qu'on attribue à Jupiter & aux autres Dieux, n'étoient que des fymboles qui nous marquoient les moyens dont les Princes qui portoient ces noms, s'étoient fervis pour feduire leurs Maîtreffes. Ainfi l'or dont fe fervit Pretus pour tromper Danaé, fit dire qu'il s'étoit changé en (1) Sur le liv. pluye d'or, ou bien, comme le remarque Euftathe (1), ces 1. de l'Iliade. pretendues metamorphofes n'étoient que des Medailles d'or, fur lefquelles on les voyoit gravées, & que les Amans donnoient à leurs Maîtreffes; prefens plus propres par la rareté du métal & la fineffe de là gravure, à rendre fenfibles les femmes, que de veritables metamorphofes.

Il eft neceffaire de remarquer avant que de finir cet article, qu'il n'y eut jamais de Pays plus ferrile en Fables, que la Grece. Peu contente de celles qu'elle avoit reçuës d'Orient, elle en inventa un nombre infini de nouvelles. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à examiner l'immenfe Recueil qu'Ovide en a fait, & on verra que de XV. Livres que comprend fon Ouvrage des Metamorphofes, il y en a près de XIII. qui ne font compofés que de Fables Grecques. J'ai donné dans le premier Chapitre des regles & des exemples pour les diftinguer. La Langue dans laquelle elles paroiffent avoir été compofées, eft la plus fûre. Si les noms font tirés des Langues de l'Orient, elles font étrangeres à la Grece; & s'ils font Latins, elles doivent être regardées comme originaires d'Italie. Or fur ce principe, il y en a peu dans les Metamorphofes d'Ovide, qui ne foient Grecques d'origine; car fi vous exceptez celles du Chaos, de la formation de l'homme; des compagnons de Cadmus, fortis des dents du Serpent; celles de Derceto changée en poiffon, de Semiramis en colombe, de Pyrame & de Thisbé, d'Ino & de Melicerte, de Cadmus & d'Hermione de Medufe, d'Atlas, d'Andromede, de Cerès, d'Ascalaphe, des Dieux cachés en Egypte, de Minerve, de Protée, de Byblis, de Memnon, des Cabbires, & peu d'autres ; & celles enfin qui comprennent la moitié du XIV. Livre & le XV, qui font visiblement compofés de Fables purement Latines, toutes les autres font Grecques d'origine, comme il est aisé de s'en convaincre.

Telle

Telle eft l'origine de la plupart des fables; & quand on n'en trouve pas le denouement dans les fources que j'ai rapportées, on le trouve aisément dans ces metaphores.

Mais après avoir decouvert les fources de tant de fables particulieres, il faut remonter encore à une fource plus éloignée, & donner l'Hiftoire des Cofmogonies & des Theogonies des anciens Peuples; c'eft-à-dire, la maniere dont ils ont conçu l'origine & la formation du Monde, & les generations de leurs Dieux : c'eft là principalement qu'on verra à combien d'erreurs l'homme eft livré, lorfqu'il n'a pour guique fes feules lumieres.

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Des differentes Theogonies dont l'Antiquité nous a confervé la connoiffance, ou Sentiment des Anciens, fur P'origine du Monde & des Dieux.

OMME l'opinion des Anciens fur l'origine des Dieux, étoit toûjours mêlée avec celle de l'origine du Monde, ainsi qu'un Sçavant Anglois l'a fort bien obfervé (1), & comme il eft aifé de le juger par le fragment celebre de Sanchoniathon, je me vois obligé d'expliquer également dans ce Livre, leurs Cofmogonies & leurs Theogonies.

Čeux qui ne connoiffent la Mythologie que par les Ouvrages des Grecs & des Latins, foit en vers ou en profe, s'imaginent que le premier des deux Peuples que je viens de nommer, eft l'auteur & l'inventeur de ces erreurs monftrueufes qui compofoient leur Religion, & de tous les Dieux qu'ils adoroient. Mais il eft certain que les Grecs étoient modernes, eu égard aux Peuples d'Orient ; que leur Pays a été peuplé tard, & que ce font les Colonies venues de Phenicie & d'Egypte, qui y apporterent leur Religion, leurs ceremonies & leurs myfteres. Ainfi c'eft parmi les Peuples de l'Afie qu'il faut chercher l'origine de l'idolatrie. Je commencerai par la Tradition des Chaldéens, comme le plus ancien Peuple que nous connoissions, & enfuite je pfferai auxautres.

CHAPITRE I.

Tradition des Chaldéens.

N ne peut difputer aux Chaldéens l'avantage d'être un
des plus anciens Peuples de la terre. Nembrot qui en

Ode

fut le premier Roi, vivoit du temps même de Phaleg, & il

est regardé comme l'auteur du deffein infenfé de la Tour de

Babel. Ce Peuple, au rapport de Joseph (1), avoit eu foin (1) L. contre
dès les temps les plus reculés, de conferver par des Infcrip- Apion.
tions publiques, & par d'autres monumens, le fouvenir de

ce qui s'étoit paffé, & de faire écrire fes Annales
par les plus
fages de la Nation; mais rien ne prouve mieux l'antiquité
des Chaldéens, que le rapport de feur opinion fur l'origine
du monde, fur les dix genérations qui précederent le Delu-
ge, & fur les dix autres qui fuivirent cet évenement, avec
ce qu'en a dit Moyfe.

Quatre Auteurs anciens avoient écrit l'hiftoire des Chaldéens, Berofe, Abydene, Apollodore, & Alexandre Polyhiftor: leurs Ouvrages font perdus, mais il nous en reste quelques fragmens dans Jofeph, dans Eusebe, & dans Syncelle. C'eft dans ce dernier (2) qu'on trouve le morceau de (2) p. 28. & Berofe qui regarde leur Theogonie. Un homme, ou plûtôt 29. un monftre moitié homme & moitié poiffon, forti de la mer Erythréenne, parut, difoit cet Auteur, près d'un lieu voifin de Babylone. Il avoit deux têtes; celle d'homme étoit fous celle de poiffon. A fa queuë de poiffon étoient joints des pieds d'homme, & il en avoit la voix & la parole; on conferve encore aujourd'hui fon image peinte. Berofe dit de lui que c'étoit or appevor, ce que Goar traduit, animal ratione deftitutum; mais comme il paroît que ce n'étoit point là l'idée qu'en avoit l'Auteur Chaldéen, & que le mot aphrenon n'eft pas grec, il faut qu'il y ait faute dans le texte de Syncelle, & il doit y avoir app, ftrenuus, comme l'a conjecturé un Sçavant moderne. Quoiqu'il en foit, ce monftre, felon l'Auteur Chaldéen, demeuroit le jour avec les hommes,

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