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Avec ces secours, & par une étude continuée, pendant plufieurs années, j'ai cru enfin être en état de donner cette Mythologie; & pour la mettre à la portée de tout le monde, j'ai évité, autant que je l'ai pû, ces difcuffions épineufes, qui rebutent ordinairement le plus grand nombre des Lecteurs, pour ne dire fur chaque fujet que ce qu'il y a de plus utile & de plus intereffant; & on verra bien fouvent mes égards pour eux m'ont été plus chers que ma reputation; car il ne faut pas compter pour rien, qu'un Auteur fupprime des traits d'érudition qu'il a fous fa main, & qu'il ne lui coûteroit que la peine de tranfcrire.

que

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Voici donc la methode que j'ai fuivie. Lorfque je me fers du témoignage d'un Auteur, j'en rapporte ordinairement les paroles, & j'en donne la traduction; & lorfque cette traduction manque, le difcours qui precede ou qui fuit la citation, en fait affez connoître le fens. J'obferve, autant qu'il eft poffible de citer les plus anciens avant ceux qui ne font venus qu'après; ainfi Homere & Hefiode parmi les Poëtes, Herodote & quelques autres parmi les Hiftoriens, font toûjours préferés à ceux qui les ont fuivis. Ce n'eft pas que je neglige ces derniers : ils ont pû confulter des Traditions ou des Ouvrages qui fubfiftoient de leur temps; & les premiers fans doute n'avoient pas tout dit: il n'eft ici question que de la préference que je donne aux uns fur les autres. Les Poëtes, nous ont tranfmis tant de fictions, font pourTome I.

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qui

rtant , quoiqu'on en dife, les premiers dépofitaires des Traditions anciennes de la Grece & fes premiers Historiens, puifqu'on ne commença que fort tard à y écrire en Profe.

Aux Poëtes & aux Hiftoriens j'ai quelquefois joint les Medailles & les Infcriptions, parce que ce font autant de Monumens qui atteftent l'ancienne Tradition.

A l'égard des Modernes qui ont travaillé fur cette matiere, je me contente de rapporter leur fentiment en general, & celles de leurs preuves qui m'ont paru les plus concluantes. Lorfqu'ils. ont fait des Differtations particulieres fur ces mêmes. fujets, j'en prends la fubstance, & je renvoye aux Differtations mêmes, ceux qui pourroient avoir la curiofité de les lire.

Je ne crois pas, au refte, que j'aie à me reprocher de m'être fervi des découvertes des autres, fans leur rendre du moins la juftice de les nommer. Le crime de Plagiat m'a toûjours paru un crime odieux: & qui feroit plus Plagiaire que moi, fi je n'avois indiqué avec foin les fources où j'ai puifé & où doit néceffairement puifer tout Auteur qui donne un Ouvrage semblable au mien? Ouvrage qui à la verité fait moins d'honneur qu'un Systéme nouveau; mais qui en même temps eft prefque toûjours plus utile au Public. Ceux qui fe donneront la peine de lire le premier Chapitre de cette Mythologie, qui eft une fuite de cette Préface verront à combien de fuppofitions gratuites fe font.

expofés ceux qui ont voulu ramener les Fables à un Syftéme general. Car enfin fi chaque Peuple a eu fes fictions, elles font plûtôt le fruit de l'efprit de l'Homme toûjours porté pour le merveilleux, que la fuite d'un projet concerté.

Mon deffein dans cet Ouvrage eft de prouver que malgré tous les ornemens qui accompagnent les Fables, il n'est pas difficile de voir qu'elles renferment une partie de l'Hiftoire des premiers temps, & que l'Allegorie & laMorale n'ont pas été le premier objet de ceux qui les ont inventées; & bien loin d'avoir changé de fentiment, je m'y fuis encore confirmé par de nouvelles études. Ce n'eft pas qu'il n'y ait quelques fictions particulieres où l'on chercheroit vainement quelques traits d'Histoire (*); mais en general elles y ont presque toutes quelque rapport, ou fe trouvent liées à des évenemens qu'autorife tout ce que l'Antiquité a de plus refpectable.

