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L'aduanture en est incroyable,
Autant comme elle est pitoyable;
Passant, admire et plains son sort,
Le bon naturel t'y conuie,
Et dy qu'il a trouué la mort

Où les autres trouuent la vie.

LE SOLEIL LEVANT.

IEUNE déesse au teint vermeil,
Que l'Orient réuère,

Aurore, fille du Soleil,

Qui nais deuant ton père, Viens soudain me rendre le iour, Pour voir l'objet de mon amour.

CERTES la nuict a trop duré,
Desia les coqs t'appellent :
Remonte sur ton char doré,
Que les Heures atellent,

Et viens monstrer à tous les yeux
De quel esmail tu peins les cieux.

LAISSE ronfler ton vieux mary
Dessus l'oisiue plume,
Et, pour plaire à ton favory,

Tes plus beaux feux r'allume;
I t'en coniure à haute voix,
En menant son limier au bois.

MOUILLE promptement les guérets

D'vne fraische rosée,

Afin que la soif de Cérès

En puisse estre appaisée,
Et fay qu'on voye en cent façons
Pendre tes perles aux buissons.

HA! ie te voy, douce clarté,
Tu sois la bien venue :
le te voy, céleste beauté,
Paroistre sur la nue,

Et ton estoile en arriuant
Blanchit les costeaux du Leuant.

LE silence et le morne roy
Des visions funèbres
Prennent la fuite devant toy
Auecque les ténèbres;

Et les hiboux qu'on oyt gémir
S'en vont chercher place à dormir.

MAIS au contraire les oyseaux Qui charment les oreilles, Accordent au doux bruit des eaux Leurs gorges nompareilles,

Célébrant les diuins appas,

Du grand astre qui suit tes pas.

LA lune qui le voit venir

En est toute confuse :

Sa lueur, preste à se ternir,

A nos yeux se refuse,

Et son visage à cet abord

Sent comme une espèce de mort.

LE voilà sur nostre horison

En sa pointe première. O que l'Éthiope a raison

D'adorer sa lumière!

Et qu'il doit priser la couleur

Qui luy vient de cette chaleur !

C'EST le Dieu sensible aux humains

C'est l'œil de la nature;
Sans luy, les œuures de ses mains
Naistroient à l'aduanture,

Ou plustost on verroit périr

Tout ce qu'on voit croistre et fleurir.

Aussi, pleine d'un sainct respect,
Quand le iourse r'allume,

La terre, à ce diuin aspect,

N'est qu'un autel qui fume, Et qui pousse en haut comme encens Ses sacrifices innocens.

Au vif esclat de ses rayons,

Flatté d'un gay zéphire,

Ces monts sur qui nous le voyons
Se changent en porphyre,
Et sa splendeur fait de tout l'air
Un long et gracieux esclair.

BREF, la nuict, deuant ses efforts
En ombres séparée,
Se cache derrière les corps

De pour d'estre esclairée,

Et diminuë, ou va croissant

Selon qu'il monte, ou qu'il descent.

LE berger l'ayant réuéré
A sa façon champestre,
En un lieu frais et retiré

Meine ses brebis paistre,
Et se plaist à voir ce flambeau
Si clair, si serein, et si beau.

L'AIGLE, dans une aire à l'escart
Estendant son plumage,
L'obserue d'un fixe regard,

Et lui rend humble hommage,
Comme au feu le plus animé
Dont son œil puisse estre charmé.

LE chcureuil solitaire et doux,
Voyant sa clairté pure
Briller sur les feuilles des houx,
Et dorer leur verdure,

Sans nulle crainte du veneur,
Tache à luy faire quelque honneur.

Le cygne, ioyeux de revoir

Sa renaissante flamme, De qui tout semble receuoir

Chaque jour nouuelle âme, Voudroit, pour chanter ce plaisir, Que la Parque le vinst saisir.

LE saulmon, dont au renouueau
Thétis est despourueuë,
Nage doucement à fleur d'eau,
Pour iouyr de sa veuë,

Et monstre au pescheur indigent
Ses riches escailles d'argent.

L'ABEILLE, pour boire des pleurs,
Sort de sa ruche aymée,
Et va succer l'âme des fleurs

Dont la plaine est semée;

Puis de cet aliment du ciel
Elle en fait la cire et le miel.

LE gentil papillon la suit

D'une aisle tresmoussante;
Et, voyant le Soleil qui luit,
Vole de plante en plante,
Pour les aduertir que le iour
En ce climat est de retour.

LA, dans nos jardins embellis
De mainte rare chose,

Il porte de la part du lys
Vn baiser à la rose,

Et semble, en messager discret,
Luy dire vn amoureux secret.

Au mesme-temps il semble à voir,
Qu'en esueillant ses charmes,
Cette belle luy fait sçauoir,

Le teint baigné de larmes,
Quel ennuy la va consumant
D'estre si loing de son amant.

Er mesme elle luy parle ainsi
En son muet langage:
Hélas! ie deuiendrai soucy

Au malheur qui m'outrage;

Si de ma fidelle amitié

Mon fier destin ne prend pitié.

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