Autrefois les Mythologues croyoient avoir penetré le fens d'une Fable, lorfqu'ils avoient fçu en tirer quelque allegorie ou quelque moralité; & c'est à quoi se réduisent prefque toutes leurs explications. Aujourd'hui les Sçavans, perfuadés que les Fables cachent fous d'ingenieuses enveloppes l'Hiftoire des temps qui fuivirent le Deluge, fe font appliqués à lever le voile mysterieux qui deroboit à des yeux peu clair voyants les verités qu'elles renferment. Il est des temps favorables à certaines opinions, & celle de la verité des Fables a telle

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(*) Voyez le 1. Chap.

ment pris le deffus, qu'il faut deformais renoncer de bonne grace à y trouver aucun fens raisonnable, ou les rapporter à l'Histoire.

Cependant on peut former contre cette opinion une difficulté qui d'abord paroît très-folide. Comment ramener à l'Hiftoire ce que les Grecs, par exemple, difent de leurs Dieux, puifque ces Dieux vivoient dans les temps qu'ils appellent eux-mêmes, inconnus? Quelle Hiftoire peut-on tirer d'un temps inconnu, & qui ne le feroit plus fi on en avoit quelque connoiffance?

Pour être mieux au fait de cette difficulté, il faut fe rappeller la celebre divifion de Varron, qui partageoit les temps, en temps inconnus, en temps. fabuleux, & en temps hiftoriques. Les premiers. renfermoient tout ce qui étoit arrivé dans le mondejusqu'à Ogygès; & c'étoit dans cet intervalle qu'avoient vêcu les Dieux. Les feconds s'étendoient depuis Ogygès jusqu'au retablissement des Olympiades; & c'étoit dans ce fecond efpace qu'avoient paru les Heros & les demi-Dieux. Enfin aux Olympiades commençoient les temps historiques.

Pour répondre à cette difficulté je dis, 1o. que cette division ne regardoit que les Grecs; car ces temps qu'ils appelloient inconnus, ne l'étoient pas pour l'Afie ni pour l'Egypte, où il y avoit de puiffantes Monarchies, & un Syftéme de Religion établi dès les fiécles les plus reculés. Les Grecs n'étoient pas encore, ou du moins c'étoit un Peuple groffier, & vagabond, fans Loix, fans politeffe

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& prefque fans Religion, dans le temps que les Peuples d'Orient jouiffoient de tous les avantages que procurent les Arts & les Sciences.

20. Pour que cette objection eût quelque force, il faudroit que ces Dieux, dont on entreprend de donner l'Histoire, fuffent Grecs d'origine; car on pourroit dire alors que les Grecs, qui ne fçavoient rien de certain des temps où ils pretendoient qu'ils avoient vécu, ne pouvoient pas en avoir transmis l'Histoire à la posterité : mais ces Dieux leur étoient étrangers. Les Colonies qui vinrent en differens temps d'Egypte & de Phenicie s'établir dans la Grece, y porterent la Religion & les Dieux de leur Pays. C'eft une verité qu'on ne fçauroit nier, & Herodote, instruit de la Religion des Egyptiens par leurs Prêtres mêmes, le dit pofitivement. Les Dieux des Grecs étoient donc originaires d'Egypte & de Phenicie, & avoient été l'objet d'un Culte religieux dans ces deux Pays, long-temps avant que les Colonies dont je parle, fuffent arrivées dans la Grece. Les Pheniciens & les Egyptiens, qui avoient cultivé depuis les premiers Siécles les Arts & les Sciences. avoient écrit l'Hiftoire de leur Religion, & rien n'est plus celebre dans l'Antiquité que les Livres que Mercure Trifmegifte avoit compofés fur cette matiere. Il eft vray que la Langue dans laquelle ils étoient écrits, étoit une Langue facrée, & qui n'étoit entendue que des Prêtres ; mais ne peut-on pas fuppofer que les Chefs des Colonies qui allerent. chercher des établissemens dans les Ifles de la Me

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